Date de publication : 9 janvier 2017

Après la crainte de la déflation, faut-il avoir peur désormais d’un retour de l’inflation en zone Euro ?

En décembre 2016, l’inflation en zone Euro s’est établie à +1.1% sur un an, rythme inconnu depuis septembre 2013. La crainte d’une éventuelle déflation justifiait jusqu’à présent que la Banque Centrale Européenne (BCE) mette en œuvre une politique monétaire particulièrement accommodante. En effet, lorsqu’il y a anticipation de déflation, c’est-à-dire une baisse future des prix, les agents économiques ont intérêt à temporiser pour effectuer leurs achats. Mais lorsque tout le monde agit de la sorte, cela étouffe l’activité économique, et les entreprises doivent alors baisser leurs prix pour compenser ce recul d’activité. L’anticipation de déflation devient auto-réalisatrice et elle asphyxie la croissance économique, entretenant les problèmes structurels tels que le chômage, la dette, …
Inflation dans l’Union Européenne

Afin d’éviter ce cycle infernal, la BCE a mis en place depuis mars 2015 un « quantitative easing », c’est-à-dire des achats d’obligations souveraines et d’entreprises, afin de faire baisser le coût du crédit et inciter les agents économiques à emprunter à bon marché pour leurs investissements. En stimulant ainsi la croissance économique, la BCE incite les ménages et les entreprises à accélérer leurs achats programmés et, en fin de compte, à restaurer des anticipations d’inflation. Cette politique monétaire vient d’être reconduite jusqu’à la fin 2017, avec 80Mds€ d’achats mensuels jusqu’en mars 2017, puis 60Mds€ d’achats jusqu’en fin d’année.
Mais son efficacité est contestée et ses nuisances sont stigmatisées. Les détracteurs de la BCE soulignent que cette stratégie pénalise la rentabilité des banques qui sont dissuadées d’accorder des crédits, sauf aux entreprises et aux ménages les plus solvables, c’est-à-dire ceux qui n’en ont pas nécessairement besoin. Ce sont surtout des renégociations de crédits et non pas des nouveaux crédits que cette politique monétaire favorise en fin de compte. Par ailleurs, du fait de ce « quantitative easing », la BCE a déjà accumulé dans son Bilan l’équivalent de 30% du PIB de la zone Euro, et cela pour des résultats très décevants en termes de croissance et d’inflation. Un aléa moral est aussi reproché à cette politique monétaire : la vertu budgétaire est découragée puisque les interventions de la BCE compensent largement la sanction qui devrait frapper les mauvais élèves au travers de leurs taux d’intérêts. Enfin, la faiblesse des taux d’intérêts pénalise la performance de nombreux produits d’épargne.

Aujourd’hui, l’argumentaire accommodant de la BCE est affaibli puisque l’inflation revient graduellement au sein de la zone Euro : +1.5% attendu en 2017 et +1.7% en 2018 selon le consensus. L’inflation revient tout d’abord parce que les prix des matières premières ont fortement progressé depuis un an. Toutefois d’importants stocks mondiaux et réserves de capacités de production devraient limiter le risque d’inflation par les matières premières en 2017. Par ailleurs, le recul de l’Euro face au Dollar renchérit pour les européens le coût de leurs achats libellés en Dollar, ce qui provoque un phénomène d’inflation importée. Les différentiels de croissance et d’inflation respectivement attendus aux Etats-Unis et en zone Euro en 2017 et 2018 militent plutôt pour une persistance de cette inflation par les devises en Europe. Pour ce qui est de l’inflation par les salaires, les entreprises ayant reconstitué leurs marges et le chômage refluant graduellement, le pouvoir de négociation des employés s’améliore un peu. Enfin, l’essor des thèses protectionnistes (cf. Brexit, élection de D.Trump,…) pourrait faire déraper les coûts de production de certains produits. En effet, même en disposant d’une capacité industrielle de substitution, la structure de coûts nationale sera plus élevée que celle du produit jusqu’alors importé.

Au sein de l’Union Européenne, les sources d’inflation sont donc désormais plus nombreuses que durant les dernières années, et l’évolution du contexte politique semble plus favorable au déploiement de tensions inflationnistes additionnelles. Pour autant, les anticipations de rythme d’inflation en zone Euro (1.5% en 2017 puis 1.7% en 2018) sont toujours très proches des anticipations de hausse du PIB (1.5% en 2017 puis 1.6% en 2018), et une inflation autour de 2% est jugée normale, voire même souhaitable par la BCE. Par ailleurs, l’inflation « cœur » (i.e. hors produits versatiles tels les biens agricoles, l’énergie,…) restera très en deçà des 2%. C’est pourquoi, même si la BCE devait durcir un peu sa politique monétaire et être moins accommodante, ce mouvement devrait rester très graduel. En fin de compte, un cycle plus porteur pourrait s’engager en 2017, et la reprise graduelle de l’inflation devrait être perçue comme un signal encourageant plutôt qu’une affliction.

De la crainte de la déflation à celle de l’inflation

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

Category: Économie et marchés