Alors que s’achève la trêve des confiseurs et que commence la nouvelle année, les épicuriens et les épargnants ne peuvent que s’accorder sur cette préconisation : il ne faut jamais rater une occasion d’apprécier les bulles ! Comme toujours, à l’heure des bilans annuels, il convient de s’interroger sur l’état des marchés financiers, mais aussi sur leurs potentiels résiduels pour l’année à venir.
« Bull » ou bulle ?
Avant d’en venir plus concrètement au bilan de l’année boursière 2024, expliquons tout d’abord le jeu de mots : « Bull » ou bulle ?
- Les termes « Bull » et « Bear » décrivent les tendances des marchés financiers : « Bull » (« Taureau » en anglais) pour le marché haussier, et « Bear » (« Ours » en anglais) pour le marché baissier. Ces métaphores viennent de la manière dont ces 2 animaux attaquent : le taureau donne un coup de corne de bas en haut, symbolisant la hausse, tandis que l’ours griffe de haut en bas, illustrant la baisse.
- Une bulle se produit en bourse lorsque le prix d’un actif monte de manière excessive et déconnectée de sa valeur fondamentale, alimenté par un engouement spéculatif. La bulle financière finit généralement par éclater, entraînant une chute brutale des prix et des pertes importantes pour les investisseurs.
Pour l’épargnant, il convient donc de s’interroger régulièrement : mon épargne est-elle portée par un marché « Bull », donc haussier, ou bien est-ce une situation de bulle ?
Cette question prend tout son sens en ce début d’année 2025, dans la mesure où les actions américaines ont affiché une surperformance inédite en 2024 vis-à-vis des autres zones géographiques, notamment lorsque les données sont converties en Euros : +33,27% de gain pour le S&P500 américain, se traduisant par un spectaculaire écart entre les +25,81% du MSCI monde et les +9,72% du MSCI monde hors USA, et reléguant loin derrière les +9,48% du Stoxx600 européen ! La réélection de D.Trump a en effet dopé les attentes de progression de l’activité du pays, mais aussi le potentiel à venir de bénéfice des entreprises américaines … mais cela devrait se faire en partie aux dépens des autres zones : « America First » ! De plus, les actions américaines ont été spécifiquement avantagées par le développement de l’intelligence artificielle : l’avance technologique du pays dans ce domaine profite déjà aux entreprises très directement impliquées par cette révolution, mais devrait aussi doper significativement la productivité nationale durant les prochaines années. La conséquence est que les flux de capitaux internationaux ont été particulièrement favorables aux actions américaines (140 Mds $ collectés depuis la réélection de D.Trump) et que la volatilité de ces mêmes actions (cf. VIX du S&P500), donc la perception du risque à y être investi, s’est effondrée. Cette situation présente toutefois de nombreux revers : les actions américaines sont désormais chères en relatif, la performance a été souvent concentrée autour des « 7 Magnifiques » (Alphabet (ex-Google), Amazon, Apple, Meta (ex-Facebook), Microsoft, Nvidia et Tesla), et le positionnement des investisseurs est extrêmement consensuel en faveur des actions américaines, ne laissant la place à aucune déception lors des publications de résultats à venir ! Pour les marchés d’actions, l’exceptionnalisme américain pourra-t-il alors se prolonger en 2025 ?
