Date de publication : 3 avril 2024

Depuis plusieurs mois, les marchés d’actions affichent une forme … olympique ! Les records historiques s’enchaînant inlassablement, nombreux sont les observateurs trouvant que cela va trop vite, trop haut, trop fort ! De plus, ces performances impressionnantes ne reposent-elles pas essentiellement sur les exploits de quelques « athlètes » hors norme de la cote américaine que sont les « 7 Magnifiques » (Alphabet, Amazon, Apple, Meta Platforms, Microsoft, NVIDIA et Tesla), « dopés » par la thématique de l’intelligence artificielle ? Essayons de faire un point sur les dynamiques influençant les marchés d’actions et leurs éventuelles perspectives.

« Citius » … plus vite !

Depuis des décennies, les actions américaines donnent indiscutablement les grandes impulsions à cette classe d’actifs dans le monde. Ceci se démontre aisément : alors que le pays ne pèse « que » 25% du PIB mondial, il représente aujourd’hui à lui seul 63,6% du principal indice de référence des actions internationales, le MSCI all world. Les pays du G7 contribuent pour 80,7% de ce même indice, et notons au passage que malgré un poids économique inversé la France participe pour 2,8% de l’indice quand l’Allemagne ne pèse que 2%. Comprendre la dynamique des indices boursiers nécessite donc d’éviter de se laisser « distraire » par bien des pays ou des secteurs d’activité n’ayant finalement que des impacts marginaux sur les performances finales, d’où la perplexité récurrente des observateurs constatant le fréquent découplage entre la bourse et la réalité. Afin de porter un jugement sur les actions et leurs perspectives, c’est donc avant tout sur l’économie américaine et sur les spécificités de son marché des actions qu’il faut concentrer son attention.

Les sceptiques font valoir que les actions américaines sont bien plus chères que leurs homologues étrangères, mais aussi plus chères que leur propre valorisation passée, ce qui pourrait justifier une correction boursière. La cherté relative des actions américaines vis-à-vis des autres places boursières est récurrente depuis de très nombreuses années. Ceci peut tout d’abord s’expliquer par le fait que les indices boursiers américains ont une surreprésentation de valeurs de croissance (sociétés de technologie tout particulièrement) par rapport à leurs homologues étrangers, et que ces sociétés ont systématiquement des ratios de valorisation élevés. De plus, les marchés américains ayant tendance à surperformer leurs concurrents sur la durée, les entreprises à fort potentiel (et donc à valorisations élevées) ont tendance à privilégier une introduction en bourse aux États-Unis lorsque le choix leur est offert. Les introductions en bourse ne sont toutefois pas les seules situations concernées : la très belle société de chimie allemande Linde, équivalent de notre Air Liquide français, a par exemple décidé de se retirer de la cote allemande en 2023 pour ne plus être coté qu’aux Etats-Unis désormais. Une telle décision affaiblit évidemment le DAX allemand (Linde pesait 10% de l’indice avant son départ !), et renforce d’autant la cote américaine. Par ailleurs, les dirigeants des entreprises possédant généralement des titres de leurs sociétés, leur intérêt patrimonial personnel les encourage à privilégier la place de cotation valorisant le mieux possible les actions, d’où l’attrait des États-Unis pour ce faire ! Pour ce qui est de la cherté relative des actions américaines par rapport au passé, il convient de rappeler qu’un indice n’est pas statique puisque faisant régulièrement l’objet d’entrées et de sorties, rendant souvent inopérantes les comparaisons historiques. Les sociétés ayant une croissance anémiée sont ainsi progressivement exclues des grands indices, alors que les entreprises à fort potentiel y sont en revanche intégrées : ce sang neuf perpétue et accentue même le biais « croissance » des indices américains depuis des décennies, expliquant que les ratios de valorisation soient plus élevés que par le passé. Enfin, malgré cette attractivité relative des marchés américains, le nombre de sociétés qui y sont cotées ne cesse de diminuer depuis des décennies : on parle d’une spectaculaire attrition de la cote puisqu’il y a eu une division par 2 des titres cotés en 30 ans ! C’est pourquoi des masses de capitaux de plus en plus importantes à placer n’ont d’autre choix que de s’investir sur un nombre de plus en plus limité de sociétés : l’ « effet d’entonnoir » (déséquilibre entre l’offre et la demande) fait monter les cours et les valorisations. Ce phénomène est entretenu par les réguliers et massifs plans de rachats de leurs propres actions par les entreprises américaines : 925 Mds $ attendu pour 2024, soit l’équivalent du PIB des Pays-Bas !

