Date de publication : 5 septembre 2023

C’est la rentrée, mais les marchés financiers, eux, n’ont pas fait de pause estivale. Il nous a semblé utile de leur consacrer un point dédié car, au-delà des fluctuations de court terme, plusieurs changements importants durant ces derniers mois ou années nous semblent pouvoir infléchir certaines allocations d’actifs de moyen ou long terme.

Le contexte économique : 

  • Une récession (2 trimestres consécutifs de recul du PIB) est possible fin 2023 ou début 2024, mais l’intensité et la durée de celle-ci devraient rester limitées.
  • Ce cycle est atypique, l’actuelle faiblesse du secteur industriel s’expliquant notamment par des phénomènes exceptionnels de stockages puis de déstockages liés d’abord à la COVID (entreprises stockant par peur de pénuries de composants ou de matériaux), puis à l’hyper-inflation due à la guerre en Ukraine (entreprises stockant afin d’éviter de devoir payer leurs composants plus cher par la suite) : après le déstockage observé en 2023, le secteur manufacturier devrait redémarrer en 2024.
  • Au-delà des à-coups conjoncturels, la croissance économique devrait faire preuve de résilience durant les prochaines années, soutenue à la fois par l’investissement et par la consommation.
  • L’investissement des États et des entreprises sera porté notamment par les enjeux de souveraineté (défense, santé, énergie…), par des relocalisations stratégiques d’activités (semi-conducteurs…), par la transition climatique (énergies renouvelables, gestion de l’eau…), par la compétition numérique (intelligence artificielle…) : toutes ces dépenses sont indispensables, très importantes, et ne peuvent être différées longtemps.
  • Au-delà du reliquat d’épargne constituée lors de la COVID, la consommation des ménages sera solide durant les prochaines années car le vieillissement de la population provoque une « pénurie » d’employés, d’où un rapport de force salarial plus favorable, et parce que les personnes âgées ont pour leur part déjà effectué les grandes dépenses de la vie et qu’elles ont une épargne constituée.
  • Le tassement de l’inflation se poursuivra durant les prochains mois mais, à terme, l’inflation devrait se maintenir durablement à des niveaux supérieurs à ceux prévalant avant la COVID, du fait des surcoûts récurrents liés à la transition énergétique, des relocalisations d’activités dans des zones à coûts salariaux plus élevés…
  • Une inflation structurellement plus élevée, sans pour autant être trop forte, accroît les chiffres d’affaires et les bénéfices des entreprises cotées (ces dernières ayant un « pricing power » généralement fort), ce qui est ensuite pour elles une incitation à investir, et c’est une source de rentrées fiscales additionnelles pour les États (cf. élargissement de la « base taxable »), d’où un moindre risque d’austérité budgétaire prononcée à venir.

Le contexte financier : 

