Date de publication : 15 novembre 2017

Bref rappel historique
Le lancement du Bitcoin a coïncidé avec une crise financière internationale majeure, celle des « subprimes ». Durant cette crise, même les actifs financiers supposés être les plus sécurisants, tels les fonds monétaires, furent mis en cause, d’où une perte de crédibilité des états et de leurs émanations, mais surtout de celle du système bancaire international.
C’est dans ce contexte exceptionnel que le Bitcoin a été créé en 2008 par Satoshi Nakamoto, pseudonyme d’une personne ou bien d’une équipe de programmeurs informatique.
Le Bitcoin est une unité de compte numérique, stockée au travers de supports électroniques (aussi appelés Bitcoins Wallet), et permettant à une communauté (le « peer to peer » ou pair-à-pair en français) d’échanger entre eux des biens et des services sans avoir à recourir aux monnaies légales.
La capitalisation du Bitcoin avoisine actuellement les 120 Mds $ contre 200 Mds $ pour l’ensemble des crypto-monnaies, le Bitcoin occupe donc près des 2/3 de la valorisation des crypto-monnaies.

Bitcoin (en $)

Sources : Bloomberg, WeSave

 
Comment fonctionne le Bitcoin ?
Les Bitcoins sont créés conformément à un algorithme informatique complexe.
La création des Bitcoins s’apparente à l’extraction d’un minerai rare par des mineurs, ces derniers étant récompensés par des découvertes occasionnelles de minerai pour avoir mis à disposition du matériel pour piocher, stocker, protéger, etc. Le mineur de Bitcoin met pour sa part à disposition de la communauté une puissance de calcul informatique permettant de vérifier, d’enregistrer et de sécuriser diverses transactions qui sont toutes répertoriées dans un vaste livre comptable informatique. La rémunération du mineur de Bitcoin est de voir parfois son compte crédité d’une fraction de Bitcoin. Bien entendu, plus la valeur du Bitcoin est élevée, plus il est tentant de devenir mineur de Bitcoin ! Au plus tard en 2140 auront été « découverts » l’intégralité des Bitcoins que l’algorithme est habilité à créer, soit 21 millions d’unités de Bitcoins.
Hormis l’algorithme de création des Bitcoins, son originalité est de faire appel à une technologie spécifique, la « blockchain », permettant de stocker et de transmettre des informations en toute transparence et sécurité, et cela sans avoir à recourir à un quelconque organe central de contrôle. Lorsque des transactions sont effectuées en Bitcoins entre des membres de la communauté, un « bloc » informatique est alors créé afin d’établir l’inventaire détaillé de ces transactions. Chaque « bloc » est ensuite validé par des nœuds du réseau informatique grâce à des techniques cryptographiques. Le mineur de Bitcoins est celui qui effectue le travail de validation de ce bloc et qui, après l’avoir horodaté, l’ajoute à la chaîne des blocs précédents, d’où l’appellation de « blockchain ». Tous les membres de la communauté ont dès lors accès à une copie exactement identique de ce livre comptable, où l’identité de ceux qui ont procédé à ces transactions en Bitcoins reste en revanche secrète.
 
Le Bitcoin est-il une véritable monnaie ?
Le Bitcoin, comme les autres crypto-monnaies, remplit certaines fonctions de base de la monnaie.

  • Le Bitcoin peut servir d’unité de compte. Autrement dit, il est possible d’exprimer la valeur d’un bien ou d’un service en Bitcoins.
  • Le Bitcoin est un intermédiaire pour certains échanges. Actuellement, environ 100.000 sites Internet acceptent le paiement en Bitcoins. De plus, la décimalisation du Bitcoin avec 8 chiffres derrière la virgule permet l’acquisition de biens ou de services courants peu onéreux.
  • Le Bitcoin assure partiellement la fonction de réserve de valeur. En effet, si l’on se place dans le cadre exclusif de ce réseau de pair-à-pair, et hors scénario où Internet deviendrait définitivement inopérant, il permet de transférer du pouvoir d’achat dans l’espace (entre deux utilisateurs) et dans le temps. En revanche, il reste à ce jour impossible de payer ses impôts en Bitcoins.

Le Bitcoin ressemble à de la monnaie, mais n’en possède pas intégralement tous les attributs.