La question de la cherté des indices américains peut néanmoins se poser car, même si ces sociétés de croissance ont de belles perspectives devant elles, leur valorisation n’est-elle pas excessive ? Ainsi, beaucoup d’observateurs font un rapprochement entre la bulle des valeurs d’internet et le krach financier qui s’en est suivi en 2000 et l’actuel emballement boursier autour du thème de l’intelligence artificielle. L’indicateur de valorisation boursière le plus usuellement employé est celui du « Price Earning Ratio » (PER, autrement dit le ratio du cours de bourse rapporté au bénéfice par action constaté ou attendu) qui, plus il est élevé, plus il signale une cherté potentielle de l’indice ou de l’action. En 2000, juste avant que le krach des valeurs de technologie ne se déclenche, le PER du S&P500 était de 30, alors qu’il n’est qu’à 25 aujourd’hui … l’excès de valorisation actuel n’est donc pas nécessairement évident. Le caractère prédictif du PER est par ailleurs très discutable : juste avant la crise financière des « subprimes » en 2008, il n’était qu’à 18 et les marchés se sont tout de même effondrés et, à l’inverse, lors de la COVID il était monté à 35 et cela n’a pas empêché les marchés de fortement monter en 2020 et 2021 ! La progression du S&P500 reste finalement très cohérente avec la dynamique des bénéfices réalisés par les entreprises composant l’indice. C’est en effet surtout du point de vue qualitatif qu’il convient de tempérer les inquiétudes : aujourd’hui, les sociétés phares de la cote américaine figurent parmi les plus bénéficiaires de la planète, quand les entreprises de l’internet étaient en revanche déficitaires en 2000. De plus, leur niveau d’endettement est généralement très modéré et elles auto-financent l’essentiel de leurs investissements, s’autorisant même à verser des dividendes à leurs actionnaires et à avoir d’importants programmes de rachat de leurs propres actions. Enfin, elles sont souvent en situation de monopole ou de quasi-monopole sur leurs segments d’activité, et elles peuvent ainsi imposer à leurs clients les prix qu’elles souhaitent pour leurs produits ou pour leurs services. Le PER de l’indice S&P500 a beau tendre aujourd’hui vers les niveaux constatés en 2000, la qualité des sociétés composant l’indice est indéniablement bien supérieure désormais !

« Altius » … plus haut !

En observant l’historique depuis 2000 du S&P500, on constate que l’indice fluctue actuellement bien au-delà de sa droite de tendance et qu’il enchaîne les records historiques. A en croire certains observateurs, cette performance s’expliquerait essentiellement par la contribution des « 7 Magnifiques » (Alphabet, Amazon, Apple, Meta Platforms, Microsoft, NVIDIA et Tesla) et cette concentration inquiète.

Il convient tout d’abord de relativiser l’ampleur apparente de la performance de ces titres ou des indices américains car, si 2023 a été un cru exceptionnellement favorable, 2022 avait en revanche été catastrophique. C’est pourquoi le cumul des 2 années réserve souvent d’importantes surprises. En cumul sur 2022 et 2023, le S&P500 a gagné +3,71% et le Nasdaq +4,89%, soit un écart finalement très marginal entre ces 2 indices. Mais la surprise vient des comparaisons avec d’autres indices internationaux : le CAC40 a fait bien mieux avec ses +12,12%, le Footsie britannique a progressé pour sa part de +13,01%, quand le Nikkei japonais a supplanté tous ses homologues avec son gain de +21,35%. Mais qu’en est-il alors des super-champions que sont les « 7 Magnifiques » ? Sur cette même période 2022-2023, 3 des « Magnifiques » ont baissé : Alphabet (-3,57%), Amazon (-8,88%) et Tesla (-29,48%). Si NVIDIA sort du lot avec une progression de +68,57%, le gain de Microsoft (+13,87%) reste bien plus modeste alors même que le titre est très directement associé au thème de l’intelligence artificielle du fait de sa participation de 49% dans OpenAI (autrement dit, ChatGPT), suivi d’Apple (+9,63%) et Meta (+5,25%). La moyenne de progression des « 7 Magnifiques » durant ces 2 années n’est alors que de +7,91%, soit moins que le CAC40 ! Pour ce qui est de 2024, 2 des « 7 Magnifiques » voient à ce stade leurs cours de bourse BAISSER … à l’instar du film les « 7 Mercenaires » ayant inspiré cette appellation, n’y aura-t-il que 3 survivants à la fin de l’année ?

