Date de publication : 2 février 2024

Depuis des décennies, les fonds en Euros ont été l’un des placements financiers favoris des français, à tel point que nombreux sont les épargnants assimilant même à tort l’investissement sur les fonds en Euros avec celui sur l’assurance vie. Au travers de ce document, nous allons rappeler ce que sont les fonds en Euros, ceci afin d’en apprécier les atouts structurels et leurs points de faiblesses conjoncturels, mais également pour évaluer leur utilité dans les allocations d’actifs à venir.

Que sont les fonds en Euros ?

Les fonds en Euros sont des supports d’investissement proposés en France dans le cadre des contrats d’assurance-vie, dans les Plans d’Épargne Retraite (PER), ou encore au sein des contrats de capitalisation. Il s’agit d’une option de placement offerte par les compagnies d’assurance dans le but de diversifier les choix d’investissement des souscripteurs, sachant que l’assurance vie représente à elle seule près d’⅓ de l’épargne des français (autour de 1800 Mds €, soit l’équivalent de 62% du PIB de la France !). Il existe non pas un seul fonds en Euros, mais une multitude, et la plupart des assureurs en proposent une importante variété, plus ou moins accessibles à la clientèle car étant souvent liés à des offres commerciales spécifiques ou bien limités dans leur durée d’accès.

Les fonds en Euros sont majoritairement investis sur des obligations (autrement dit des reconnaissances de dettes) émises par des États (on parle alors d’ « obligations souveraines ») ou bien par des entreprises (on parle alors d’ « obligations corporate »). Ces obligations ont des échéances de remboursement plus ou moins éloignées, et elles peuvent être rémunérées avec des intérêts à taux fixe ou bien à taux variable. À condition d’être rigoureux dans la sélection des obligations retenues, notamment au travers de la qualité de notation de l’institution empruntant des capitaux (on parle alors d’un « émetteur obligataire »), l’assureur évitera les défauts de paiement et se verra donc rembourser le capital prêté avec en plus les intérêts reçus (on parle alors de « coupons obligataires perçus »). Afin d’améliorer le rendement de ces portefeuilles, les assureurs opèrent des diversifications sur d’autres actifs financiers, ces derniers représentant une part plus ou moins importante du fonds en Euros selon les objectifs de rendement espérés par l’assureur. Les diversifications d’actifs sont généralement effectuées sur des supports financiers dont les caractéristiques sont proches des obligations, autrement dit dont le capital est assez sécurisé et versant régulièrement des revenus au prêteur : on retrouve l’immobilier, les infrastructures, les forêts… De façon résiduelle, l’assureur place une partie des capitaux sur des actions cotées ou non cotées, sur des produits financiers structurés… l’important consistant à maîtriser le risque de pertes financières potentielles associé à ces diversifications d’actifs. À titre d’illustration, voici quelques statistiques concernant le fonds en Euros « Suravenir Rendement » qui est celui sur lequel la gestion de WeSave s’appuie pour ses allocations d’actifs.

Quels sont les avantages des fonds en Euros ?

La garantie en capital

L’une des caractéristiques les plus attractives offerte par les fonds en Euros est la garantie en capital : quelle que soit l’évolution des marchés financiers, l’assureur garantit le remboursement de l’intégralité du capital investi sur le fonds en Euros, brut de frais annuels de gestion. Dans l’hypothèse extrême où l’assureur ferait faillite, le montant garanti par le Fonds de Garantie des Assurances de Personnes (FGAP) est de 70 000 € par déposant et par établissement. Les fonds en Euros sont donc un support d’investissement très efficace pour la préservation dans le temps de son capital.

Le rendement

Les fonds en Euros offrent un rendement régulier, fixé par chaque assureur en début d’année et concernant l’exercice annuel précédent. Le rendement décidé par l’assureur s’appuie notamment sur les flux de revenus (coupons, loyers, dividendes…) perçus par le fonds en Euros, sur la valorisation positive ou négative des actifs détenus, mais aussi sur une réserve de trésorerie (Provision pour Participation aux Bénéfices, la PPB) constituée au fil des ans et permettant de lisser les rendements annuels. Précisons que les sommes mises en réserve au sein de la PPB doivent être redistribuées au plus tard dans les 8 ans qui suivent. La décision annuelle de rendement du fonds en Euros repose finalement aussi sur des choix tactiques commerciaux de l’assureur à l’égard d’autres produits d’épargne concurrents, tel que le Livret A par exemple.

