Date de publication : 4 novembre 2024

Les marchés financiers sont portés par diverses forces économiques, politiques ou sociales, mais une influence majeure est généralement négligée à tort, bien qu’étant structurante et prévisible : la démographie. Qu’il s’agisse du comportement des investisseurs, ou bien de celui de la valorisation des actifs, en passant par les politiques monétaires et budgétaires, la démographie est un moteur essentiel de la dynamique économique et de la performance des marchés financiers. Sans prétendre être exhaustifs, essayons de prendre la mesure de certains impacts que la démographie peut avoir sur l’épargne, car comprendre ces dynamiques est crucial pour tout investisseur cherchant à construire des portefeuilles robustes sur le long terme.

Panorama démographique mondial : 

Les tendances démographiques globales
  • Le vieillissement de la population est la tendance démographique la plus marquante de notre époque. Selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), la proportion de personnes âgées de 65 ans et plus dans la population mondiale devrait passer de 9,6% en 2023 à 16% en 2050. Dans les pays développés, le phénomène serait encore plus spectaculaire, passant de 19,2% à 27% !
  • L’allongement de l’espérance de vie est l’autre tendance de fond observée depuis plus d’un siècle. Celle-ci s’explique par les progrès constants de la médecine, mais aussi par l’amélioration des conditions de vie et d’accès aux soins. En 2023, l’espérance de vie moyenne mondiale atteignait 73,2 ans, contre 46,4 ans en 1950. Cette tendance devrait se poursuivre, bien qu’à un rythme moins soutenu, pour atteindre 77 ans en 2050.
  • Baisse de la natalité dans les pays développés. En parallèle de l’allongement de l’espérance de vie, on constate aussi une baisse des taux de fécondité, phénomène particulièrement marqué dans les pays développés. Le taux de fécondité moyen des pays de l’OCDE est ainsi tombé de 2,8 enfants par femme en 1970 à 1,6 en 2023, donc bien inférieur au seuil de renouvellement des générations, soit 2,1 enfants par femme. Ce décrochage s’explique par divers facteurs sociétaux, économiques et culturels : l’accès à la contraception, l’élévation du niveau d’éducation et d’emploi des femmes, l’évolution des modes de vie, etc… Pour rappel, un taux de fécondité inférieur à 1,6 signifie qu’après 3 générations la population diminue environ de moitié, et sous 1,2 c’est même 80% de population en moins !
  • Croissance démographique dans les pays émergents. Alors que la population des pays développés tend à décliner, celle des pays émergents continue de croître. L’Afrique subsaharienne, plus particulièrement, pourrait voir sa population presque doubler d’ici 2050, passant de 1,1 milliard d’habitants en 2023 à 2,1 milliards en 2050. Cette dynamique démographique contribue à maintenir une croissance de la population mondiale, compensant le vieillissement observé dans les pays développés.
  • Les flux migratoires, un enjeu sociétal complexe. Face au vieillissement de la population et à la baisse de la natalité, de nombreux pays se tournent vers l’immigration comme solution potentielle. Cette approche vise à maintenir une force de travail dynamique et à soutenir les systèmes de protection sociale. Cependant, cela soulève des enjeux complexes. La bonne intégration des immigrés est primordiale pour assurer la cohésion sociale du pays et pour maximiser leur contribution économique. Parallèlement, la gestion du risque de communautarisme nécessite de trouver le juste équilibre entre respect de la diversité et adhésion aux valeurs du pays d’accueil. L’émergence des réfugiés climatiques ajoute une nouvelle dimension à ces flux, exigeant des politiques adaptées et une solidarité internationale accrue. Les pays d’accueil doivent concilier leurs besoins démographiques avec les défis humanitaires et sécuritaires liés à ces flux migratoires. Par effet miroir, les pays « jeunes » doivent être vigilants à ne pas se voir privés ainsi de la frange la plus qualifiée et prometteuse de leur population.
Zoom sur les grandes zones économiques