L’élection de D.Trump a aussi eu pour conséquence d’affecter significativement la dynamique des marchés obligataires en fin d’année 2024. Le scénario semblait pourtant gravé dans le marbre : en 2024, mais aussi durant la première moitié d’année 2025, la plupart des grandes Banques centrales devaient procéder simultanément à la normalisation graduelle de leurs politiques monétaires. Autrement dit, le fort tassement en cours de l’inflation impliquait que leurs taux directeurs devenaient bien trop restrictifs, et qu’il était nécessaire de les baisser sensiblement. Mais la politique économique de D.Trump (hausse des tarifs douaniers, flux migratoires limités entraînant des pénuries de main d’œuvre, etc…) pourrait être plus inflationniste qu’anticipé auparavant, d’où des marges de manœuvre d’assouplissement monétaire moins importantes pour la Réserve Fédérale américaine (FED). De plus, la politique de D.Trump devrait soutenir la croissance du pays et atténuer ainsi le risque de chômage national, alors que c’est précisément le 2nd mandat de la FED que de s’en préoccuper. C’est pourquoi les anticipations de « taux directeur terminal » de la FED ont fortement remonté depuis la réélection du Président Trump : 3,90% de taux cible désormais a priori fin 2025 ! En revanche, la politique de D.Trump risquant de peser sur la croissance économique des autres zones, leur « taux directeur terminal » est désormais souvent plus bas qu’avant cette réélection, comme c’est le cas par exemple pour la Banque Centrale Européenne (BCE), avec une cible à 1,79% fin 2025 selon les marchés. La synchronisation des politiques monétaires pourrait donc avoir fait long feu ! En conséquence, les rendements des obligations américaines se sont plutôt tendus en fin d’année 2024, alors qu’ils se sont détendus en Allemagne dans le même temps. Il convient de noter la spécificité du Japon : la Banque du Japon (BoJ) cherchant à relever ses taux directeurs et non pas à les baisser, elle est donc à contre-tendance des autres grandes Banques centrales !
Le recalibrage des anticipations des politiques monétaires des Banques centrales a évidemment impacté les parités entre les grandes devises, confortant le statut du « Roi Dollar » ! En effet, si la FED réduit ses taux directeurs moins fortement que les banques centrales étrangères, les rendements des obligations américaines deviennent alors plus attractifs en relatif, incitant les investisseurs internationaux à en acheter. Mais, pour ce faire, ces investisseurs doivent acquérir au préalable des Dollars, ce qui soutient la demande pour la devise américaine. En conséquence, le Dollar s’est fortement apprécié en fin d’année face au panier des 6 principales devises au monde (l’Euro, le Yen japonais, la Livre britannique, le Dollar canadien, la Couronne suédoise, et le Franc suisse). Le second fait notable en fin d’année 2024 sur les devises est que les pays qui pourraient être plus particulièrement ciblés par les taxes à l’importation américaines ont tous vu leurs devises se déprécier significativement face au Dollar, en particulier le Peso mexicain ! La bonne nouvelle pour ces pays ou zones est que le recul de leurs devises permet de compenser tout ou partie des pertes de compétitivité dues aux taxes à l’importation américaines à venir !
Pour ce qui est des matières premières, l’année 2024 aura été un bon cru pour leur indice synthétique qu’est le CRB : +18,85%. Toutefois, ceci masque d’importantes volatilités et dispersions des composants de cet indice. Les métaux précieux, à commencer par l’or, ont affiché une progression forte et régulière durant l’année, jusqu’à ce que la réélection de D.Trump incite à des prises de bénéfices, les investisseurs se positionnant plutôt en mode « Risk ON » (cf. accélération des actions américaines, ou bien celle des crypto-actifs par exemple). Les métaux industriels ont été surtout influencés par l’activité en Chine et par les espoirs de soutien budgétaire du pays, ce dernier étant de loin le plus important consommateur mondial de ces métaux : la hausse de fin d’année s’explique probablement ainsi. Pour ce qui est de l’énergie, et notamment du pétrole, les influences ont été très contradictoires durant l’année. L’OPEP+ a cherché à préserver des prix élevés du pétrole, mais le cartel est de plus en plus désuni, diminuant d’autant son efficacité à imposer ses vues aux marchés. Les efforts de soutien aux prix du pétrole par l’OPEP+ ont surtout été contrebalancés par le souhait de D.Trump d’obtenir des prix du pétrole bas durant son futur mandat, notamment en encourageant les sociétés pétrolières américaines à forer toujours plus, mais aussi en œuvrant à ce que la paix soit rétablie en Ukraine et au Moyen-Orient. Pour ce qui est des denrées agricoles, leur comportement a été très erratique durant l’année, les aléas climatiques continuant en fin de compte d’en soutenir régulièrement les prix.