Le reproche fait ensuite aux « 7 Magnifiques » est que leur poids cumulé est jugé excessif au sein des indices américains, avec un risque d’impact très négatif si elles devaient contre-performer. Là encore, il convient de tempérer ce préjugé car les indices d’actions américains sont en réalité bien moins concentrés que beaucoup de grands indices internationaux. Les 10 premières sociétés américaines pèsent 30% du total, soit bien moins que les 56% de la France ou les 72% de la Suisse ! La bourse japonaise est en revanche mieux dispersée que les États-Unis avec ses 21% pour les 10 principales entreprises. Durant ce 1er trimestre de 2024, le S&P500 (composé de 503 sociétés) a progressé de +10,16%, 199 sociétés de l’indice ont fait mieux et 304 ont fait moins : avec 40% d’entreprises faisant mieux que l’indice, on ne peut pas parler de concentration excessive de la performance !

Ajoutons une brève digression financière concernant NVIDIA, fer de lance boursier actuel du thème de l’intelligence artificielle. La société produit des puces électroniques haut de gamme, permettant d’effectuer des calculs de très haute performance. Sa part de marché mondial sur ce segment des semi-conducteurs dépasse les 80%, et il sera difficile pour ses concurrents d’offrir des produits de même efficacité avant plusieurs trimestres, surtout en importante quantité. Le titre gagne 57% depuis le début d’année et pourtant sa valorisation, telle qu’elle est mesurée par le PER, a DIMINUÉ sur cette période : le PER est le ratio cours/bénéfices par actions et, même si le cours de bourse s’envole, si la progression du bénéfice par action est plus rapide encore, alors le PER se contracte ! A titre purement indicatif, prenons deux points de comparaison avec 1 société phare de la cote française : le PER pour 2025 d’Hermès est de 47 contre « seulement » 37 pour NVIDIA, et la marge brute dégagée par Hermès est de 67% contre 74% pour NVIDIA ! Ces simples indicateurs et les quelques graphiques ci-joint montrent qu’il y a finalement jusqu’à présent une forte cohérence entre l’évolution du cours de bourse de NVIDIA et les résultats opérationnels de la société, la question étant de savoir si cette dynamique de croissance sera durable ou non.

Les indices d’actions affichant des records HISTORIQUES, ne faut-il pas en profiter pour vendre ou tout au moins pour alléger son exposition ? Cela peut sembler très contre-intuitif, mais atteindre des records historiques peut être au contraire un signal acheteur ! En effet, TOUS les investisseurs ayant acheté sont nécessairement en plus-value puisque le cours d’achat, quelle que soit sa date dans le passé, ne peut être qu’inférieur au plus haut historique en cours ! Parce qu’étant en confiance et ayant la satisfaction de gagner potentiellement de l’argent, beaucoup d’épargnants cherchent généralement à compléter leur investissement sur les marchés, ou bien à le faire dès le moindre repli boursier, limitant d’autant le risque de baisse des marchés et son ampleur. Comme l’illustre très bien le tableau ci-joint, les records historiques peuvent être très nombreux durant une même année, et cela peut même durer durant plusieurs années consécutives. La dernière série spectaculaire de records historiques sur le S&P500 s’est produite entre 2013 et 2022, avec en moyenne sur ces 10 années consécutives 34 jours de records historiques CHAQUE ANNÉE ! En 1995, année particulièrement exceptionnelle, 77 records historiques ont été inscrits durant cette seule année, ce qui signifie que près d’1 jour sur 3 de cotation boursière était une séance de nouveau record historique ! A ce stade, le S&P500 a déjà engrangé 22 nouveaux records historiques cette année, et la dynamique consensuelle est à l’évidence de chercher à acheter les marchés sur repli plutôt que de les vendre, ce que confirment les flux financiers internationaux favorables aux actions au travers des ETFs (donc des produits indiciels !). Plus prosaïquement, tant que des décrochages de -10% à -30% restent fréquents sur de nombreux titres et sur des secteurs très variés en bourse, l’investisseur peut rationnellement considérer que les marchés ne sont toujours pas complaisants, et qu’ils restent donc distants du stade de l’euphorie haussière généralisée qui, lui, inciterait en revanche à bien plus de prudence.

« Fortius » … plus fort !

La question que tout épargnant doit ensuite se poser est de savoir quelle est la dynamique de l’économie réelle : ne risque-t-elle pas d’être bientôt un obstacle à la poursuite de la hausse des marchés ?