  • La première limite est que le Bitcoin n’a pas de cours légal. Contrairement à une monnaie ayant cours légal, le Bitcoin n’est pas émis par un gouvernement ou par une banque centrale. Les commerçants peuvent refuser un paiement en Bitcoin alors qu’ils ne peuvent le faire pour une monnaie légale. Il est toutefois possible de moduler en partie ce propos puisque le Japon a légalisé les échanges en Bitcoins sur son territoire depuis le 1er avril 2017 !
  • La seconde limite est l’extrême volatilité du Bitcoin. L’emploi d’une monnaie repose sur la confiance qu’on lui accorde (d’où le mot « fiduciaire »). Il est impossible à ce stade d’envisager une généralisation de l’usage du Bitcoin tant qu’il sera aussi versatile. En effet, la fonction de « réserve de valeur » est compromise dès lors que des fluctuations trop violentes en altèrent la visibilité. Toutefois, à l’instar du Bitcoin, certaines devises ayant cours légal ont elles aussi des fluctuations « hystériques », tel le Bolivar vénézuélien par exemple !
  • Les monnaies traditionnelles sont placées sous la responsabilité des banques centrales qui ont des réserves d’or, de devises, etc., pour garantir en partie la valeur de leur monnaie. Rien de tel pour le Bitcoin qui n’a pas d’organe de contrôle et encore moins d’actif de réserve… le sous-jacent du Bitcoin n’est qu’une série de 1 et de 0 !
  • L’une des attributions des banques centrales est de créer régulièrement de la monnaie de façon à faciliter et accompagner la croissance économique nationale. Pour sa part, le Bitcoin ne pourra pas assurer cette fonction puisque la quantité de Bitcoins à émettre est limitée à 21 millions d’unités.

Le Bitcoin est cependant parfois plus qu’une monnaie traditionnelle.

  • Le Bitcoin peut revendiquer un atout que les monnaies légales lui envient : il n’a jamais été falsifié ! Personne n’a encore réussi à créer de faux Bitcoins. En revanche, des Bitcoins ont déjà été volés en quantité parfois importante, notamment lorsque des plateformes d’échanges ont fait l’objet de piratages informatiques.
  • Le Bitcoin est une monnaie à vocation universelle ! Parce que le Bitcoin ne relève d’aucune autorité centrale, sa valeur ne peut donc être altérée par les politiques monétaires d’une banque centrale. Par ailleurs, contrairement aux monnaies traditionnelles, le Bitcoin est intrinsèquement « transfrontalier » puisque n’ayant pas de frontière géographique. Le Bitcoin évite alors les surcoûts de taux de changes entre devises.
  • Pas de risque de saisies bancaires autoritaires avec le Bitcoin, comme ce fut par exemple le cas lors de la crise chypriote ! Sans la clé privée, il est en effet impossible d’accéder aux Bitcoins stockés dans le coffre-fort numérique.

Le Bitcoin est donc à la fois plus et moins qu’une monnaie. Les monnaies étant des supports se prêtant bien à la numérisation, il est probable que les états finiront par réglementer et s’approprier ces innovations majeures. L’évolution de l’environnement réglementaire sera déterminante pour le futur statut du Bitcoin et, plus généralement, pour celui des crypto-monnaies.
 
Quelles sont les limites de l’usage du Bitcoin ?

  • Une limite éthique. En effet l’identité des membres effectuant des transactions restant anonymisée, le blanchiment de capitaux est alors facile. Sans même le savoir, il est donc possible d’être le complice d’activités frauduleuses, de participer au financement du terrorisme,… C’est pourquoi le Bitcoin a un caractère sulfureux.
  • Les états pourraient chercher à en bloquer le développement. L’anonymat du Bitcoin permet aux entreprises ou aux particuliers qui l’utilisent de pouvoir dissimuler tous ces flux, sauf sur la base de déclarations volontaires. Les états ne peuvent alors plus fiscaliser ces capitaux, perdant autant de ressources financières pour mener à bien leurs politiques économiques et sociales. Certains pays envisagent de ce fait de lancer leurs propres crypto-monnaies (cf. Chine, Russie,…).
  • Des limites technologiques. Puisque le Bitcoin repose exclusivement sur le réseau informatique, dès lors que ce dernier est paralysé, plus moyen d’effectuer le moindre échange. Par ailleurs, la contrepartie de l’emploi de la technologie blockchain est qu’elle implique des délais (la transaction est instantanée, mais il faut autour de 10 minutes pour procéder à la diffusion du bloc aux autres membres du réseau) et que c’est une technologie extrêmement énergivore (215 kilowattheures par opération selon les conclusions de l’étude de Digiconomist). Enfin, si la technologie blockchain a jusqu’à présent démontré sa fiabilité, les « clés privées » informatiques qui permettent aux utilisateurs d’être identifiés sur ce réseau peuvent être dérobées et il n’y a alors aucune autorité ou système d’assurance pour se protéger de ces vols… aucun recours possible en cas de piratage !