  • Europe : un vieillissement accéléré. L’Europe est la région du monde où le vieillissement de la population est le plus prononcé. En 2023, 19% de la population européenne était âgée de 65 ans et plus, une proportion qui devrait atteindre 28% en 2050. Ce vieillissement s’accompagne d’une baisse de la population active (personnes de 15 ans à 64 ans, donc en âge de travailler), posant des défis majeurs aux systèmes de retraite et de santé. L’Allemagne et l’Italie sont particulièrement touchées par ce phénomène, avec des implications importantes pour leurs économies.
  • Japon : moins de berceaux, plus de cannes. En 2023, le pays comptait 125 millions d’habitants, mais ce chiffre pourrait chuter à 90 millions d’ici 2050. Avec une population vieillissante (plus de 28% de la population a plus de 65 ans, dont un nombre record de centenaires), et un taux de natalité en baisse, le pays connaît un déclin démographique constant depuis de nombreuses années. Les causes sont multiples : coût élevé de la vie, difficultés à concilier carrière et famille, et changements sociaux. Il en résulte des défis économiques majeurs, notamment en termes de financement des retraites et de pénurie de main-d’œuvre, menaçant la croissance à long terme du pays, d’où les investissements systématiques du pays dans la robotique.
  • États-Unis : une dynamique démographique relativement favorable. Comparés à l’Europe ou au Japon, les États-Unis bénéficient d’une situation démographique bien plus favorable, grâce à un taux de fécondité plus élevé et à une immigration soutenue. Le pays n’échappe toutefois pas au vieillissement de sa population, avec une proportion de personnes âgées de 65 ans et plus qui devrait passer de 16,6% en 2023 à 22% en 2050.
  • Chine : la fin de l’atout démographique. Après avoir longtemps bénéficié d’un atout démographique grâce à une population active nombreuse et jeune, la Chine entre dans une phase de vieillissement rapide, la politique de l’enfant unique (appliquée de 1979 à 2015) ayant entraîné un vieillissement accéléré de la population. La proportion de personnes âgées de 65 ans et plus devrait passer de 12% en 2023 à 26% en 2050, donc voisine de celle de l’Europe, et ce changement démographique devrait avoir des répercussions majeures sur la croissance économique du pays et sur son rôle dans l’économie mondiale. À l’horizon de 2100, la Chine pourrait perdre environ 750 millions d’habitants, soit l’équivalent de l’intégralité de la population actuelle de l’Europe !
  • Inde : un potentiel démographique important. L’Inde, devenu le pays le plus peuplé au monde en 2023 en dépassant la Chine, bénéficie d’une population jeune et en croissance. Avec une médiane d’âge de 28 ans en 2023 (contre 38 ans en Chine), l’Inde dispose d’un potentiel démographique important pour les prochaines décennies. Toutefois, le pays devra éduquer et former cette jeunesse pour en tirer pleinement parti, et il faudra adapter à marche forcée toutes les infrastructures. La capacité ou non de l’Inde à capitaliser sur son avantage démographique pourrait redéfinir l’équilibre économique mondial dans les décennies à venir.
  • Afrique : un boom démographique en perspective. L’Afrique est le continent qui connaîtra la plus forte croissance démographique à venir : sa population devrait presque doubler entre 2023 et 2050, passant de 1,3 à 2,5 milliards d’habitants ! Pour se figurer l’ampleur de cette explosion démographique, cela signifie que ce continent verra sa population s’accroître, en seulement 25 ans, de l’équivalent de 1,6 fois la population totale actuelle de l’Europe ! Cette croissance s’accompagne d’une urbanisation très rapide et de l’émergence d’une classe moyenne, offrant des opportunités économiques importantes mais aussi des défis phénoménaux en termes d’infrastructures, d’environnement, d’emploi, etc… Le développement économique de l’Afrique, s’il est bien géré, pourrait en faire un moteur de croissance mondiale dans la seconde moitié du 21ème siècle.

Impacts de la démographie sur l’économie : 

La démographie exerce une influence profonde et durable sur les principaux paramètres macroéconomiques … essayons d’en prendre la mesure.