  • Les Banques centrales ont achevé ou auront bientôt achevé leur cycle de durcissement monétaire pour contrer l’hyper-inflation récente, mais les effets décalés dans le temps de ces hausses de taux d’intérêts se feront encore sentir durant les prochains mois.
  • Afin de disposer de plus de marges de manœuvre monétaire lors du prochain ralentissement économique, les banquiers centraux souhaitent réduire la taille de leurs bilans en ne reconduisant pas une partie des obligations détenues et arrivant à échéance (i.e le « quantitative tightening ») … mais cela peut se heurter aux besoins de (re)financement des États.
  • La dette restant proche de ses records historiques, et le système bancaire ayant manifesté récemment des signes de fragilité, les banquiers centraux ne veulent surtout pas provoquer un arrêt brutal de l’activité, rendant insoutenable la charge de la dette dans un contexte de tensions sociales ou géopolitiques persistantes.
  • La démonstration a été faite que les autorités ne laisseraient pas une crise financière s’étendre (cf. injections de capitaux en urgence) et que des mesures radicales peuvent être vite adoptées si nécessaire (y compris offrir éventuellement des garanties sur les dépôts bancaires) : les effets de leviers financiers sont scrutés de près par des autorités désormais très réactives.
  • Pour que la charge de la dette reste soutenable, mais aussi afin de faciliter les investissements colossaux à venir, les banquiers centraux cibleront probablement des taux réels (taux nominal dont on déduit l’inflation) au voisinage de 0% (plutôt négatifs a priori à moyen terme !) : les taux directeurs devraient alors rebaisser à mesure que l’inflation se tasse, et il ne faudra pas interpréter ces détentes monétaires comme étant nécessairement un signal de récession imminente.
  • Le renchérissement du coût de l’emprunt filtre les projets d’investissement, incitant à retenir en priorité ceux dont la rentabilité sera la plus rapide, et de nombreuses entreprises « zombies » qui ne survivaient que parce que les taux d’intérêts étaient bas devraient disparaître ou être rachetées : l’allocation des capitaux disponibles sera a priori mieux optimisée. 
  • À mesure que l’inflation approchera de la cible historique de 2% que les banquiers centraux s’efforçaient d’atteindre, se posera pour eux la question de relever éventuellement cette cible (vers 3% par exemple ?) pour disposer d’une plus grande flexibilité monétaire à l’avenir, mais aussi parce que l’inflation efface discrètement une partie du coût réel de la dette, ce qui arrange les États.
  • Les soutiens budgétaires d’urgence s’estomperont ou disparaîtront en 2024, mais les indispensables investissements de long terme par les États prendront le relais : le débat autour de l’opportunité des dépenses publiques, de leur efficacité, et de leur financement, montera en puissance.
  • La problématique du ratio de dette/PIB des pays est moins forte en période d’inflation car l’inflation gonfle mécaniquement le PIB en valeur, ce qui diminue d’autant ce ratio : la soutenabilité de la dette sera plus facile durant les prochaines années si l’inflation est effectivement plus forte qu’avant la COVID. 
  • Le vieillissement de la population mondiale a tendance à engendrer un surcroît structurel d’épargne, ce qui est plutôt favorable pour les marchés financiers. 

Les actions : 