Actions : « Higher » ou ailleurs ?
Pour l’investisseur, après une année 2024 exceptionnelle, l’heure est à l’interrogation : les marchés d’actions continueront-ils leur ascension « Higher » (« Plus haut » en anglais), ou bien faut-il désormais regarder ailleurs ?
Dans la mesure où les allocations sur les actions sont très consensuellement investies aux États-Unis, il faut s’interroger sur la pérennité de leur dynamique : en 2024, le S&P500 a inscrit 57 nouveaux records historiques, donc 1 séance de bourse sur 5 constituait un nouveau record absolu ! Petit rappel, les États-Unis représentent à eux seuls 65% de l’indice MSCI All World et 20% de la capitalisation MONDIALE repose sur les « 7 Magnifiques » : c’est pourquoi les investisseurs institutionnels peuvent difficilement s’en écarter significativement, sauf à devenir pessimistes sur les perspectives des actions américaines. Pour déterminer son allocation sur les actions en 2025, il faut alors avant tout porter un jugement sur le succès ou non à venir de la politique économique de D.Trump :
- Baisser la fiscalité sur les entreprises de 21% à 15% pour améliorer l’attractivité territoriale des États-Unis et favoriser la profitabilité des entreprises y étant implantées, soutenant ainsi les investissements et les salaires.
- Œuvrer au recul des prix du pétrole (i.e. tenter de mettre fin à certaines guerres, et intensifier l’extraction pétrolière aux États-Unis), dopant ainsi la compétitivité et la rentabilité des entreprises américaines, tout en améliorant le pouvoir d’achat des ménages et leur potentiel de consommation.
- Lancer un vaste plan de déréglementations afin de stimuler les initiatives des entrepreneurs américains (cela pourrait aboutir à une importante vague de fusions et acquisitions !), et doper ainsi l’activité et la productivité du pays.
- Taxer TOUTES les importations en provenance de l’étranger afin d’améliorer la compétitivité relative des entreprises américaines, mais aussi pour encourager les relocalisations de multinationales étrangères vers les États-Unis, assurant ainsi un soutien à l’investissement et à l’emploi.
- Baisser les charges financières de l’Etat américain par un vaste plan d’économies (2000 Mds $ visés), notamment au travers d’importants désengagements de la sphère publique.
Plusieurs aspects du plan économique de D.Trump sont tout simplement incompatibles entre eux sur la durée ou sont même irréalistes, mais le Président, bien qu’imprévisible, est en fin de compte pragmatique et reste un faiseur de « deals » : il conviendra donc de s’attacher aux FAITS, plutôt qu’à ses déclarations impulsives qui sont une source de volatilité sur les marchés. D.Trump a par ailleurs à cœur de faire progresser la bourse américaine, car il considère que c’est le « juge impartial » de la justesse de sa politique économique : ses débordements rhétoriques devraient être en partie canalisés par certaines alertes émises par les marchés financiers. De plus, D.Trump a bien conscience que les questions de l’inflation et du pouvoir d’achat ont été les facteurs déterminants de sa réélection : il sera très attentif à ce que sa politique économique ne mette pas en risque ces 2 paramètres, sous peine de perdre les élections de mi-mandat fin 2026. À condition que l’ordonnancement des diverses mesures économiques soit effectué correctement par l’Administration Trump, ce sont plutôt les effets d’entraînement positifs qui devraient se manifester en 2025, les facteurs négatifs (inflation, rétorsions commerciales, etc…) mettant plus de temps à survenir ou à affecter l’économie. Si tel est bien le cas, les investisseurs doivent alors moins se préoccuper du momentum à venir des actions américaines que de leur valorisation, ce qui est un exercice toujours très délicat.