Croissance économique et productivité
  • La croissance du PIB. La taille et la structure de la population active sont des déterminants majeurs de la production potentielle d’une économie, et donc du PIB. Une population en âge de travailler importante et en expansion favorise la croissance économique, comme l’ont expérimenté certains pays émergents bénéficiant du « dividende démographique » : cela implique d’ajouter de nombreux logements, d’équiper ces logements, de développer les infrastructures (eau, électricité, téléphonie, routes, écoles), etc… Tous ces besoins créent des emplois à grande majorité domestiques, d’où une croissance structurellement forte de ces pays. À l’inverse, une population vieillissante et en déclin, comme au Japon ou dans certains pays européens, peut freiner structurellement la croissance. Afin de compenser une dynamique interne leur faisant défaut et pour préserver leur croissance, ces pays dépendent alors beaucoup de leur capacité à exporter. La richesse d’un pays doit être aussi mesurée par habitant, et là les classements permettent de relativiser les progressions réalisées par certains pays émergents durant les dernières années : la Chine passe du 2nd au 84ème rang mondial, l’Inde du 5ème au 172ème rang mondial, et le Brésil du 10ème au 99ème rang ! 
  • La productivité. La productivité, moteur essentiel de la croissance à long terme, est également influencée par la démographie, puisqu’une main-d’œuvre jeune peut être plus disposée à adopter de nouvelles technologies et méthodes de travail, stimulant l’innovation et la productivité. Pour nuancer ce propos, une population vieillissante peut en revanche apporter de l’expérience et de la stabilité, bien qu’éventuellement au prix d’une moindre adaptabilité. Pour compenser une dynamique démographique déclinante, les efforts de productivité sont un enjeu majeur pour les pays développés vieillissants et, hélas, l’Europe n’est pas la mieux disant !
Consommation et secteurs d’activité
  • La consommation. La démographie influence fortement les modes de consommation et, par extension, la structure de la demande des pays. Les différentes tranches d’âge (on parle de « cohortes ») ont des besoins et des préférences de consommation spécifiques. Une population vieillissante, par exemple, peut entraîner une augmentation de la demande pour les services de santé et les soins de longue durée, tandis qu’une population plus jeune stimule plutôt la demande de logements et de biens durables.
  • Les secteurs d’activité. L’évolution dans le temps de la démographie d’un pays influence la composition de la demande, favorisant certains secteurs au détriment d’autres : les dépenses contraintes dominent la consommation des pays « jeunes », alors que les dépenses discrétionnaires sont plus accessibles aux populations des pays « vieux ». Privilégier l’industrie plutôt que les services, cibler le « mass market » ou bien s’orienter vers le haut de gamme, etc… voici certaines spécialisations permettant souvent de différencier les pays « jeunes » des « vieux ». Pour être pertinentes, les décisions d’investissement des entreprises et les politiques gouvernementales dépendent donc d’une bonne analyse des dynamiques démographiques du pays et de leurs impacts structurels.

Marché du travail et emploi

  • Le marché du travail. La démographie détermine l’offre de main-d’œuvre du pays et donc le marché du travail. Une population où les tranches d’âge jeunes dominent peut exercer une pression à la baisse sur les salaires, tandis qu’une population active en déclin peut entraîner des pénuries de main-d’œuvre et une pression à la hausse sur les salaires. La démographie d’un pays a donc potentiellement une influence forte sur la compétitivité nationale.
  • La « qualité » de la main d’œuvre. Le vieillissement de la population peut aussi conduire à une inadéquation entre les compétences disponibles et celles requises par une économie en évolution rapide et permanente, nécessitant des investissements accrus dans la formation continue et la reconversion professionnelle. Les flux migratoires peuvent toutefois éventuellement assurer un complément utile pour pallier ces difficultés, c’est pourquoi il y a souvent compétition entre les grands pays pour attirer vers eux une main d’œuvre immigrée qualifiée.

