Banques Centrales et Investisseurs : L’heure du bilan
Depuis le début de la crise financière de 2008, les Banques Centrales ont joué un rôle majeur pour stabiliser le système financier dans un premier temps puis, dans un second temps, relancer l’économie (baisse des taux d’intérêts et achats de dettes). Ces interventions sont connues sous le nom de « politiques accommodantes », « quantitative easing » ou encore « politiques non conventionnelles » (ces termes ne signifient pas exactement la même chose mais se rapportent tous à la politique des Banques centrales en période de crise).
Aux Etats-Unis, la Banque Centrale (la Federal Reserve ; Fed) a, depuis 2008, fait augmenter la taille de son bilan à 4 500 000 000 000 de dollars (4.5 trillions) soit 25% du produit intérieur brut de l’économie américaine. Depuis la création de la Fed, c’est la première fois qu’elle intervient d’une manière aussi importante (cf. graphique 1).
Taille du bilan de la Fed (en mds de dollars) au 30/06/17
Sources : Bloomberg, WeSave
Après toutes ces années à soutenir fortement l’économie américaine, les membres de la Fed ont décidé, après plusieurs étapes (arrêt des achats programmés, hausses de taux), que le temps était venu de diminuer la taille de son bilan.
Comment réduire la taille du bilan d’une Banque Centrale ?
Le bilan de la Fed est composé principalement (plus de 80%) d’obligations avec différentes maturités. Aujourd’hui, lorsqu’une obligation arrive à échéance, la Fed utilise le nominal remboursé pour racheter d’autres obligations. Ainsi, elle contribue à garder la demande pour les obligations élevée, et donc à garder les taux bas (soutien à l’économie).
La Fed a deux alternatives pour diminuer la taille de son bilan : elle peut revendre des obligations avant qu’elles n’arrivent à échéance, ou bien encore ne pas réinvestir le nominal remboursé à l’échéance d’une obligation. A ce stade, les membres de la Fed semblent préférer la deuxième option, à savoir attendre que les obligations arrivent à maturité. La première option qui consiste à revendre des obligations pourrait affoler les marchés et faire augmenter les taux d’intérêts beaucoup trop vite et beaucoup trop haut, ce qui pénaliserait fortement l’économie américaine et les marchés financiers.
Détruire de la monnaie, l’atout des Banques Centrales.
Dès lors qu’une obligation arrive à maturité, la banque Centrale récupère donc le montant qui a été prêté (à l’Etat ou à une entreprise). Pour autant, le montant récupéré par la Banque Centrale ne disparait pas encore de son bilan. Il faut pour cela que la Banque centrale procède à une destruction de monnaie. La possibilité de détruire de la monnaie est une des caractéristiques qui la différencie le plus des banques commerciales.
Une fois choisie la méthode pour réduire la taille du bilan, reste à en définir les modalités. Et c’est là que de nombreuses incertitudes demeurent.
La première incertitude est l’amplitude et la vitesse de mise en œuvre de la stratégie. En effet, la Fed peut décider de ne remplacer aucune obligation arrivant à maturité ou bien de le faire progressivement et lisser dans le temps le retour à une taille de bilan qui lui convient mieux. C’est probablement cette deuxième option qui sera choisie. Cela d’autant plus que les montants qui arrivent à maturité cette année offrent la possibilité à la Fed de continuer les achats dans les mêmes quantités qu’aujourd’hui tout en réduisant la taille de son bilan. En effet, les montants arrivant à échéance sont supérieurs au montant des achats d’obligations envisagés cette année.
Autre inconnue : est-ce que, par sa politique de diminution de bilan, la Fed va modifier la structure de la courbe de taux ? Aujourd’hui, la Fed achète des obligations en proportion des montants échangés sur le marché. Ainsi, elle ne modifie pas la forme de la courbe des taux. Si la Fed considère que les taux longs (maturités supérieures à 5 ans) ne reflètent pas assez ses anticipations de croissance et d’inflation, elle pourrait modifier sa politique d’achat (i.e. acheter moins d’obligations de long terme pour faire augmenter les taux d’intérêt) et modifier la courbe des taux.
Les Banques centrales ont attiré toute l’attention depuis 2008, que cela soit pour stabiliser le système financier, aider les économies à se relancer, empêcher certains états et institutions financières de faire faillite. Aujourd’hui, les perspectives économiques, surtout aux Etats-Unis, s’améliorent. Dès lors, on pourrait penser que l’importance des Banques centrales va diminuer. En fait, comme nous venons de le voir, la gestion de la fin des politiques non-conventionnelles ne sera pas de tout repos pour les Banques centrales et pour les marchés financiers.