Une première incertitude pourrait évidemment provenir de l’éventuel retour au pouvoir de D.Trump. Ainsi que nous l’avons exposé dans notre éclaireur dédié à ce sujet (La présidentielle américaine : risque ou opportunité ?), la dynamique budgétaire américaine ne nous semble pas devoir changer significativement car D.Trump et J.Biden souhaitent en réalité tous deux la même chose : renforcer la souveraineté américaine au travers d’une politique volontaire de réindustrialisation du pays. Pour ce faire, D.Trump veut baisser la fiscalité, en tolérant alors les déficits et le dérapage de la dette que cela induit, et il s’attend à ce que les entreprises réinvestissent sur le territoire américain le cadeau fiscal qui leur est accordé, quand J.Biden oriente plus spécifiquement les investissements des entreprises par un fléchage budgétaire qui, lui aussi, conduit en fin de compte à des dépenses budgétaires et une dette élevées. Pour ce qui est des taxes à l’importation, J.Biden n’a pas remis en cause celles mises en place par son prédécesseur, et contenir l’expansion de la Chine est une priorité consensuelle aux États-Unis. Si la forme diffère radicalement entre les 2 candidats, il y a en revanche une certaine convergence sur le fond : « America First » ! Pour l’épargnant, le message à retenir est que le soutien budgétaire (et éventuellement fiscal) restera favorablement orienté pour les entreprises américaines durant plusieurs trimestres ou même années.

La question qui se pose ensuite est évidemment celle des conditions de financement de l’économie et de la soutenabilité de cette politique budgétaire : quelle sera la politique monétaire à venir ? Si la question du calendrier exact et de l’ampleur totale du mouvement à venir font débat, en revanche le sens de la marche est déjà connu : la politique monétaire de la FED va devenir accommodante. La FED a en effet pour double mission de lutter contre l’inflation et d’assurer au mieux le plein emploi dans le pays et, si elle maintient trop longtemps des taux réels (taux d’intérêts dont on déduit l’inflation) élevés, elle asphyxiera exagérément la croissance nationale et elle ne pourra remplir sa 2nde mission qu’est le plein emploi. Afin d’éviter de se voir reprocher toute ingérence dans l’élection présidentielle, il serait logique que la FED procède à une première baisse de ses taux directeurs en amont de l’élection et que les baisses suivantes soient suffisamment pré-annoncées pour ne pas être perçues comme étant discrétionnaires. Le consensus de marché envisage aujourd’hui une première baisse des taux directeurs en juin et un cumul de baisses de 75-100 points de base des taux cette année. Cela semble cohérent au vu de l’actuel contexte politique, économique et financier. Ce faisant, la FED soulagera évidemment la charge de la dette du pays (État, ménages et entreprises), geste « patriotique » fort utile au vu de l’ampleur de la dette nationale ! Avec cet allègement à venir des charges financières, beaucoup d’entreprises rembourseront plus facilement leurs dettes, elles financeront plus aisément leurs investissements, elles pourront plus commodément racheter des concurrents… ces divers facteurs ne peuvent évidemment qu’être appréciés en bourse !

Les investisseurs peuvent donc compter sur un mix budgétaire et monétaire américain favorable, d’autant plus qu’en cas de tassement économique inattendu, les marges d’intervention potentielles de la FED sont désormais très importantes. Les publications de résultats trimestriels des sociétés américaines, parce qu’étant supérieures aux attentes, ne pouvaient que rassurer les investisseurs, mais cela reste le reflet des performances passées : qu’en sera-t-il par la suite ? Le taux de chômage américain étant proche des plus bas historiques (cf. démographie du pays), la dynamique de rémunération des salariés devrait rester favorablement orientée et, la consommation représentant autour des ⅔ du PIB du pays, le principal pilier de la croissance nationale devrait rester solide. Mais des salaires élevés ne vont-ils pas pénaliser alors la profitabilité des entreprises et leur valorisation en bourse ? Il faut à ce stade souligner un facteur pouvant être ESSENTIEL durant les prochaines années s’il devait se confirmer : la productivité américaine progresse à nouveau significativement depuis plusieurs trimestres, et cela permet de compenser les hausses de coûts salariaux. Il est difficile de savoir à quelle combinaison exacte de facteurs est dû ce phénomène observé depuis la COVID, mais il est probable que cet événement exceptionnel a incité les entreprises à se restructurer (intégration accélérée d’outils technologiques, relocalisation d’activités, télétravail…) et on peut en mesurer concrètement l’efficacité. Par ailleurs, la rapide adoption de l’intelligence artificielle devrait entretenir cette dynamique de regain de productivité. Les entreprises peuvent être en fin de compte doublement gagnantes : les chiffres d’affaires sont confortés par une consommation solide (cf. dynamique des salaires), et les marges bénéficiaires pourraient être préservées, voire progresser encore grâce aux gains de productivité ! Bien entendu, l’intelligence artificielle ne fera pas que des gagnants en bourse, ce qui est le lot de toute innovation de rupture, c’est pourquoi la sélection de titres peut s’avérer être souvent complexe et que le confort pour l’investisseur pourrait consister à privilégier les indices boursiers, par nature diversifiés !

