Le coronavirus a provoqué le confinement de près de la moitié de la planète. Faute de trésoreries suffisantes, le risque de faillite est important pour les entreprises continuant d’avoir des charges, mais sans les revenus en contrepartie. Les actions ont très violemment intégré la perspectives de pertes et non plus de bénéfices à venir en 2020. Les replis des marchés ont été à peu près les mêmes à travers le monde, quelles que soient les capitalisations des sociétés. Certains secteurs défensifs (biens de première nécessité, télétravail, ou activités par abonnement) ont résisté, mais les plus cycliques se sont effondrés. Les plans de rachats d’actions ou de versements de dividendes sont incertains, voire soumis au bon vouloir des États. L’ampleur du repli et la perspective du rebond économique à venir nous incitent à passer de sous-pondéré à neutre sur les actions.
En mars, les obligations souveraines ont eu une évolution particulièrement heurtée. Le réflexe d’achats refuge, habituel lors des chocs boursiers, s’est brutalement interrompu lorsque les investisseurs ont pris conscience de l’ampleur des émissions obligataires que les États seraient amenés à effectuer durant les prochains mois ou années. Le rendement de ces obligations s’est alors très brutalement tendu, mais les banques centrales ont heureusement promis d’acheter massivement à l’avenir ces dettes, voire parfois celles d’entreprises si nécessaire, ce qui a provoqué un repli des rendements. Il est toutefois à craindre que lorsque l’activité économique reprendra, les investisseurs favorisent plutôt les actifs financiers risqués, d’autant que le rendement des obligations souveraines est historiquement bas. Nous abaissons notre vue à sous-pondéré sur les obligations d’États.
Le coronavirus pose aux entreprises un très grave problème de trésorerie, les charges courantes n’étant plus couvertes par les recettes, ces dernières étant brutalement interrompues par les multiples confinements internationaux. Sur les marchés financiers, il devient alors très difficile pour toutes les entreprises de se financer, mais plus particulièrement pour les sociétés déjà fragiles ou très endettées avant même cette pandémie (i.e. les sociétés High Yield). Pour ces sociétés, ce n’est pas moins d’un doublement de leur rendement qui est observé par rapport à la fin 2019 (11% de rendement désormais !), le risque de faire défaut lors des prochaines échéances de remboursement étant désormais très élevé. Nous restons surpondérés sur les obligations d’entreprises solides car elles sortiront renforcées de cette crise, et sous-pondérés sur les obligations High Yield.
L’une des caractéristiques de cette crise sanitaire est qu’en bourse, elle a provoqué le réveil de la volatilité entre devises. En premier lieu, c’est sur la principale des parités au monde, c’est-à-dire l’Euro-Dollar, que les mouvements sont d’une extraordinaire violence : +6%, -6%, +4% entre le 20 février et la fin mars ! Plus généralement, les investisseurs réagissent vivement aux nombreux effets d’annonce des banques centrales et soutiens budgétaires révélés par les États. La coordination des communications entre pays ou banques centrales est souvent défaillante, entraînant de la nervosité sur les devises. Les devises émergentes souffrent tout particulièrement durant cette phase boursière, notamment les pays ayant une très forte exposition aux matières premières. Le Dollar sert plutôt de devise refuge, mais l’élection présidentielle en novembre pourrait tester sa solidité.
Pour les matières premières, le coronavirus a provoqué un véritable contre-choc pétrolier. Ce dernier souffre simultanément d’un effondrement de la consommation dû aux confinements, et de l’échec des négociations entre la Russie et l’Arabie Saoudite quant aux quotas à reconduire. Ces deux pays ont même décidé d’accroître leurs productions dans une guerre de parts des marchés entraînant fugitivement le pétrole sous les 20$. Il n’est pas certain que la production de schistes américains résiste longtemps à ce choc. Bien entendu, les métaux industriels et denrées alimentaires ont eux aussi décroché. Les métaux précieux sont versatiles, mais restent un des rares actifs encore en progression en 2020. Nous relevons notre vue à surpondéré sur les matières premières car le cycle économique reprendra, et nous gardons l’or pour son caractère refuge.
Les pays émergents sont particulièrement exposés aux aléas du commerce international. Le confinement de près de la moitié de la planète est donc évidemment une catastrophe pour l’activité et pour les revenus de ces pays. De plus, leurs devises décrochent fortement, rendant encore plus difficile et coûteux l’accès au Dollar dont la plupart des entreprises dépendent. L’effondrement des prix du pétrole et, plus généralement, celui des matières premières explique le reflux particulièrement prononcé de certaines devises. L’insuffisance chronique d’équipements médicaux dans ces pays est très inquiétante quant au risque d’expansion de la pandémie. Même si les valorisations des actifs émergents laissent espérer des rebonds significatifs, nous préférons nous épargner ces risques spécifiques en restant sous-pondérés, préférant investir plutôt sur les matières premières.