Date de publication : 2 octobre 2024

L’élection présidentielle américaine du 5 novembre devrait être l’événement de cette fin d’année, suscitant logiquement de vives spéculations et débats, notamment autour de la possible réélection de D.Trump. Son retour à la Maison-Blanche pourrait en effet avoir des répercussions significatives, tant pour l’économie nationale qu’internationale, en modifiant entre autres les dynamiques commerciales, les régulations économiques, et en influençant la politique monétaire de la Réserve Fédérale (FED). Essayons de prendre la mesure de ces possibles impacts, mais aussi de leurs effets sur certains actifs financiers en bourse.

« Ce qui ne me tue pas me rend plus fort » (attribué à F.Nietzsche)

D.Trump prenait déjà nettement l’ascendant sur J.Biden dans les sondages, notamment après le débat télévisé durant lequel le Président sortant n’avait pu surmonter ses difficultés cognitives. La tentative manquée d’assassinat contre D.Trump a toutefois clairement changé la donne entre les deux candidats à la présidentielle, donnant une avance déterminante au challenger : ce dernier a opportunément exploité son image de « victime » et de « miraculé », et a relançé efficacement ses levées de fonds après cet événement.

La situation devenant difficilement tenable pour lui-même comme pour le parti Démocrate, J.Biden a été contraint de renoncer à la course à la présidence. Pour reprendre la synthèse qu’en faisait un journal anglo-saxon : « La balle a touché Trump, mais elle a tué Joe Biden ! ». En remplacement, la Convention des Démocrates a retenu la candidature de la vice-présidente K.Harris, cette dernière disposant de la légitimité politique et ayant déjà récolté des fonds de campagne. Bien qu’ayant été une vice-présidente plutôt « effacée », K.Harris peut néanmoins revendiquer la co-paternité des succès économiques et sociaux de la mandature qui s’achève, et son programme pour les 4 ans à venir en est une forme d’extension. Peut-être parce qu’il avait sous-estimé son opposante, le débat télévisé entre D.Trump et K.Harris a démontré que cette dernière pouvait indiscutablement mettre en difficulté l’ancien Président. Pour les investisseurs, la principale inquiétude quant au programme économique de K.Harris est qu’elle envisage de remonter la fiscalité sur les entreprises à 28%, ce qui affecterait structurellement leur rentabilité.

La fin de campagne électorale portera toutefois certainement très peu sur le bilan économique ou bien sur les projets respectifs des 2 candidats, hormis éventuellement quelques sujets de société tel que l’avortement ou bien l’immigration, mais ce sera plus probablement surtout un vote d’adhésion ou de rejet de D.Trump. Pour ses partisans, D.Trump représente un défenseur des valeurs traditionnelles (« Make America Great Again ! »), de la souveraineté nationale et de la croissance économique. Pour ses détracteurs, il est en revanche une personnalité qui divise intentionnellement, favorisant le chaos, dangereuse pour la démocratie et pour les institutions américaines ou internationales.

Pour les Démocrates, au-delà de la présidence, l’enjeu est aussi et peut-être surtout de ne pas laisser les pleins pouvoirs aux Républicains : il faut éviter une « vague rouge » ! La Cour Suprême est en effet déjà à dominante conservatrice (6 conservateurs contre 3 progressistes), et le jeu des élections au Sénat (⅓ seulement des sénateurs renouvelés, et plutôt des postes actuellement occupés par des Démocrates) devrait leur être défavorable : il s’agit donc d’emporter autant de postes que possible à la Chambre des Représentants ! De ce point de vue, la candidature de K.Harris pourrait permettre de mobiliser un grand nombre d’électeurs votant par conviction ou même par simple tradition en faveur des Démocrates. Pour les marchés financiers, cette question de l’équilibre parlementaire à venir pourrait être au moins aussi importante que celle de savoir si D.Trump est élu ou non, puisque de celà dépend le degré de liberté de la future administration américaine.

Les probables priorités économiques de D.Trump en cas de réélection : 

Le programme de K.Harris étant dans la continuité de ce que l’administration Biden a déjà mis en œuvre, il n’y aurait alors pas beaucoup de surprises ou de risques de rupture par rapport aux dynamiques actuelles si elle était élue. C’est pourquoi, pour les investisseurs, il est bien plus important de s’attacher à analyser le programme de D.Trump, d’autant que ce dernier a prouvé par le passé qu’il pouvait être parfois particulièrement imprévisible et déstabilisant. Le focus qui suit lui est donc consacré, sans préjuger pour autant du résultat de l’élection à venir. Avant de poursuivre, faisons aussi un petit rappel important : « Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent » (attribué à J.Chirac) … autrement dit, les déclarations de campagne du candidat Trump ne seraient pas forcément les réalisations concrètes du Président Trump, si ce dernier était élu !