« Communiter » … ensemble !

Depuis 2021, la devise des Jeux olympiques modernes est désormais composée des 4 mots latins « Citius, Altius, Fortius – Communiter » … « Communiter » pour « ensemble ». Cette formule nous paraît particulièrement pertinente pour caractériser le contexte boursier à venir, car l’inflexion accommodante de la politique monétaire de la FED pourrait être le déclencheur d’une meilleure dispersion des allocations sur les actions, et donc de performances haussières mieux partagées entre les divers secteurs, zones géographiques ou styles de gestion : un passage de relai semble possible au sein des actions ! Beaucoup de Banques centrales, la BCE notamment, attendent en effet que la FED baisse ses taux directeurs pour pouvoir réduire à leur tour les leurs, sans craindre alors des distorsions trop importantes sur les parités entre devises. La baisse des taux par la FED enclenchera donc une dynamique de groupe pour de nombreuses Banques centrales, et cela influencera logiquement les allocations d’actifs. En effet, tant que la rémunération du monétaire, actif par nature sans risque, restera généreuse du fait de taux directeurs élevés, pourquoi prendre beaucoup de risques sur les autres classes d’actifs ? Les liquidités placées aujourd’hui sur les fonds monétaires internationaux dépassent les 8800 Mds $ (source : Goldman Sachs), soit plus que le total des actifs détenus par la FED dans son Bilan (7568 Mds $), ou bien encore l’équivalent de 3 fois le PIB de la France ! La détente des taux directeurs à venir encouragera les investisseurs à reporter une partie de ces capitaux vers les obligations et/ou vers les actions. 

Dans un contexte de rémunération élevée du monétaire, lorsque l’on veut tout de même être investi sur les actions, la bonne stratégie consiste logiquement à privilégier les multinationales les plus solides, en situation de monopole ou de quasi-monopole, car le risque de déception sur leur activité est modéré et, qui plus est, l’énorme trésorerie dont ces sociétés disposent est placé sur du monétaire qui rapporte, à lui seul, des milliards chaque trimestre ! Le point bas du cycle économique étant probablement touché cette année, et les conditions de financement de l’économie étant vouées à s’améliorer, les investisseurs chercheront certainement à élargir le spectre de sociétés sur lesquelles leurs capitaux seront désormais alloués. La baisse des taux d’intérêts soulagera par exemple toutes les sociétés endettées, et leur risque de défaut de paiement sera désormais moindre (contexte favorable pour les obligations « High Yield » au sein des obligations d’entreprises) … les multinationales disposant de très fortes trésoreries ne seront plus nécessairement l’unique réceptacle des investissements sur les actions, comme cela a été le cas depuis 2-3 ans ! Les petites capitalisations boursières, souvent endettées et plus sensibles que les grandes multinationales au coût de l’emprunt, pourraient par exemple profiter de cette meilleure dispersion des capitaux disponibles, d’autant que leurs éventuels prédateurs auront moins de difficultés à réunir les financements nécessaires pour leur rachat : les thèmes des fusions et acquisitions et des retraits de sociétés de la bourse pourraient s’intensifier. Le cycle économique étant a priori amené à réaccélérer, les marchés émergents pourraient eux aussi retrouver grâce aux yeux des investisseurs et, pour ceux préférant rester plus prudents tout en misant sur le réveil du cycle, il sera toujours possible de s’exposer indirectement à ce thème via les multinationales européennes, les zones émergentes étant d’importants contributeurs à leurs chiffres d’affaires et à leurs bénéfices. Les secteurs liés à la consommation discrétionnaire, les matières premières, etc… pourraient eux aussi offrir de nouvelles opportunités d’investissements, assurant au demeurant une plus efficace dispersion des risques au sein des actions.

Conclusion : 

Les marchés d’actions peuvent avoir besoin de retrouver parfois leur souffle, donc de corriger temporairement, et notre développement ci-dessus n’exclut évidemment pas cette nécessité régulière, mais investir sur les actions signifie participer à un marathon et il nous semble que celui-ci pourrait réserver encore de belles surprises pour celles et ceux qui y participent, et que quelques « outsiders » dans les allocations pourraient surprendre favorablement cette année. « Les gens qui doutent ne gagnent jamais, alors que les gagneurs ne doutent jamais. »

Citius, Altius, Fortius – Communiter

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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