  • Cette classe d’actifs offre une protection naturelle contre l’inflation, puisque ce sont les entreprises elles-mêmes qui passent les hausses de prix : si l’inflation doit être structurellement plus forte durant les prochaines années, cela justifie d’avoir une pondération conséquente sur les actions.
  • Les cycles économiques ou chocs conjoncturels imprévisibles ne disparaissent pas, mais les autorités cherchent à l’évidence à en limiter la portée : l’attrait relatif des actions est alors structurellement meilleur que par le passé, puisqu’un parachute protecteur s’active systématiquement.
  • Les perspectives étant favorables pour la consommation et pour l’investissement durant les prochaines années, les actions devraient bénéficier pleinement de cette bonne dynamique, sous réserve de prêter attention à leurs valorisations.
  • Depuis de nombreuses années, les introductions en bourse sont beaucoup moins nombreuses que les sorties de la cote (autour de 7500 entreprises américaines cotées au pic de 1997, contre seulement 3600 aujourd’hui !), pendant que la masse de capitaux internationaux allant vers les marchés ne cesse de croître : un effet de rareté se constitue autour des entreprises cotées, contribuant à entretenir leur hausse, et favorisant plus particulièrement les leaders des grands indices.
  • Les indices boursiers sont des représentations souvent très éloignées de la réalité des économies (biais sectoriels des indices, taille critique déjà atteinte par ces entreprises, internationalisation avancée de leur activité, accès privilégiés aux financements bancaires ou via les marchés…) : l’analyse des cycles macro-économiques ne suffit pas pour identifier le bon timing d’exposition ou non aux actions.
  • L’interventionnisme croissant des États dans nos économies, la transition environnementale, une nouvelle « régionalisation » des productions et du commerce international… rendront encore plus sensibles à l’avenir les questions de fiscalité (incitations ou entraves par la taxation) et les réglementations : les grandes multinationales auront probablement plus de facilités à s’y adapter.
  • La montée en puissance du « socialement responsable » favorise plutôt les grandes multinationales, car ayant plus d’effectifs s’y consacrant et parce que disposant d’importants moyens financiers pour répondre aux problématiques posées ou pour communiquer sur ces sujets.
  • Les entreprises détenant beaucoup de cash sont en situation confortable pour investir ou pour racheter des concurrents, et leur trésorerie est désormais mieux rémunérée puisque les taux d’intérêts ont monté : les grands leaders des indices sont généralement bien positionnés pour l’avenir.
  • Les investissements à effectuer par les entreprises seront importants durant les prochaines années, et le coût de l’emprunt pourrait être moins favorable que durant les dernières années : les politiques de versement de dividendes et de rachat d’actions pourraient en conséquence être moins généreuses, et les fusions et acquisitions moins nombreuses ou financées par échanges de titres plutôt que payées intégralement en cash.
  • Les performances des indices reposent actuellement essentiellement sur un nombre limité d’entreprises de croissance (quelques technologiques aux États-Unis, le secteur du luxe en Europe…), c’est pourquoi les indices sont en apparence chers : si on observe toutefois la valorisation des indices avec une équipondération des sociétés afin de neutraliser ces biais, on constate que les valorisations sont alors inférieures ou en ligne avec les normes historiques.
  • L’impact des fluctuations de taux d’intérêts sur les valorisations boursières est plus important sur les sociétés à forte croissance (i.e. style de gestion « Growth ») que sur les entreprises cycliques et décotées (i.e. style de gestion « Value ») : la pause monétaire, puis la probable détente future des taux directeurs, favoriseront en priorité les indices ayant des biais croissance.
  • Certaines ruptures technologiques importantes, telle que l’intelligence artificielle, peuvent provoquer l’envol boursier de quelques sociétés (comme par exemple NVIDIA, société concevant des semi-conducteurs), mais il faut relativiser ces performances spectaculaires par la croissance additionnelle future envisageable de ces entreprises (cf. indicateur de valorisation du « Price Earning to Growth », ou PEG) : il conviendra de vérifier toutefois que les résultats de ces sociétés sont effectivement à la hauteur des croissances espérées.

Les obligations : 

  • L’attrait relatif d’une exposition aux obligations s’est amélioré puisque leurs coupons nominaux ont fortement remonté à la suite des durcissements monétaires des Banques centrales : la protection potentielle offerte par les obligations en cas de baisse des marchés redevient consistante.
  • Le rendement nominal des obligations est désormais souvent supérieur au rendement des dividendes versés par les indices d’actions : les obligations sont de nouveau une alternative crédible aux actions.
  • Si les Banques centrales décidaient de baisser leurs taux directeurs à mesure que l’inflation diminue, le porteur d’obligations peut espérer gagner sur la performance des obligations en plus du coupon qu’il encaisse.
  • La fin des durcissements monétaires par les Banques centrales devrait conduire à une diminution de la volatilité observée sur les obligations : certains investisseurs quantitatifs allouant leurs capitaux en fonction de la volatilité des actifs devraient apprécier favorablement ce facteur, et pourraient accorder plus de capitaux aux obligations.
  • Le porteur d’obligations doit rester vigilant au rendement RÉEL (rendement nominal de l’obligation dont on déduit l’inflation) de son investissement : les banquiers centraux pourraient en effet privilégier à moyen terme des rendements réels négatifs pour alléger la charge de la dette des agents économiques très endettés et pour faciliter ainsi les importants investissements nécessaires.
  • Les obligations seront très sensibles à l’avenir à 2 décisions stratégiques des Banques centrales : faut-il relever structurellement la cible d’inflation (aujourd’hui à 2%), et quelle sera leur politique en termes de taille de bilan avec, implicitement, la question de l’ampleur du soutien apporté au financement des États ?
  • Les anticipations d’inflation à long terme sont restées finalement assez stables malgré les chocs récents, c’est pourquoi les obligations ayant des échéances de court terme sont celles ayant été le plus pénalisées par les hausses de taux directeurs : ces mêmes obligations devraient alors le plus bénéficier de la pause, puis de la détente, des politiques monétaires à venir.
  • Beaucoup de levées de capitaux effectuées durant la COVID via des obligations avaient une échéance à 5 ans : la question du nouveau coût auquel ces obligations seront reconduites se posera donc vers 2025 mais, d’ici là, l’inflation et donc les taux d’intérêts devraient avoir encore baissé, modérant a priori ce surcoût financier futur.
  • Si la conjoncture économique doit être résiliente durant les prochaines années (cf. consommation et investissement), le risque de défaut de paiement ou de faillite par les entreprises devrait être faible : les obligations d’entreprises offrant des coupons supérieurs à ceux des États, il semble logique de les privilégier régulièrement dans les allocations obligataires.