Inflation et politique monétaire

  • L’inflation. Les tendances démographiques peuvent avoir des implications importantes pour l’inflation et, par conséquent, pour la détermination de la politique monétaire. Bien que bénéficiant de salaires généralement élevés, une population vieillissante peut exercer une pression déflationniste sur l’économie en raison d’une consommation agrégée plus faible (les grandes dépenses de la vie ayant déjà été effectuées) et d’un penchant pour l’épargne. Dans un contexte de faible inflation structurelle, les banques centrales de ces pays pourraient être amenées à maintenir des politiques monétaires accommodantes sur de longues périodes, comme on l’a observé au Japon, et cela pourrait avoir des implications importantes sur la stabilité financière. À l’inverse, les pays « jeunes » peuvent être confrontés à des pressions inflationnistes persistantes dues à une consommation interne forte, contraignant leurs Banques Centrales à mener structurellement des politiques monétaires restrictives, renchérissant le coût d’emprunt pour les agents économiques de ces pays. L’accès aux capitaux étant moins coûteux dans les pays vieillissants, ce sont alors plutôt ces pays qui impulsent les principaux flux financiers internationaux !
  • La politique monétaire. Les changements démographiques peuvent affecter l’efficacité des mécanismes de transmission de la politique monétaire. Une population vieillissante, ayant déjà remboursé ses principaux emprunts et disposant souvent d’une épargne de précaution, pourrait être ainsi moins sensible aux variations des taux d’intérêts des Banques Centrales, rendant la politique monétaire moins efficace. À l’inverse, lors des grandes phases de détentes ou bien de durcissements monétaires, la croissance économique des pays « jeunes » (en approximation, celle des pays émergents) est probablement bien plus rapidement et fortement affectée par ces décisions, d’où leur plus forte cyclicité.

Finances publiques, dette, et politiques budgétaires

  • Les finances publiques. La structure démographique a des implications profondes pour les finances publiques, tant sur les dépenses que sur les recettes. Le vieillissement de la population exerce une pression croissante sur les systèmes de retraite et de santé, augmentant les dépenses publiques. Cette situation est d’autant plus complexe qu’une population active en déclin peut réduire la base fiscale, et donc celle des recettes perçues par les États, créant un défi additionnel pour la soutenabilité des finances publiques à long terme. Les pays « jeunes » bénéficient de recettes fiscales généralement régulières, mais les dépenses de l’État y sont également très importantes : maternités, écoles, logements, transports, énergie, eau, etc… doivent être ajustés en proportion de la dynamique démographique !
  • La dette. La démographie mettant sous pression les dépenses et les recettes des États, cela peut conduire à une forte augmentation de la dette publique, posant des questions sur la viabilité à long terme des modèles de protection sociale, nécessitant alors des réformes structurelles.
  • Plein emploi et choix budgétaires. Faute de main d’œuvre disponible, les pays vieillissants tendent mécaniquement vers le plein emploi, et les employés étant alors confiants dans leur capacité à trouver un emploi ou à négocier leur rémunération, leur consommation pourrait être forte, tout comme leur capacité à épargner. Les personnes âgées ont pour leur part fait les grandes dépenses de la vie et ont souvent une réserve d’épargne. La conséquence est que les politiques budgétaires visant à soutenir la consommation sont alors moins pertinentes dans cette situation, et qu’il est plutôt préférable de se concentrer sur le soutien à la production et à l’amélioration de la productivité.

Innovation et entrepreneuriat

  • Esprit d’entreprise. La démographie peut également influencer le rythme de l’innovation et de l’entrepreneuriat d’une économie. Les jeunes générations sont en effet considérées comme plus enclines à prendre des risques et à innover. Une population vieillissante pourrait donc potentiellement ralentir le rythme de l’innovation, bien que cela puisse être compensé par une plus grande expérience et par des ressources financières plus importantes à consacrer à la recherche et au développement.

Les impacts de la démographie sur l’économie sont donc profonds et multidimensionnels, façonnant l’environnement économique de manière souvent imperceptible mais majeure. Pour les décideurs, comprendre ces dynamiques est essentiel pour élaborer des stratégies économiques durables.

Impacts de la démographie sur l’épargne et sur les marchés financiers :

La démographie structure insidieusement l’épargne dans le monde et influence la performance des classes d’actifs sur la durée … essayons d’en prendre la mesure.

