Si vous avez souscrit un contrat d’assurance vie pour lequel votre conjoint est bénéficiaire et que vous l’avez alimenté par des fonds issus de la communauté, vous devez être particulièrement vigilant sur les conséquences civiles et fiscales liées à ce financement.
En effet, dans le cas où le conjoint bénéficiaire viendrait à décéder avant l’assuré (i.e vous), le contrat d’assurance vie n’est pas dénoué : il subit alors un traitement civil différent du traitement fiscal.
Traitement civil et fiscal, quelle différence ?
Dans une succession, nous distinguons le rapport civil et le rapport fiscal. La règle du rapport civil concerne le règlement de la succession. L’opération consiste à réintégrer fictivement dans le patrimoine du défunt les donations passées. Les bénéficiaires des donations n’ont pas à se dessaisir des biens reçus, c’est leur valeur qui est ajoutée au patrimoine du défunt. Nous déterminons alors quelle part revient aux héritiers réservataires.
La règle du rapport fiscal concerne quant à elle, le calcul de l’impôt.
Comment est traité l’assurance vie alimenté avec fonds commun ?
Sur le plan civil : si l’épargne de l’assurance-vie a été constituée avec des fonds communs, la valeur de rachat du contrat fait partie de l’actif de la communauté. La moitié de la valeur de rachat de l’épargne sera donc intégrée dans la succession au décès du premier conjoint.
Sur le plan fiscal : la réponse ministérielle Ciot (AN 23-2-2016) précise que la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie souscrit avec des fonds communs et non dénoué au décès de l’époux bénéficiaire de ce contrat ne doit pas être intégrée fiscalement à l’actif de la communauté. Elle n’est donc pas prise en compte pour le calcul des droits de mutation dus par les héritiers de l’époux prédécédé.
Ce contrat ne sera éventuellement taxé pour ses bénéficiaires, qu’au décès du conjoint survivant souscripteur, dans les conditions de droit commun de l’assurance-vie.
Qu’advient-il du contrat si le bénéficiaire décède avant l’assuré-souscripteur ?
Cette notion a fait l’objet de nombreux amendements/arrêts/réponses et pourrait être évolutive par la suite.
Si le conjoint bénéficiaire décède avant l’assuré-souscripteur, le contrat d’assurance vie n’est pas dénoué.
Le contrat fait toujours partie, sur le plan civil, de l’actif de communauté et doit y être inclus pour la moitié de sa valeur de rachat.
En revanche, pour les successions ouvertes depuis le 1er janvier 2016, il n’est plus considéré comme un élément de l’actif successoral imposable.
Le contrat d’assurance vie n’étant dénoué qu’au décès du bénéficiaire, ce n’est qu’à ce moment que les sommes seront soumises à la fiscalité applicable au titre des capitaux décès. D’un point de vue strictement fiscal, le prédécès de l’époux bénéficiaire est donc neutre pour l’ensemble des héritiers.
A noter que cette différence de traitement civil et fiscal résulte d’un changement de position de l’administration fiscale datant de février 2016 (Réponse Ministérielle Ciot). Auparavant, le traitement fiscal du contrat d’assurance vie financé avec des fonds communs était aligné sur le traitement civil : des droits de succession étaient donc dus par les héritiers au décès du bénéficiaire (avant donc le dénouement du contrat).
Quelles solutions pouvez-vous mettre en place ?
Il est toutefois possible d’influer sur le traitement civil et/ou fiscal du contrat d’assurance vie alimenté par des fonds communs en aménageant votre régime matrimonial et/ou en optant pour une co-souscription au premier décès.
Quel est l’intérêt d’aménager votre régime matrimonial ?
Si vous souhaitez assurer le transfert du contrat d’assurance vie (non dénoué au premier décès) au conjoint survivant, vous pouvez aménager votre régime matrimonial en insérant une clause de préciput dans votre contrat de mariage.
La clause de préciput permet en effet d’attribuer au conjoint survivant le contrat d’assurance vie avant tout partage de la communauté et hors succession (étant entendu qu’un avantage matrimonial n’est jamais soumis aux droits de succession).
Sur le plan pratique, il s’agit de signer une convention matrimoniale devant notaire (à noter que son homologation par le tribunal n’est pas obligatoire, sauf en présence d’enfants mineurs).
Quel est l’intérêt de la co-souscription avec dénouement au premier décès ?
Afin d’éviter que la valeur de rachat du contrat soit intégrée à l’actif de communauté lors du décès de l’un des époux bénéficiaires, vous pouvez réaliser, dans le cas d’un placement de fonds issus de la communauté, une souscription conjointe avec votre époux(se) d’un contrat d’assurance vie avec un dénouement au premier décès.
Par ce moyen, le conjoint survivant peut bénéficier des capitaux décès à titre de bien propre, les sommes ne seront en effet pas incluses dans l’actif successoral du défunt.
Cependant, cette solution peut s’avérer moins avantageuse pour les héritiers du conjoint survivant, le contrat d’assurance vie étant dénoué au premier décès les avantages qui y étaient attachés ne pourront donc pas bénéficier aux héritiers lors du second décès.
C’est la raison pour laquelle, il peut être intéressant pour votre famille de prévoir un démembrement de la clause bénéficiaire en désignant le conjoint survivant quasi-usufruitier et les enfants nus-propriétaires.
Ainsi, au décès du conjoint survivant, les héritiers nus-propriétaires deviendront pleins propriétaires des sommes issues du contrat d’assurance vie, et ce, sans aucune fiscalité.
Le calcul des droits sera fonction de l’âge de l’usufruitier (i.e le conjoint survivant) et aura aussi un impact sur l’abattement qui s’applique à chaque enfant (les fameux 152 500€ par bénéficiaire).
Exemple pour un contrat de 500 000€
Dans ces exemples, nous allons supposer que le conjoint survivant a 73 ans et que le couple a deux enfants.
1/ Avec mise en place d’une clause démembrée
Valeur de l’usufruit : 30% (soit 150 000€)
Valeur de la nue-propriété : 70% (soit 350 000€)
2/ Sans mise en place d’une clause démembrée
Le conjoint survivant fait un réemploi des fonds sur un contrat d’assurance vie. Les abattements de 152 000€ ne sont plus accessibles car il ou elle est âgé(e) de 73 ans. Ses enfants devront donc se partager un abattement global de 30 500€ offert aux personnes versant sur un contrat d’assurance vie après 70 ans.
La différence est donc considérable !
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