La liquidité

La très grande majorité des placements sur lesquels les fonds en Euros sont investis pouvant être cédés si nécessaire sur les marchés financiers, l’assureur offre alors la possibilité aux souscripteurs de retirer à tout moment une partie ou même la totalité des capitaux placés sur le fonds en Euros. Afin de pouvoir faire face à ces éventuels retraits, sans pour autant affecter la structure des allocations d’actifs, l’assureur conserve une poche structurelle de liquidités.

Une fiscalité avantageuse

Les gains réalisés grâce au fonds en euros bénéficient d’un traitement fiscal avantageux en France qui est celui de tout investissement au sein de l’assurance vie. Les plus-values générées sont soumises à une imposition réduite, en particulier pour les investissements ayant plus de 8 ans d’ancienneté, d’où l’intérêt d’ouvrir au plus vite le contrat d’assurance hébergeant le fonds en Euros, ou bien l’intérêt de maintenir ouvert le contrat même si l’essentiel des capitaux devait être retiré et préserver ainsi son « antériorité fiscale ».

Les faiblesses conjoncturelles rencontrées par les fonds en Euros

Les atouts que les fonds en Euros peuvent faire valoir sont particulièrement importants, d’où leur spectaculaire succès durant des décennies. Pourtant, les trois dernières années ont été caractérisées par plusieurs signaux d’alerte :

  • En 2023, le rendement moyen des fonds en Euros a été pour la première fois depuis 2000 INFÉRIEUR à celui du livret A, et cela en dépit du lissage de performance assuré grâce à la PPB !
  • Depuis 3 ans, l’inflation a été tellement forte en France que l’intégrité du capital investi sur les fonds en Euros n’a plus été complètement assurée : il y a eu une légère érosion du capital placé par l’épargnant, une fois retraité de l’inflation.
  • Jusqu’en octobre 2023, l’assurance vie a fait l’objet de 3,4 Mds € de décollecte selon les données compilées par l’ACPR, sachant que les fonds en Euros sont les plus affectés par ces retraits puisqu’un contrat type d’assurance vie en France est alloué à 74% sur les fonds en Euros et à 26% sur les unités de comptes (données datant de 2022). En conséquence, la part de liquidités mise en réserve par l’assureur dans chaque fonds en Euros a été exceptionnellement sollicitée.

Il convient toutefois de nuancer immédiatement ces propos car l’inflation a été EXCEPTIONNELLEMENT forte durant les dernières années, atteignant des niveaux inédits depuis les années 80’, ceci du fait des diverses conséquences de la COVID et du conflit en Ukraine, mais le retour à la normale de l’inflation est prévu pour 2024-2025. Par ailleurs, le rendement du livret A étant fonction de l’intensité de l’inflation, le rendement des fonds en Euros devrait a priori à nouveau l’emporter à l’avenir. Cette bonne nouvelle que sera la normalisation de l’inflation ne doit toutefois pas faire oublier un facteur très important pour l’épargnant plaçant ses capitaux sur les fonds en Euros : les assureurs ayant fortement sollicité la PPB durant ces dernières années afin de préserver des rendements attrayants aux fonds en Euros, ce « coussin » de performance n’est-il pas alors désormais épuisé ? Quand bien même un reliquat de PPB subsiste pour améliorer les rendements futurs, le potentiel de rendement des fonds en Euros repose désormais principalement sur les actifs sur lesquels ils sont investis, et il convient donc de s’interroger sur leurs perspectives.