Les actions américaines sont certes HISTORIQUEMENT chères par rapport aux autres places de cotation internationales, mais cela s’explique tout d’abord par les compositions sectorielles respectives de ces indices : les indices américains ont un biais « croissance » qui fait souvent défaut ailleurs (cf. intelligence artificielle par exemple). De plus, la croissance des bénéfices à venir des sociétés américaines restera forte en 2025, plus forte qu’ailleurs, et elle pourrait même réserver de bonnes surprises additionnelles au vu de l’ampleur des leviers potentiels du plan économique de D.Trump : il semble alors logique d’y rester fortement exposé. Pour autant, leur croissance et leur profitabilité ne devraient plus reposer autant sur les seules « 7 Magnifiques », mais profiter à beaucoup plus de secteurs et d’entreprises. Ainsi, fin 2024, le thème de l’intelligence artificielle a déjà progressivement « ruisselé » des entreprises de hardware vers celles de software, mais aussi vers les sociétés facilitant l’intégration de ces logiciels au sein des entreprises : le thème reste porteur, mais plus forcément sur les mêmes titres en bourse. Bien qu’il semble difficile de réitérer leur performance de 2024, les actions américaines pourraient encore progresser en 2025, mais les rotations entre secteurs ou bien entre sociétés devraient s’intensifier. En conséquence, les indices américains équipondérés ou bien encore les petites capitalisations américaines pourraient bénéficier à leur tour des dynamiques à venir, et cela présenterait l’avantage pour les investisseurs de limiter le risque de concentration des paris sur une poignée d’entreprises.
L’extrême décote de valorisation des actions européennes ne peut qu’attirer l’attention des investisseurs, mais l’histoire montre qu’une décote peut durer longtemps en bourse. Pour que cette décote s’estompe, il faudrait qu’il y ait un « momentum » plus favorable : l’élection en Allemagne, et l’éventuelle levée de la règle constitutionnelle du « frein à l’endettement » du pays, pourraient en être le déclencheur. Si l’impulsion budgétaire favorable ne provenait pas spécifiquement de l’Allemagne, toute avancée vers le plan de relance pluriannuel européen, recommandé par M.Draghi, modifierait en profondeur les perspectives de croissance de toute la zone. Il convient aussi de rappeler que les multinationales des grands indices européens ont de très fortes expositions internationales, notamment aux États-Unis, ce qui signifie qu’elles pourraient profiter très directement des plans économiques de D.Trump et ne pas en être seulement les victimes. Par ailleurs, les décotes de valorisation des sociétés européennes pourraient en faire aussi des cibles de choix pour les entreprises américaines, d’autant plus que ces dernières bénéficient actuellement de l’appréciation du Dollar, diminuant d’autant le coût d’acquisition d’une proie potentielle ! De plus, si D.Trump parvenait effectivement à obtenir la paix entre la Russie et l’Ukraine, ce serait évidemment un soulagement financier important pour la zone, cela engendrerait un surcroît d’activité issu de la reconstruction de l’Ukraine, et cela atténuerait le stress potentiel sur les prix énergétiques ou sur le coût de certaines denrées agricoles, ce qui pourrait débloquer une partie de la colossale épargne des ménages de la zone. Dernier facteur, et non le moindre, la BCE est engagée dans une dynamique monétaire désormais accommodante, ce qui ne peut qu’améliorer l’état des trésoreries des entreprises de la zone ou bien encore y faciliter l’investissement et la consommation : les secteurs de l’immobilier ou de l’automobile pourraient ainsi se réveiller, avec des effets d’entraînement très forts sur l’économie. Si l’exposition aux actions européennes reste a priori un 2nd choix par rapport à leurs homologues américaines, leur potentiel d’appréciation en 2025 pourrait réserver de bonnes surprises : c’est pourquoi il nous semble logique d’y rester exposés. De plus, la complémentarité entre le côté « Growth » (i.e. croissance) des États-Unis et le côté « Value » (i.e. décoté) de l’Europe est souvent fructueuse lors des phases de rotation entre ces deux styles d’investissements.
