Date de publication : 2 avril 2021

Le mois de mars a été une fois encore favorable aux marchés d’actions. En dépit des inquiétudes persistantes quant à l’inflation à venir, et le possible durcissement des politiques monétaires que cela pourrait induire, les actions internationales ont généralement progressé. Le niveau des taux à 10 ans américains dépasse toutefois désormais le rendement des dividendes de l’indice S&P500. Autrement dit, le rendement des actifs obligataires retrouve potentiellement un certain attrait relatif aux yeux des investisseurs. La réouverture des économies et la perspective d’un cycle économique durablement soutenu par les politiques budgétaires généreuses militent toutefois pour les actions dans les allocations d’actifs. Les publications de résultats trimestriels pourraient marquer une pause dans la rotation sectorielle en cours sur les actions. Nous restons surpondérés sur les actions.

Depuis le début d’année, la principale préoccupation des investisseurs est que l’inflation, qui ne peut que fortement remonter durant le prochain trimestre, ne soit pas seulement conjoncturelle mais puisse être aussi structurelle. Les Banques centrales n’auraient peut-être alors d’autre choix que de durcir leurs politiques monétaires, même si cela devait neutraliser en partie les soutiens budgétaires des États. La mise en surchauffe de l’économie américaine a déjà ramené les taux du pays sur les niveaux proches de ceux prévalant avant l’épidémie. Par effets d’arbitrages, les taux d’intérêts des autres zones ont en partie suivi, ce qui est problématique car ne pouvant espérer pour autant bénéficier de l’ampleur de la croissance américaine. La nervosité devrait persister sur les marchés obligataires, c’est pourquoi nous maintenons notre vue à sous-pondérer sur les obligations d’État.

Les obligations d’entreprises sont entraînées par la correction observée sur les obligations souveraines. Ce phénomène est très mécanique, les investisseurs appliquant systématiquement des écarts de rendement entre les différentes catégories d’obligations en fonction de la solvabilité respective de chaque emprunteur. Jusqu’à présent, les obligations des sociétés fragiles (i.e. « High Yield ») avaient profité des espoirs d’une forte reprise et d’un coût de financement très bas. Mais si les Banques centrales devaient mettre fin prématurément à leurs politiques monétaires accommodantes du fait d’une inflation trop forte, ces entreprises seraient les premières pénalisées au travers de la croissance, comme du coût d’emprunt. Confiants dans la reprise à venir, nous restons surpondérés sur les obligations d’entreprises, mais provisoirement à l’écart du « High Yield ».

Depuis le début d’année, les performances des devises sont avant tout caractérisées par le contre-pied observé sur le Dollar. Les investisseurs s’attendaient très généralement à une poursuite du repli du Dollar, tel qu’engagé en 2020. Mais les Démocrates américains ayant obtenu la majorité parlementaire au Congrès, les plans de soutiens financiers massifs à l’économie peuvent alors être bien plus facilement ratifiés. La contrepartie à cette croissance future est que l’inflation pourrait être plus structurelle, d’où l’envol des rendements obligataires américains. C’est ce soudain différentiel de rendements obligataires internationaux qui explique l’appréciation relative surprise du Dollar. Si le pic d’inflation américain devait bien intervenir durant le prochain trimestre, cela pourrait alors marquer aussi le pic d’appréciation relative du Dollar, et justifier alors certaines réallocations d’actifs. 

La perspective d’une prochaine réouverture des économies a permis à l’indice composite des matières premières d’effacer complètement sa chute due au coronavirus. Ceci s’explique par le fait que l’industrie, bien qu’ayant observé des perturbations temporaires, a été généralement préservée durant cette crise sanitaire. Par ailleurs, les plans de relance budgétaires risquent de placer les économies en situation de surchauffe, c’est pourquoi les investisseurs et les industriels se préparent à l’éventualité d’une reprise de l’inflation par les matières premières en se positionnant en amont sur ces actifs, entretenant ainsi leur hausse. Le pétrole continue pour sa part de bénéficier de l’efficace patronage de l’Arabie Saoudite au sein de l’OPEP. Les matières premières étant une bonne protection dans les phases plus inflationnistes, nous restons surpondérés sur cette classe d’actifs.

Les actifs émergents avaient consensuellement attiré les investisseurs souhaitant s’exposer à la reprise économique à venir. C’était sans compter sur l’appréciation relative du Dollar vis-à-vis de la plupart des devises émergentes. Ce mouvement renchérit le coût du capital de beaucoup d’Etats et entreprises des pays émergents ayant besoin de refinancer leurs dettes ou d’en contracter de nouvelles. Par ailleurs, la plupart de ces pays ont un accès très limité, pour ne pas dire inexistant, aux vaccins, ce qui signifie que leur réintégration aux circuits et échanges internationaux pourrait être retardée d’autant. Même si la Chine a beaucoup d’atouts, le pays pénalise actuellement les actifs émergents car les autorités souhaitent plutôt faire le ménage dans les bilans bancaires et reprendre la main sur ses leaders de la technologie. Nous préférons rester neutre sur les émergents.

Vue des actifs – l’Éclaireur d’avril 2021

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

Category: ÉclaireurÉclaireur Avril 2021