L’effet de la démographie sur la structure de l’épargne

  • Cycle de vie et comportement d’épargne. La théorie du cycle de vie suggère que les comportements d’épargne varient selon l’âge des individus : les jeunes adultes ont tendance à emprunter, les adultes à épargner, et les personnes âgées à progressivement désépargner. Ainsi, la structure démographique de chaque pays peut influencer significativement son taux d’épargne global.
  • Épargne de précaution. L’incertitude liée au vieillissement peut encourager une épargne de précaution plus importante, notamment pour couvrir les futurs frais de santé et de dépendance. La question qui se pose alors est de savoir quels supports d’investissements sont retenus pour constituer cette épargne, quel rendement-risque est recherché (donc quelle répartition est faite des capitaux entre les grandes classes d’actifs), et comment cette allocation d’actifs fluctue dans le temps ?
  • Modification des produits d’épargne. Les personnes âgées privilégient généralement des produits moins risqués et plus liquides, ce qui peut modifier la demande pour différents types d’investissements et affecter les marchés financiers. En d’autres termes, les obligations ou produits à rendements récurrents (tel que l’immobilier) ont généralement les faveurs des pays vieillissants. Le risque est de voir les épargnants de ces pays diminuer leur exposition aux actions à mesure qu’ils vieillissent, sans bien percevoir que l’allongement de l’espérance de vie justifierait d’y rester exposés plus longtemps !
  • Pression sur les systèmes de retraite. Le vieillissement démographique accroît la pression sur les systèmes de retraite par répartition, pouvant inciter à une épargne privée accrue pour compléter les revenus futurs. L’épargne par « capitalisation » (bien plus exposée aux actifs rentables sur la durée, mais parfois versatiles à court terme) a souvent mauvaise presse parce que le nom renvoie au capitalisme … le terme « d’épargne retraite » en faciliterait probablement l’adoption.
  • Transferts intergénérationnels. Les changements démographiques peuvent modifier les schémas de transferts financiers entre générations, influençant les comportements d’épargne familiaux. Beaucoup d’héritages se font désormais alors que l’héritier devient lui-même retraité, le besoin de ces capitaux n’est alors plus forcément aussi fort qu’auparavant … d’où l’utilité d’avoir une réflexion structurée sur la transmission de patrimoine. 
  • Internationalisation de l’épargne. Face à un vieillissement démographique national, l’épargne peut être davantage orientée vers des pays plus jeunes offrant en principe de meilleures perspectives de rendement. Cette thèse théorique est pourtant infirmée dans la pratique par la préférence pour l’investissement de proximité, supposé être mieux maîtrisé, donc un patriotisme implicite de l’épargne. Lorsque l’on observe les flux financiers dominants, il est en effet évident que les pays développés, dont les populations déclinent, sont pourtant les principaux destinataires des flux de capitaux internationaux, qu’il s’agisse des actifs réputés risqués tels que les actions, ou bien encore des actifs plus rassurants tels que les obligations.
  • Fiscalité et innovation financière. Les gouvernements peuvent être amenés à ajuster leurs politiques fiscales et monétaires pour encourager l’épargne ou stimuler la consommation en fonction des tendances démographiques. Le « fléchage » fiscal de l’épargne permet parfois de lever certaines réticences d’investissement des épargnants, notamment celui des personnes âgées, adverses aux risques. Plus généralement, certaines innovations financières, telles que les ETFs par exemple, permettent de démocratiser l’accès à des stratégies d’épargne pour répondre aux besoins spécifiques d’une population vieillissante.