Chaque fonds en Euros ayant ses propres spécificités d’allocation d’actifs, il est alors nécessaire de faire du cas par cas pour juger du potentiel de performance à venir. Les obligations représentant généralement autour de 80% de l’allocation des fonds en Euros, c’est surtout leur situation qu’il convient d’analyser. Prenons une hypothèse très simplificatrice d’un fonds en Euros qui investirait exclusivement sur les obligations à 10 ans de l’État français et rien d’autre. Le rendement de ces obligations n’a pas cessé de chuter jusqu’en 2020 avant de rebondir très violemment durant les 2 dernières années. Notre fonds en Euros fictif investissant sur ces obligations voit arriver à échéance tous les ans 1/10 de ses obligations, autrement dit celles vieilles de 10 ans. Le rendement annuel théorique de ce fonds en Euros fictif est donc la moyenne glissante sur 10 ans des rendements passés des obligations à 10 ans françaises. Ainsi que le montre le graphique ci-joint, si on retient l’hypothèse d’une stabilité du dernier rendement des obligations françaises pendant les 10 prochaines années, ce n’est alors qu’en 2031 que le rendement de ce fonds en Euros fictif rejoindra enfin celui des obligations à 10 ans françaises ! Cette démonstration vaut aussi pour d’autres échéances que des obligations à 10 ans, et le raisonnement est tout aussi valable pour les obligations d’entreprises, car il existe une certaine harmonie d’évolution entre les diverses obligations : les différences sont alors le rythme de l’échéancier qui varie et le rendement servi par les obligations détenues. Autrement dit, pour le cœur du portefeuille que sont les obligations, il y aura une INERTIE très forte du rendement à venir des fonds en Euros dû à l’extrême faiblesse des taux d’intérêts accumulés durant les dernières années. Fait aggravant, les importants rachats subis en 2023 par certains fonds en Euros ont peut-être compromis leur capacité à accumuler autant d’obligations actuelles ayant de très forts rendements que ce qu’ils auraient souhaité. Pour autant, les diversifications d’actifs au sein des fonds en Euros ont vocation, comme toujours, à améliorer sur la durée le rendement global servi aux souscripteurs, et le passé montre que cette stratégie est pertinente : il ne faut donc pas enterrer trop vite les fonds en Euros au sein des allocations d’actifs !

Les fonds en Euros au sein des allocations d’actifs

Les fonds en Euros ont à l’évidence entamé, temporairement, une partie de leur potentiel de rendement à venir. Toutefois, leur intérêt repose aussi, et parfois avant tout, sur leur contribution à la sécurisation du capital investi dans une allocation d’actifs diversifiée. Ainsi, en 2022, les 2 principales classes d’actifs que sont les actions et les obligations ont respectivement baissé de -19,80% et -16,25% dans le monde quand les fonds en Euros ont en moyenne progressé de +1,90% dans le même temps. Bien que les reculs des actions et des obligations aient été exceptionnels cette année-là, tant par leur ampleur que par leur simultanéité, l’exposition au fonds en Euros a démontré alors tout son intérêt. Les fonds en Euros permettent ainsi de réduire la volatilité de l’épargne, et ils évitent parfois à certains épargnants de prendre des décisions inadéquates, telle que la vente de leurs actions ou de leurs obligations, sous la pression des fluctuations erratiques des marchés financiers. Chez WeSave, lorsque nous élaborons nos allocations d’actifs, c’est bien la combinaison rendement-risque et non pas seulement le rendement que nous cherchons à optimiser. Bien que nous soyons actuellement optimistes sur le potentiel des actions et des obligations, les marchés peuvent nous donner tort temporairement, c’est pourquoi le fonds en Euros Suravenir Rendement restera une composante essentielle de structuration du risque graduel de nos portefeuilles. Pour autant, il nous semble que, temporairement, nous aurons avantage à réduire un peu notre détention de fonds en Euros au profit d’obligations d’entreprises. Ces dernières nous paraissent en effet pouvoir offrir des rendements encore très conséquents avec un risque de défaut de paiement a priori modéré, l’atterrissage en douceur des économies semblant avoir une probabilité assez forte à ce stade. Cette décision impliquera, bien entendu, de tolérer un peu plus de volatilité dans nos portefeuilles, mais les rendements élevés des obligations nous semblent pouvoir compenser ce risque marginal additionnel.

Les équipes de WeSave restent à votre disposition pour vous accompagner sur la durée dans vos divers projets d’épargne.

Fonds en Euros : un investissement désormais trop serein ?

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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