Réductions d’impôts :

  • Durant son mandat présidentiel entre 2017 et 2021, l’une des lois phare de D.Trump a été la « Tax Cuts and Jobs Act » (TCJA), ayant abaissé de 35% à 21% le taux d’imposition sur les sociétés. Cette mesure avait permis de stimuler l’investissement et la compétitivité des entreprises américaines, jusqu’à ce que la COVID interrompe soudainement cette dynamique. S’il est réélu, D.Trump souhaite abaisser à nouveau cette fiscalité jusqu’à 15% potentiellement.
  • L’objectif de D.Trump serait de parvenir aussi à prolonger, voire même à étendre, les diverses réductions d’impôts accordées aux particuliers, afin de stimuler la croissance économique en augmentant le revenu disponible des ménages et en encourageant ainsi la consommation et l’investissement.
  • À moins de réaliser dans le même temps d’importantes économies budgétaires, ces diverses mesures de réduction de fiscalité auraient pour conséquence de creuser encore le déficit budgétaire et la dette nationale (dette/PIB à 125% actuellement, et 1 400 Mds $ consacrés au paiement des intérêts de la dette, soit le budget affecté par le pays à la Défense ou bien encore l’équivalent de la moitié du PIB de la France !), sachant qu’il s’agit d’un sujet très sensible pour les marchés financiers !

Politique commerciale :

  • L’administration Trump avait mis en place des tarifs douaniers sur environ 360 Mds $ de produits chinois et, parce que le sujet est consensuel dans le pays, cette approche protectionniste pourrait être encore renforcée : des surtaxes de 60% à 100% seraient désormais envisagées sur tous les produits en provenance de Chine. Ces mesures permettraient potentiellement de réduire le déficit commercial américain vis-à-vis de la Chine et de protéger certaines industries américaines contre des pratiques commerciales déloyales.
  • La Chine ne serait toutefois pas la seule cible de D.Trump, ce dernier envisageant d’imposer désormais des taxes de 10% sur les importations venant de TOUS les pays ou de toutes les zones. Les accords bilatéraux seraient par ailleurs de nouveau privilégiés, pour que les États-Unis exploitent au mieux leur rapport de force favorable : « America First » ! Les secteurs de l’agriculture, de l’automobile, la technologie, ou bien encore tout ce qui touche de près ou de loin à la sécurité nationale recevraient une attention particulière de la part de la nouvelle administration américaine. Afin de contourner ces taxes douanières, certaines multinationales étrangères seront tentées de délocaliser des productions vers les États-Unis, surtout si la fiscalité y est attractive : ce qui est précisément l’un des objectifs de D.Trump pour soutenir la croissance économique du pays !
  • Ces pratiques protectionnistes engendreraient toutefois évidemment diverses mesures de rétorsion, compliquant d’autant l’accès aux marchés internationaux pour les multinationales américaines. Par ailleurs, beaucoup de produits importés par les États-Unis ne peuvent pas faire l‘objet d’une substitution par une production nationale américaine, c’est pourquoi il faut s’attendre à voir l’inflation progresser à nouveau dans le pays, pénalisant d’autant le pouvoir d’achat des ménages (notamment celui des plus défavorisés) ou celui des entreprises ! Il convient aussi d’envisager de possibles perturbations des chaînes de production si certains composants clé venaient éventuellement à manquer, tels que les « métaux rares », indispensables à beaucoup de produits électroniques, et dont la Chine contrôle la plus grande partie.

Déréglementation :

  • Si D.Trump était réélu, cette priorité politique pourrait revêtir de multiples formes : favoriser les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon, etc…), alléger les normes environnementales (CO2 et pollution industrielle, eaux et terres protégées, etc…), soutenir les secteurs financiers (faciliter les crédits hypothécaires et ceux à la consommation, encourager les crypto-actifs, etc…), l’automobile (abaisser les normes d’efficacité énergétique, etc…), la technologie (fin de la « neutralité » d’internet, etc…), l’immobilier (simplifier les procédures de permis de construction et d’urbanisme, réviser les normes de construction, etc…), la santé (moins d’obligations sur les assurances santé, simplifier les processus d’approbation de nouveaux médicaments et libérer leurs tarifs, etc…).
  • Ces diverses dérégulations pourraient évidemment avoir pour contrepartie d’accentuer les préoccupations et les dangers en matière de protection de l’environnement, de stabilité financière, de sécurité des consommateurs, etc…

Immigration :