En dehors des États-Unis et de l’Europe, le Japon semble être une zone d’investissement elle aussi encore attirante pour les actions, sa décote étant voisine de celle des pays européens, mais le point sensible est sa devise : mieux vaut désormais être exposé au Yen. Pour ce qui est des actions des pays émergents, les investisseurs ne songeront à s’y exposer significativement qu’après avoir plus de visibilité sur les conséquences de la politique économique de D.Trump : ses impacts sur le commerce international, sur les relocalisations d’activité, ou bien encore sur les fluctuations de devises. La Chine pourrait toutefois intéresser spécifiquement les investisseurs car il est déjà acquis que les autorités chinoises soutiendront fortement la croissance du pays par des appuis monétaires et budgétaires d’ampleur, de façon à compenser les effets négatifs de la politique économique de D.Trump. La très faible exposition des investisseurs internationaux aux actions chinoises pourrait être un facteur favorable additionnel pour le pays, c’est pourquoi cela pourrait être une source de diversification constructive pour les portefeuilles d’actions en 2025. Indirectement, de bonnes nouvelles en provenance de la Chine pourraient aussi profiter aux autres zones … on peut penser ainsi au secteur du luxe en France par exemple.
Pour les actions, en 2025, le « Higher » américain semble probable à ce stade, mais leur surperformance n’est plus forcément acquise : c’est pourquoi il semble avisé d’avoir quelques diversifications ailleurs !
Obligations : bond des « Bonds » ?
En 2025, le point d’attention des investisseurs pourrait être les « Bonds » (« Obligations » en anglais) : leur bond de 2024 pourra-t-il se prolonger durant l’année ?
Le message des investisseurs a en effet été clair fin 2024 : si la politique économique de D.Trump se révélait être inflationniste et qu’elle nécessitait beaucoup plus d’émissions d’obligations par le Trésor américain, les créanciers du pays exigeraient en compensation de leurs investissements des rendements obligataires plus élevés, aboutissant à une baisse du cours des obligations américaines existantes. La croissance du pays reposant très largement sur la dynamique du crédit, les investisseurs accorderont une attention toute particulière à ce facteur. L’enjeu est d’autant plus important que la question de la soutenabilité de la dette du pays inquiète déjà bon nombre d’observateurs : les simples intérêts de la dette américaine sont désormais supérieurs au budget total de la Défense du pays ! La politique monétaire à venir de la FED sera dès lors un sujet majeur en 2025 : c’est pourquoi D.Trump ne manquera probablement pas une occasion de faire pression sur J.Powell pour que les taux directeurs soient le plus bas possible ou pour que la FED procède à des achats d’obligations du pays (i.e. le « quantitative easing »).
La FED a 2 mandats : l’inflation et l’emploi. La politique de D.Trump devrait plutôt placer l’économie américaine en situation de « surrégime » : c’est pourquoi l’emploi ne devrait pas être une grande préoccupation pour la FED en 2025. La question centrale devrait être celle de l’inflation, que les observateurs imaginent devoir remonter significativement. La première impulsion inflationniste proviendrait des taxes à l’importation, les entreprises américaines ne pouvant pas nécessairement proposer des produits de substitution fabriqués sur le territoire américain. La seconde cause d’inflation serait une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, accentuée par une politique migratoire restrictive, ce qui aboutirait à un cercle vicieux de hausses de salaires et de hausses de prix. Il convient toutefois de nuancer ces hypothèses d’inflation à venir :
- Les baisses d’impôts sur les sociétés amélioreront significativement les marges bénéficiaires des entreprises américaines : ces dernières pourront donc absorber des pressions tarifaires ou salariales.
- Les efforts de déréglementation, mais aussi l’avance technologique du pays, devraient être les sources de gains de productivité significatifs pour les entreprises, permettant d’absorber là encore des hausses tarifaires ou des hausses de rémunération des employés.
- L’appréciation du Dollar face aux devises étrangères réduit d’autant les coûts d’importation pour les entreprises américaines, ce qui compense les pressions inflationnistes dues aux hausses tarifaires.