L’effet de la démographie sur les grandes classes d’actifs

Actions.
  • Demande d’investissement. Les populations vieillissantes tendent à réduire leur exposition aux actions pour sécuriser leur patrimoine, exerçant une pression baissière sur les cours boursiers à long terme.
  • Croissance des bénéfices. Le déclin de la population active peut réduire la productivité et la consommation, affectant négativement les chiffres d’affaires et les bénéfices des entreprises, et donc les cours des actions.
  • Innovation et entrepreneuriat. Le biais de proximité peut accroître la concentration des investissements sur quelques sociétés phares, particulièrement dans les pays vieillissants où l’entrepreneuriat pourrait être moins dynamique.
  • Secteurs spécifiques. Le vieillissement démographique peut bénéficier à certains secteurs : santé, biotechnologies, services aux personnes âgées, robotique, etc… Les secteurs de la construction, infrastructures, etc… sont en revanche souvent porteurs dans les pays « jeunes ».
Obligations.
  • Demande d’actifs sûrs. Une population vieillissante privilégie généralement les actifs moins risqués comme les obligations. Cette augmentation de la demande peut contribuer à une baisse structurelle des taux d’intérêt à long terme, affectant les rendements de l’épargne et modifiant les stratégies d’investissement.
  • Pression déflationniste. Le vieillissement démographique peut exercer une pression déflationniste sur l’économie (due à une moindre consommation agrégée), favorisant les obligations, particulièrement celles de long terme.
  • Politique monétaire. Face au vieillissement démographique et à une inflation modérée, les Banques Centrales pourraient maintenir des politiques monétaires accommodantes, soutenant les cours des obligations.
  • Dettes publiques. Le vieillissement augmente les dépenses de santé et de retraite, pouvant accroître les émissions d’obligations souveraines et peser sur leurs cours. Cependant, les personnes âgées étant des acheteurs récurrents d’obligations, cela pourrait contenir la hausse du coût de la dette, notamment celle des États.
Matières premières.
  • Demande globale. Au vu des projections de population mondiale, les matières premières devraient rester très recherchées durant les prochaines décennies, soutenant leurs prix.
  • Urbanisation. L’urbanisation rapide dans les pays émergents à population jeune stimule la demande de matières premières industrielles (métaux, énergie) nécessaires aux infrastructures.
  • Transition énergétique. La transition énergétique en cours nécessitera de très importantes quantités de métaux plus ou moins rares, et les restrictions d’exploitation de mines pour des raisons écologiques compliquent d’autant cet équilibre. Les prix des métaux industriels devraient donc rester soutenus. 
Immobilier.
  • Demande de logements. Une population croissante augmente naturellement la demande de logements, soutenant les prix immobiliers. Inversement, un déclin démographique peut exercer une pression baissière tendancielle sur les prix : le nombre d’acheteurs potentiels diminue, et de nombreux biens sont mis en vente lors des décès.
  • Urbanisation. La migration vers les villes, particulièrement dans les pays émergents, stimule la demande immobilière urbaine, créant des disparités de prix entre zones urbaines et rurales.
  • Composition des ménages. Le vieillissement et l’évolution des structures familiales (plus de personnes seules, familles plus petites) modifient la demande pour différents types de logements.
  • Immobilier spécialisé. Le vieillissement accroît la demande pour certains biens immobiliers comme les résidences services pour personnes âgées ou les établissements de santé.
  • Mobilité géographique. Les tendances démographiques influencent les mouvements de population (ex: migration des retraités vers des régions clémentes), affectant les marchés immobiliers régionaux.
  • Immobilier commercial. Les changements démographiques et l’évolution des modes de travail (cf. télétravail) affectent la demande d’espaces de bureaux et commerciaux, impactant les prix de l’immobilier commercial.

Quelques considérations générales :

  • Interdépendance des marchés. Les effets démographiques sur une classe d’actifs peuvent se répercuter sur les autres, créant des dynamiques complexes et parfois contre-intuitives.
  • Politiques gouvernementales. Les réponses politiques aux défis démographiques (politiques d’immigration, réformes des retraites, incitations fiscales) peuvent moduler l’impact a priori attendu sur les différentes classes d’actifs.
  • Inégalités. Les tendances démographiques peuvent accentuer les inégalités de richesse, ce qui peut avoir des effets différenciés sur les diverses classes d’actifs et créer des dynamiques de marché spécifiques.
  • Globalisation. Les flux de capitaux internationaux peuvent atténuer ou amplifier les effets démographiques locaux sur les actifs, rendant l’analyse purement nationale insuffisante.
  • Innovation financière. De nouveaux produits financiers peuvent émerger pour répondre aux besoins d’une population vieillissante, influençant les flux d’investissement entre les différentes classes d’actifs.
  • Diversification. Une allocation d’actifs diversifiée, tant par les classes d’actifs que par les zones géographiques, permet de profiter des dynamiques de fond engendrées par la démographie.

Conclusion : « Il n’est de richesse que d’homme ! » (Jean Bodin)

Les effets de la démographie sur les marchés financiers sont profonds, mais non déterministes. L’histoire démontre que l’ingéniosité humaine et l’innovation peuvent venir à bout des défis démographiques apparemment insurmontables. Par exemple, l’automatisation et l’intelligence artificielle pourraient compenser la diminution de la main-d’œuvre dans les sociétés vieillissantes. Les avancées médicales pourraient prolonger la vie active, modifiant les dynamiques d’épargne et de consommation. La démographie peut être un vent favorable pour ceux qui savent en tenir compte, mais elle ne remplace pas une analyse rigoureuse et une gestion des risques prudente. L’équipe de gestion et les conseillers de WeSave restent à votre disposition pour vous accompagner durablement dans vos divers projets d’épargne.

De la pyramide des âges à celle des actifs financiers

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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