  • En cas de réélection, les politiques d’immigration américaines seraient certainement bien plus strictes, D.Trump considérant que les étrangers occupent souvent des emplois devant revenir à des Américains. La construction symbolique du mur à la frontière avec le Mexique reprendrait, les visas et les regroupements familiaux seraient durcis, tout comme le droit d’asile, les conditions de détention et de renvoi des sans-papiers, etc… Ce thème de campagne est d’autant plus important pour D.Trump que la question de la sécurité des citoyens lui est associée par ses électeurs (cf. réactions après le 1er attentat à son encontre) et que, par ailleurs, il y trouve un angle d’attaque contre K.Harris, laquelle, en charge de ce sujet sous le mandat de J.Biden, n’a pu enrayer la forte montée de l’immigration illégale.
  • Les emplois occupés par les immigrés (légaux ou non) étant souvent des emplois que les Américains ne veulent pas exercer eux-mêmes,  restreindre les flux migratoires provoquerait certainement une pénurie de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs (construction, agriculture, restauration, etc…), et donc des tensions salariales et une résurgence de l’inflation par les salaires. Par ailleurs, la construction du « mur », ou bien encore les embauches de fonctionnaires de police, de douane, pour les pénitenciers, etc… sont autant de surcoûts budgétaires qu’il conviendrait d’assumer financièrement. Enfin, une telle politique ne pourrait que dégrader les relations avec le reste du monde, et cela nuirait à l’influence internationale des États-Unis au profit de ses challengers, telle la Chine !

Trump, un « Game Changer » pour la politique monétaire de la FED et pour le Dollar ?

Afin de faciliter sa politique économique, D.Trump souhaiterait pouvoir bénéficier de taux d’intérêts aussi bas que possible, allégeant ainsi le coût de l’emprunt des agents économiques (ménages, entreprises et, bien entendu, État !), mais il aimerait également que la compétitivité du pays soit dopée par un Dollar plus faible qu’il ne l‘est aujourd’hui. Au vu de son 1er mandat présidentiel, il est probable que le Président jouerait de son influence pour tenter de « soumettre » la FED à ses désirs, bien que cette dernière soit statutairement indépendante. D.Trump pourrait-il vraiment avoir gain de cause ?

Les missions de la FED et sa politique monétaire : 

  • La FED a officiellement un double mandat : promouvoir le plein emploi, tout en cherchant à assurer la stabilité des prix (i.e. contrôler l’inflation). À ce double mandat officiel s’en ajoute en pratique un 3ème : contrer toute instabilité financière majeure.
  • Ainsi que nous l’avons vu précédemment, placer l’économie en « surchauffe », comme le souhaite D.Trump, serait inflationniste, notamment au travers de l’inflation due au surcoût des importations, ou bien encore du fait de l’inflation par les salaires. La FED pourrait donc devoir vite stopper sa normalisation monétaire en cours si elle était convaincue qu’à l’avenir l’inflation progresserait à nouveau durablement au-delà de son objectif théorique de 2%.
  • Pour ce qui est de l’emploi, si la politique économique de D.Trump parvenait effectivement à créer beaucoup de nouveaux emplois, avec même souvent des situations de « pénurie » d’employés qualifiés, la FED n’aurait alors nul besoin de baisser ses taux directeurs pour promouvoir le plein emploi … au contraire même ! Si la FED était confrontée à une résurgence d’inflation avec dans le même temps un faible niveau de chômage, sa réaction normale devrait être de plutôt vouloir RELEVER ses taux directeurs !
  • Pour ce qui est du risque d’instabilité financière, c’est probablement là l’argument pouvant justifier éventuellement pour la FED de devoir baisser ses taux directeurs car la dette du pays deviendrait vite insoutenable, et l’exemple britannique de L.Truss a montré à quelle vitesse la question d’une dette non financée pouvait potentiellement vite déraper. Par ailleurs, les investisseurs étrangers pourraient être réticents à financer le pays si les tensions commerciales ou géopolitiques se multipliaient : ¼ de la dette américaine est détenue aujourd’hui par des non-résidents ! Pour la FED, l’alternative à une baisse des taux directeurs pourrait être de se porter à nouveau massivement acquéreur des obligations émises par le Trésor américain, donc de reprendre une politique de « quantitative easing ». Cette situation de soutien artificiel de la dette américaine ne serait toutefois pas sans risques puisque cela pourrait créer des bulles sur divers actifs (immobilier, actions, etc…) en raison de l’abondance de liquidités !