- L’éventuelle résolution de certains conflits militaires dans le monde, mais aussi l’intensification de l’exploitation des sites pétroliers, seraient de bonnes nouvelles pour la structure de coût des secteurs les plus énergivores, dégageant ainsi des marges de manœuvre financières pour compenser les hausses de tarifs à l’importation ou hausses de salaires. Une baisse des prix énergétiques serait aussi un facteur favorable pour le pouvoir d’achat des ménages, pouvant ainsi tolérer plus facilement certaines hausses de prix dues aux taxes à l’importation.
- Il ne faut pas sous-estimer également le lobbying à venir des grandes multinationales américaines à l’encontre des taxes à l’importation, car beaucoup d’entre elles ont délocalisé une partie de leur production à l’étranger (au Mexique par exemple), et ces importations seraient désormais surtaxées.
Au vu de la difficulté que peut représenter la prévision de l’inflation à venir, la FED a logiquement infléchi son discours monétaire en fin d’année 2024 pour revenir à la « data dépendance » : elle s’appuiera sur les décisions concrètes de D.Trump et sur les statistiques économiques qui en découleront pour trancher quant à sa politique monétaire. Quoi qu’il en soit, les éventuelles pressions inflationnistes ne devraient apparaître dans les données économiques que vers la fin 2025, au plus tôt, ce qui laisse du temps à la FED pour poursuivre entre-temps la normalisation de ses taux directeurs.
Si les décisions de politique monétaire de la FED seront délicates cette année, la plupart des grandes Banques centrales seront, elles, dans un schéma bien plus prévisible : leur croissance économique étant plutôt mise sous pression par D.Trump, le risque d’inflation sera donc modéré, d’où la poursuite à venir des baisses de taux directeurs. La question qui peut en revanche se poser pour ces Banques centrales est de savoir si elles doivent éventuellement aller au-delà du « taux neutre », donc le taux d’intérêt théorique permettant de stabiliser l’économie à son plein potentiel, de façon à devenir délibérément accommodantes. Pour trancher la question, c’est probablement l’intensité des soutiens budgétaires des États qui en sera le baromètre. L’Europe étant dans une phase de consolidation plutôt que d’expansion budgétaire, la BCE devrait donc disposer d’importantes marges de manœuvre monétaires, à condition que les « orthodoxes » de son Comité de politique monétaire ne s’y opposent pas. À noter que la Chine a, pour sa part, engagé fin 2024 d’importants soutiens budgétaires et monétaires, et que le pays accentuera encore plus ces soutiens si la pression économique exercée par D.Trump l’exigeait. Dans la mesure où le risque de récession économique semble faible en 2025, que le risque d’émissions d’obligations devrait provenir plutôt des États que des entreprises, et que ces dernières servent des coupons plus élevés que ceux des États, il nous semble logique de continuer de privilégier les obligations d’entreprises plutôt que les obligations souveraines dans les allocations d’actifs. Les politiques monétaires étant vouées à rester accommodantes dans la plupart des zones, les 9000 Mds $ placés à ce jour dans les fonds monétaires dans le monde perdront graduellement de leur intérêt financier puisque leur rendement va baisser. Ces capitaux se reporteront progressivement vers des actifs au rendement-risque voisin : les « Bonds » devraient poursuivre leur bond cette année !
Conclusion :
Les investisseurs détestent l’incertitude et apprécient la stabilité des règles du jeu : c’est en cela que D.Trump est particulièrement dérangeant, car il devrait être régulièrement la source de volatilité pour les marchés financiers. Pour autant, plus de volatilité n’est pas nécessairement synonyme de baisses prononcées des marchés, et l’ampleur des capitaux en réserve sur le monétaire restera un amortisseur des phases de replis boursiers. En effet, depuis 2 ans, la hausse s’est déroulée dans le scepticisme général, et les investisseurs cherchent désormais plutôt des points d’entrée sur les marchés. En 2025, la dynamique des marchés nous semble devoir être finalement plutôt « Bull » que celle d’une bulle !