 
Le Bitcoin, un nouvel actif financier pour les gestions ?
Les usages « monétaires » du Bitcoin restent en fin de compte bien marginaux par rapport à l’ampleur de la spéculation financière qui l’entoure. Les organisations ou les particuliers qui en achètent, souvent des geeks, le font en effet avant tout pour investir, pariant sur une hausse à venir des cours. L’ampleur, mais surtout la vitesse de cette hausse des cours du Bitcoin, renvoie indiscutablement à un comportement de bulle !
C’est dans ce contexte spéculatif que la bourse de Chicago a décidé de lancer d’ici la fin d’année un contrat à terme sur le Bitcoin. Ce lancement sera bien entendu une reconnaissance internationale pour cet actif, et cela permettra aux investisseurs souhaitant se positionner sur le Bitcoin de bénéficier enfin de l’encadrement d’un marché régulé.
Plusieurs établissements financiers essaient en parallèle de lancer des ETF basés sur le Bitcoin. Un demande récente de la part de ProShare est, par exemple, toujours en attente de réponse de la SEC. De même qu’il existe aujourd’hui des ETF libellés dans plusieurs devises différentes, il est possible que certains ETF soient un jour aussi libellés en Bitcoin.
Enfin, plusieurs fonds d’investissements en crypto-monnaies apparaissent, souhaitant eux aussi surfer sur cette vague qui attire des capitaux.
Que penser de cet instrument financier atypique pour un portefeuille ?

  • À l’instar des autres crypto-monnaies, un nombre limité de Bitcoins est mis à disposition des investisseurs. Cette rareté artificiellement organisée déséquilibre logiquement le rapport entre les acheteurs et les vendeurs de Bitcoins, provoquant une hausse des cours. Par ailleurs, puisque le Bitcoin ne repose sur aucun sous-jacent concret, sa valeur est donc fonction des espoirs que cette technologie de rupture suscite … donc impossible à quantifier rationnellement !
  • L’extrême volatilité du Bitcoin complique son intégration dans un portefeuille. Le Bitcoin vient par exemple de perdre -29 % en seulement 4 jours de cotation, entre le 8 novembre et le 13 novembre. Il est très difficile d’investir sur un actif susceptible de perdre ⅓ de sa valeur en si peu de temps !
  • Lorsque le Bitcoin bénéficiera de contrats Futures, d’ETF, …, ce sont probablement surtout des investisseurs institutionnels qui s’empareront de ces nouveaux instruments financiers. Il est probable que son comportement en sera fortement modifié. Au vu de l’ampleur de la hausse récente, il n’est par exemple pas impossible d’envisager que soient mises en place d’importantes positions baissières sur le Bitcoin par ces investisseurs institutionnels. C’est à ce stade, plus mature, qu’il sera intéressant d’envisager d’intégrer ou non le Bitcoin dans des portefeuilles.
  • Quand bien même la volatilité du Bitcoin resterait très forte, il pourrait contribuer favorablement à la diversification d’un portefeuille si son cours évoluait de façon très différente de celui des autres actifs détenus. Il conviendra donc de tester les corrélations entre le Bitcoin et les autres actifs lorsque les investisseurs institutionnels se seront suffisamment emparés de ces nouveaux instruments financiers. Il n’est donc pas certain que le fait d’intégrer le Bitcoin apporterait un véritable plus à un portefeuille diversifié !

 
Les contrats d’assurance-vie que nous gérons chez WeSave se font en partenariat avec l’assureur Suravenir. À l’instar de la plupart des assureurs, il est peu probable que les Bitcoins soient autorisés dans un avenir proche par Suravenir du fait d’une excessive volatilité et opacité de cet actif. Comme pour tout support d’investissement et de diversification éventuelle pour nos portefeuilles, nous évaluerons en temps utile les atouts et les faiblesses du Bitcoin si celui-ci devait un jour être éligible.

Bitcoin : investir ou spéculer ?

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

Category: Éclaireur Novembre 2017Économie et marchés