Les devises : 

  • Choisir de s’exposer ou non aux devises étrangères dans ses allocations d’actifs est une décision majeure, pouvant doper ou bien au contraire annihiler les performances boursières attendues.
  • Depuis 2 ans, la volatilité a été très forte sur les devises, notamment du fait des différentiels de politique monétaire entre pays ou entre zones : la pause monétaire en cours ou bien imminente devrait atténuer les fluctuations entre devises, ce qui est généralement favorable aux allocations sur les actifs réputés « risqués » (émergents, matières premières…).
  • Certaines devises ayant particulièrement baissé du fait des politiques monétaires accommodantes de leurs Banques centrales (Japon, Chine…) pourraient se redresser durant les prochains mois puisque les politiques monétaires divergeront moins désormais.
  • Les taux de change entre les devises ont eu un impact très fort sur l’inflation importée durant les 2 dernières années : pour certains pays, une devise forte demeure un instrument implicite de lutte contre l’inflation (cf. Banque centrale européenne).
  • Les impacts des devises (les fluctuations du Dollar notamment) ont été très importants sur les chiffres d’affaires et sur les résultats des entreprises : sur 1 an glissant, les effets de base seront désormais exigeants pour les sociétés européennes ou japonaises, mais seront favorables pour les entreprises américaines.
  • La croissance économique mondiale étant modeste et, parce qu’il y a une nouvelle régionalisation des échanges internationaux (cf. « reshoring », « friend-shoring »…), la compétition à venir entre les pays pourrait passer par des politiques de dévaluations compétitives des devises.
  • Il conviendra de surveiller à terme les éventuels effets des lancements des devises numériques par les États sur l’épargne, l’investissement, les flux de capitaux internationaux…

Les matières premières : 

  • Les matières premières sont un actif financier souvent utile pour se protéger contre l’inflation, puisqu’étant positionnées le plus en amont du cycle de production.
  • Le recul du Dollar favorise généralement la hausse des prix des matières premières, car le pouvoir d’achat des entreprises ou des pays souhaitant en acheter s’améliore d’autant.
  • Il faut de nombreuses années pour créer de nouveaux sites d’extraction et de transformation des matières premières, et le sous-investissement a été chronique durant les dernières années (cf. cycles économiques très perturbés, difficultés de financement de ces activités pour des raisons « éthiques »…) : pour les prix des matières premières, l’insuffisance de production aura peut-être plus d’importance que l’intensité ou non de la demande.
  • La transition énergétique et les relocalisations d’activités vont entraîner une très forte demande pour les métaux industriels et cela durant de nombreuses années, alors même que les capacités de production sont très insuffisantes : les prix resteront soutenus sur la durée, bien que volatils.
  • Durant les prochains mois, la Chine devrait engager diverses mesures pour préserver sa croissance économique, ce qui devrait plutôt soutenir les prix à court terme des matières premières.

Conclusion :

Pour l’épargnant sachant s’abstraire des fluctuations de court terme, les opportunités d’investissement sont a priori de nouveau attrayantes à moyen ou à long terme, et ceci sur les grandes classes d’actifs. L’équipe de gestion et les conseillers de WeSave restent à votre disposition pour vous accompagner sur la durée dans vos divers projets d’épargne.

La Bourse … et l’avis !

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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