Date de publication : 5 mai 2020

Loupe sur graphique

Conscients des effets dévastateurs des confinements sur les économies, les États et les banques centrales se sont coordonnés afin de mettre en place des protections financières sans précédent. Le choc économique sera majeur, mais le risque de dérapage additionnel en crise financière semble contenu, et de nouveaux soutiens complémentaires massifs sont déjà attendus. Les investisseurs ont salué en avril ces immenses soutiens par un fort rebond des actions. De plus, les processus de déconfinements ayant déjà démarré ou étant imminents dans beaucoup de pays, la tentation de jouer la reprise économique à venir est forte. Pour beaucoup d’investisseurs, il est même stressant d’avoir subi la baisse et de risquer de rater la hausse en étant trop peu investis, d’où des achats contraints. Nous conservons notre exposition neutre sur les actions.

En avril, les investisseurs ont retrouvé un peu de confiance, d’où la bonne performance des actions. Pour autant, les obligations souveraines ont vu leurs rendements rester assez stables durant le mois, les banques centrales s’étant engagées à financer les prochaines émissions des États. En zone Euro, les difficultés des pays à s’entendre quant aux modalités d’un fonds de soutien global ont provoqué de la nervosité sur les différentiels de rendements entre pays, signe que les investisseurs espèrent un geste supplémentaire de la banques centrale européenne. En dépit de cette protection assurée par les banques centrales, les déconfinements inciteront plutôt les investisseurs à se porter graduellement vers les actifs risqués, délaissant les obligations souveraines à très faibles rendements. Nous maintenons notre vue à sous-pondéré sur les obligations d’États.  

Les soutiens financiers colossaux mis en place par les États et par les banques centrales ont permis de rassurer les investisseurs : les risques de défauts de paiements, voire de faillites d’entreprises, devraient être limités. Il faut souligner que les banques centrales ont même, pour la plupart, décidé de déroger à leurs règles de bonne gestion en acceptant d’investir provisoirement, si nécessaire, sur des obligations à haut rendement ! Toutefois, malgré cela, l’effondrement des prix du pétrole a stressé ce segment de la cote obligataire en avril, car près de 10% du High Yield américain est composé de producteurs de schistes aux bilans déjà très fragiles. Nous restons surpondérés sur les obligations d’entreprises solides car elles sortiront renforcées de cette crise, et nous avons en revanche écarté provisoirement le High Yield de nos investissements en attendant de retrouver plus de visibilité. 

Cette crise sanitaire a eu pour effet de réveiller la volatilité entre les devises, à commencer par la principale des parités au monde : l’Euro-Dollar ! Les investisseurs ont beaucoup de mal à trancher entre l’effet favorable sur la croissance économique des milliards déversés par les pays ou zones, et la crainte de voir les monnaies s’affaiblir à terme du fait de l’ampleur des levées de capitaux nécessaires. L’Euro souffre plus spécifiquement actuellement des atermoiements entre pays de la zone à définir une ligne commune, forte et solidaire ! Pour autant, la force du Dollar pourrait être provisoire car l’élection présidentielle se tiendra en fin d’année, et cela pourrait avoir une influence sur la tenue du billet vert qui sera alors moins recherché pour son côté refuge. Les devises émergentes continuent, pour la plupart, de reculer régulièrement face aux grandes devises occidentales.

Pour les matières premières, le coronavirus a provoqué un véritable contre-choc pétrolier. Ce dernier souffre simultanément d’un effondrement de la consommation dû aux confinements, et de l’échec des négociations entre la Russie et l’Arabie Saoudite quant aux quotas à reconduire. Ces deux pays ont même décidé d’accroître leurs productions dans une guerre de parts de marchés entraînant fugitivement le pétrole sous les 20$. Il n’est pas certain que la production de schistes américains résiste longtemps à ce choc. Bien entendu, les métaux industriels et denrées alimentaires ont eux aussi décroché. Les métaux précieux sont versatiles, mais restent un des rares actifs encore en progression en 2020. Nous relevons notre vue à surpondéré sur les matières premières car le cycle économique reprendra, et nous gardons l’or pour son caractère refuge.

Les pays émergents étant très dépendants de la tenue du commerce international, le confinement de la moitié de la planète provoque un dramatique manque d’activité et de recettes à l’exportation. La très forte baisse des prix des matières premières pèse tout particulièrement sur certains pays dont les économies sont peu diversifiées. Les parachutes sociaux étant peu importants dans ces pays, la précarité est rapide pour leurs populations. De plus, les confinements compliquent la circulation des denrées alimentaires : les autorités n’excluent plus l’hypothèse de révoltes sociales ou alimentaires. Les dettes de ces pays feront l’objet de moratoires, mais ne seront pas pour autant annulées, le répit est donc temporaire. Malgré des valorisations très faibles, le manque de visibilité quant aux émergents nous incite à sous-pondérer ces zones dans nos allocations d’actifs.

Vue des actifs – l’Éclaireur de mai 2020

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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