Des pressions très diverses et incertaines sur le Dollar :

  • Les impacts potentiellement positifs : doper structurellement la croissance économique du pays est plutôt un facteur rassurant à terme pour les créanciers du pays, tout comme les dérégulations et les allègements fiscaux, encourageant le reste du monde à venir profiter sur place de ces dynamiques et, pour ce faire, acheter du Dollar. La confiance des investisseurs dans les politiques pro-business de D.Trump, mais aussi l’éventuelle nécessité pour la FED de devoir remonter ses taux directeurs joueraient également en faveur du billet vert.
  • Les impacts potentiellement négatifs : l’escalade des conflits commerciaux et les tensions géopolitiques, notamment avec la Chine, pourraient accentuer les efforts de certains pays pour réduire leur dépendance au Dollar. Les doutes des investisseurs quant à l’indépendance de la FED vis-à-vis de l’administration Trump pourraient aussi jouer contre le billet vert, au même titre que les dérapages budgétaires et que l’endettement du pays.
  • Sans même trancher entre les effets favorables ou défavorables que cela pourrait avoir sur le billet vert, l’imprévisibilité de D.Trump pourrait accroître la volatilité du Dollar, ce qui serait déstabilisant pour toutes les opérations facturées en Dollar, pour les réserves des Banques centrales, etc… incitant alors ces acteurs économiques à se porter plus fortement vers d’autres devises plus stables.

La politique monétaire de la FED et la tenue du Dollar dépendraient donc largement des politiques spécifiques mises en œuvre, du contexte économique global, mais aussi des réactions des autres acteurs économiques mondiaux : il n’est donc pas certain que D.Trump ait gain de cause sur ces 2 sujets ! 

Que sont les « Trump Trades » en bourse ?

Sur les marchés financiers, l’hypothèse d’une possible réélection de D.Trump a déjà provoqué divers ajustements d’investissements : il s’agit des « Trump Trades », des thématiques bénéficiant ou souffrant de son éventuel retour à la Maison Blanche. Sans être exhaustifs, essayons de répertorier certains de ces « Trump Trades ».

Thématiques pouvant être favorisées par un éventuel retour de D.Trump :

  • Énergies fossiles :
    • Compagnies pétrolières et gazières
    • Entreprises de charbon
  • Défense :
    • Fabricants d’armes et d’équipements militaires
  • Infrastructures :
    • Entreprises de construction
    • Producteurs de matériaux de construction
  • Finance :
    • Grandes banques (en raison de la déréglementation)
    • Sociétés de services financiers
    • Bitcoin et autres crypto-actifs
  • Pharmaceutique :
    • Grandes entreprises pharmaceutiques
    • Sociétés de biotechnologie
  • Industrie manufacturière américaine :
    • Constructeurs automobiles américains
    • Entreprises de l’acier et de l’aluminium
  • Sécurité frontalière :
    • Entreprises de technologie de surveillance
    • Constructeurs de murs et clôtures
  • Petites capitalisations boursières américaines et/ou indices américains équi-pondérés :
    • Bénéficiant potentiellement le plus des politiques « America First »
  • Dollar américain :
    • Potentiellement renforcé par des politiques de croissance
  • Actions américaines en général :
    • En raison des politiques pro-business

Thématiques à éviter ou à surveiller avec prudence : 

  • Énergies renouvelables :
    • Entreprises solaires et éoliennes
  • Chine :
    • Technologiques chinoises
    • Multinationales ayant une forte exposition à la Chine
  • Sociétés dépendantes de l’immigration :
    • Certaines entreprises agricoles et technologiques
  • Marchés émergents :
    • Potentiellement affectés par un dollar fort et par des politiques commerciales protectionnistes
  • Entreprises mexicaines et Peso mexicain :
    • En raison des tensions potentielles sur l’immigration et le commerce
  • Or :
    • Pourrait perdre de son attrait comme valeur refuge si l’économie se renforce ou si les crypto-actifs attirent
  • Obligations d’État à long terme :
    • Potentiellement affectées par l’inflation et par les déficits budgétaires

Conclusion : 

Il est important de bien noter que les « Trump Trades » sont spéculatifs, et qu’ils sont basés sur l’hypothèse incertaine de sa réélection. Les marchés sont par ailleurs complexes, et sont influencés par de très nombreux facteurs au-delà de la présidentielle. Enfin, certains de ces impacts pourraient être déjà pris en compte dans les prix actuels du marché, et le dicton « achetez la rumeur et vendez la nouvelle » pourrait très bien s’appliquer une fois encore, quand bien même D.Trump serait effectivement réélu ! Dans tous les cas, une forte diversification des actifs doit être privilégiée en amont de cette élection, et une plus grande vigilance et réactivité seraient requises si D.Trump l’emportait le 5 novembre. Quel que soit le vainqueur de cette élection, les équipes de WeSave restent mobilisées pour vous accompagner sur la durée dans vos divers projets d’épargne.

Make America Trump Again ?

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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