Les émergents ont déjà émergé ?
Pour la Banque Mondiale, dès lors qu’un pays a un revenu national brut par habitant inférieur à 13 500 $, il est considéré comme étant encore émergent. (1)
RNB par habitant, méthode Atlas ($ US courants)
Le poids de ces pays a énormément progressé au sein de l’économie mondiale durant les dernières années puisqu’il représente aujourd’hui près de 40 % du PIB mondial contre 20 % en 1998.
Si on effectue un zoom, un groupe limité de 5 pays émergents, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), représentent à eux seuls 45 % de la population mondiale en 2016, ou encore 25 % du PIB mondial (14 % pour la seule Chine !).
Durant les 10 dernières années, plus de la moitié de la croissance économique mondiale est due à la contribution des pays émergents.
Il faut toutefois bien avoir conscience que le terme de « pays émergents » recouvre des pays aux structures politiques, économiques, juridiques, fiscales, démographiques, religieuses, etc., extrêmement distinctes. Il est donc nécessaire de faire du cas par cas.
Un lien boursier « mécanique » entre émergents et matières premières ?
Au premier abord, une relation étroite lie historiquement les cours des actions des pays émergents et ceux des matières premières (cf. graphe). Toutefois, depuis 1 an, les actions émergentes progressent alors que les prix des matières premières stagnent plutôt.
Relation cours des actions des pays émergents / cours des matières premières
Le lien étroit entre les prix des matières premières et celui des actions de ces pays tenait au fait que nombre d’entre eux étaient (et sont encore!) de très importants producteurs de ressources naturelles… Tout reflux des prix des matières premières affectait donc directement les économies de ces pays, et donc leurs marchés financiers.
Depuis des années, ces pays ont œuvré à diversifier leurs sources de croissance économique et ils sont montés en puissance dans la chaîne de valeur ajoutée apportée aux produits et aux services.
Les marchés financiers ont reflété ces transformations économiques, notamment au travers de très nombreuses introductions en bourse et via des recompositions importantes des indices boursiers, c’est pourquoi les indices des pays émergents cotés aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec ceux des années passées et que le poids des matières premières n’a cessé de reculer : 13,98 % aujourd’hui au sein du MSCI émergents (7,22 % de matériaux et 6,76 % d’énergie).
Finance (23,4 %) et plus encore technologies de l’information (28,01 %) sont désormais les principaux déterminants des actions émergentes : en cumul, 51,41 % de l’indice pour ces deux seuls secteurs ! (2)
Allocation sectorielle de l’indice MSCI émergents
L’ogre chinois, principal déterminant des cours des matières premières et des émergents ?
Si les pays émergents ont beaucoup gagné en maturité, nombre d’entre eux restent toutefois encore très dépendants des revenus issus des matières premières, comme le démontrent les récentes récessions économiques au Brésil, en Russie, etc.
Mais les pays émergents ne sont pas que des producteurs de matières premières, ils en sont aussi de très importants consommateurs, tout particulièrement la Chine.
Bien qu’elle soit elle-même productrice et transformatrice de nombreuses matières premières, la Chine « dévore » une part phénoménale des ressources naturelles produites dans le monde.
Part de la consommation chinoise (bleu foncé) dans la consommation mondiale (bleu clair)
Au-delà de quelques situations ponctuelles de sur-capacités ou de stockages spéculatifs sur certaines ressources naturelles, la croissance économique chinoise est donc un déterminant majeur des prix des matières premières.
Tant que les autorités chinoises donneront la priorité à la croissance économique du pays (et donc à la stabilité sociale et politique!) plutôt qu’aux réformes structurelles (capacités de productions excédentaires, entreprises zombies, bulle immobilière, envol du crédit, etc.), les prix des matières premières resteront plutôt soutenus.
Mais les interactions économiques entre la Chine et les autres pays émergents vont bien au-delà des matières premières.
La Chine est notamment une source de débouchés commerciaux majeure pour les entreprises des pays émergents, c’est un créancier et un investisseur considérable, une grande part des productions chinoises ont été délocalisées vers ces pays du fait de différentiels salariaux, sans parler des flux de touristes que le pays engendre… (3)
Perte de PIB pour 15 % de recul des importations chinoises (données de 2015)
Tout ralentissement économique significatif de la Chine ne pourrait dès lors que conduire à un accident très significatif sur la croissance de l’ensemble de ces pays !
La performance du MSCI émergents est donc bien plus corrélée à la situation de la Chine que les 25,51 % actuels dans l’indice ne semblent l’indiquer. (4)
Allocation géographique de l’indice MSCI émergents
Faut-il être surexposés aux pays émergents ?
L’exposition aux pays émergents est aujourd’hui une allocation consensuelle auprès de la plupart des investisseurs.
La croissance économique mondiale étant actuellement en progression régulière, et surtout très peu de pays restant actuellement à l’écart de cette dynamique, l’exposition à la thématique « cyclique » émergente semble s’imposer naturellement.
Si chez WeSave nous restons plutôt en retrait de cette « mode » boursière en faveur des émergents, c’est que l’impact potentiellement négatif de la Chine nous semble trop significatif.
Xi Jinping vient d’être reconduit à la tête du pays avec des pouvoirs renforcés et un entourage de fidèles très resserré. Il a donc une opportunité majeure pour mener enfin les réformes structurelles que le pays DOIT engager, mais celles-cis ne peuvent que provoquer un violent accident sur la croissance économique du pays, et donc, par effet domino, sur celle de ses partenaires émergents.
De plus, l’incertitude quant aux possibles fluctuations erratiques des devises de ces pays ne doit pas être sous-estimée, comme l’ont démontré par exemple la dévaluation du Yuan chinois en 2015, l’effondrement de la livre turque, etc.
Chez WeSave, afin d’accompagner la dynamique économique mondiale, nous préférons investir sur des valeurs de croissance (cf. https://blog.wesave.fr/2017/07/leclairage-du-gerant-13/) dont la liquidité boursière est très forte, dont la maturité des business modèles est désormais démontrée (cf. trésorerie dégagée par beaucoup de ces sociétés), et dont la sensibilité aux cycles économiques est modérée.
(1) https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GNP.PCAP.CD?type=shaded&view=map ; http://wdi.worldbank.org/table/WV.1
(2) http://www.lyxoretf.fr/fr/instit/etffinder/lyxor-msci-emerging-markets-ucits-etf-capi/eur
(3) https://www.theguardian.com/world/ng-interactive/2015/aug/26/china-economic-slowdown-world-imports
(4) http://www.lyxoretf.fr/fr/instit/etffinder/lyxor-msci-emerging-markets-ucits-etf-capi/eur