Date de publication : 17 août 2017

Les convictions des investisseurs internationaux sur les devises sont très versatiles : après l’Euro scepticisme, l’Euro mania semble vouloir s’imposer. Comment expliquer un tel revirement ? Quelles en sont les conséquences économiques et financières ? Ce revirement est-il durable ? Comment éventuellement adapter l’allocation de son épargne face à cette rupture de tendance ?

Les principales conséquences économiques et financières de l’évolution de l’Euro-Dollar

Pour les entreprises :

  • La compétitivité relative des deux zones est directement affectée par le taux de change Euro-Dollar, tant à l’international que sur leurs marchés domestiques, c’est donc un facteur très important de valorisation des marchés (croissance pour les actions, solvabilité pour les dettes).
  • En moyenne, un repli de -10% du Dollar coûte actuellement approximativement -8% de croissance des bénéfices aux entreprises de la zone Euro si elles ne mettent pas en place des couvertures de changes (source : Morgan Stanley).
  • Pendant une décennie (de 2003 à 2014), les entreprises de la zone Euro ont toutefois su s’adapter à un Euro-Dollar fluctuant entre 1.20 et 1.60 … l’actuelle hausse est supportable.
  • Ce n’est pas tant le niveau de l’Euro-Dollar qui importe que la vitesse à laquelle cette parité s’est modifiée récemment, les entreprises ayant rarement une telle réactivité.
  • Les sociétés ou secteurs « domestiques » (services collectifs, télécoms,…) sont moins sensibles que les multinationales exportatrices (aéronautique, luxe,…) aux fluctuations des devises.
  • Il convient toutefois de faire du cas par cas selon la devise de facturation du chiffre d’affaires, selon les pays d’approvisionnement en composants intermédiaires, selon les stratégies de couvertures de devises mises en œuvre par les directions financières,…
  • Du fait de la hausse de l’Euro, une croissance économique moins soutenue et une inflation importée réduite devraient limiter encore plus la capacité des entreprises de la zone Euro à faire passer des hausses de tarifs, et donc à améliorer leurs marges bénéficiaires.
  • Certaines entreprises européennes, désormais moins compétitives, pourraient décider de se délocaliser à l’étranger ou bien, au contraire, d’intensifier leurs investissements de productivité, ce qui serait négatif dans les deux cas pour l’emploi en zone Euro.
  • Des opportunités ponctuelles de rachat de concurrents étrangers peuvent s’offrir aux entreprises européennes grâce au pouvoir d’achat additionnel accordé par la hausse de l’Euro.

Surprises économiques favorables ou défavorables par rapport aux anticipations
Sources : Bloomberg, WeSave

Pour les ménages :

  • Le relai de croissance dû au Dollar faible favorise les créations d’emplois et les hausses de salaires aux USA, mais le pouvoir d’achat des ménages américains est pénalisé si les produits ou services achetés sont facturés dans une autre devise que le Dollar.
  • Le pouvoir d’achat des ménages en zone Euro s’améliore d’autant plus qu’ils achètent des produits hors de la zone, leur puissance d’achat étant alors mise au service du reste du monde.
  • La hausse de l’Euro limitant les risques d’inflation dans la zone, la BCE a moins d’urgence à durcir sa politique monétaire et les ménages ont donc durablement accès à un crédit peu cher.

Pour les Etats :

  • Le repli du Dollar compense partiellement l’impasse politique à laquelle est confrontée l’Administration Trump, permettant de prolonger le cycle économique américain en cours.
  • Sur la durée, les rentrées fiscales en provenance des entreprises et des ménages sont conditionnées par la croissance économique … la hausse de l’Euro est donc plutôt une mauvaise nouvelle potentielle pour les finances publiques de la zone Euro.
  • Du fait de l’appréciation de l’Euro, la balance commerciale agrégée de la zone Euro devrait se dégrader, mais surtout pour les pays dont la production est inadaptée aux consommations nationales (cf. France,…).
  • Les conditions de financement des pays dépendent notamment de leur solvabilité et de leur capacité à lever l’impôt, situations extrêmement variables selon les pays de la zone Euro, surtout si la croissance économique venait à décevoir.
  • Le financement des émergents étant souvent libellé en Dollar, le repli du Dollar est alors favorable pour la croissance mondiale car il allège le service de la dette de ces pays.

La hausse de l’Euro pourrait affecter la confiance des agents économiques dans les perspectives de la zone et pénaliser alors la dynamique de reprise économique en cours. Ce mouvement de devises accentue la pression en zone Euro pour que soient mises en œuvre des réformes structurelles importantes par les Etats (fiscalité, infrastructures,…) et des gains de productivité ou des montées en gamme pour les entreprises (robotisation, intelligence artificielle,…).

Partie 1 : Un Euro fort ou bien un Dollar faible ?

Partie 3 : Quelques probables déterminants de la parité à venir de l’Euro-Dollar

Après l’Euro scepticisme, place à l’Euro mania ? Partie 2

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

Category: Économie et marchés