Date de publication : 12 septembre 2016

Un Brexit ? Mais quel Brexit ?

Alors que certains stratèges craignaient une véritable débâcle économique et financière suite au référendum, les statistiques économiques du Royaume-Uni ne cessent de surprendre favorablement depuis le 23 juin (cf. graphe ci-dessous).
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Comment expliquer un tel paradoxe ?
Tout d’abord, il convient de rappeler que tant que Theresa May n’aura pas activé l’article 50 du traité de Lisbonne, les discussions de sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne ne pourront pas être formellement engagées entre les deux camps. L’accès au marché unique, tout comme le passeport européen ne sont donc jusqu’alors pas remis en cause.
Par ailleurs, parce que les traités prévoient que les négociations pourront durer 2 ans avant que la séparation ne soit consommée, l’illusion du «Business as usual» peut laisser croire que le Brexit n’est pas une véritable préoccupation.

Plus encore que financier, le Brexit est avant tout un stress politique.

Chez WeSave, nous avons immédiatement fait l’analyse que le Brexit serait tout d’abord une problématique politique plutôt qu’économique :Brexit, Frexit, Deutschxit… les marchés et la politique
En effet, en premier lieu, le Royaume-Uni devra gérer la menace d’un possible éclatement territorial. Ainsi, sans surprise, l’Ecosse s’applique déjà à préparer son éventuelle sécession, ce qui pourrait entraîner l’Irlande du Nord dans son sillage. Inévitablement, les querelles constitutionnelles devraient se multiplier durant les prochains mois au Royaume-Uni.
De son côté, l’Union Européenne doit en urgence parvenir à «ré-enchanter» les peuples et à trouver un nouvel élan fédérateur commun. En effet, les votes contestataires ou nationalistes ne cessent de mordre sur les partis traditionnels, et la tentation du repli sur soi menace l’Union alors même que d’importantes échéances électorales approchent en Europe (cf. élections en France et en Allemagne en 2017).
Manque de perspectives, manque de résultats … l’adhésion au projet européen ne va plus de soi. C’est pourquoi la tentation d’assouplir les contraintes de l’Union (cf. craintes de l’Allemagne d’un «Club Med» entre pays d’Europe du Sud) et de se contenter du plus petit dénominateur commun n’a jamais été aussi forte. Néanmoins, si l’exemple britannique devait en inspirer certains, renoncer à l’Euro ajouterait une complexité considérable aux Etats qui envisageraient eux aussi de quitter l’Union par rapport au Royaume-Uni qui dispose déjà de sa propre devise.

Le Brexit n’est pas un choc cyclique, c’est un choc structurel.

Conclure que le Brexit n’a pas d’impact économique significatif simplement parce que les statistiques économiques de court terme ne prêtent pas spécialement à l’inquiétude serait très imprudent. Le Brexit est en effet un poison à diffusion lente.
Si la Livre Sterling semble se stabiliser, la perte de pouvoir d’achat qu’elle induit est en revanche durable. Il en coûtera désormais près de 10% plus cher aux entreprises ou aux ménages britanniques pour se procurer des biens ou services à l’étranger. Loin d’être un signal de confiance dans les perspectives à venir, les fortes ventes de détail durant l’été au Royaume-Uni sont en réalité en grande partie des achats anticipés du fait de l’inflation qui menace déjà le niveau de vie du pays. Le tassement de consommation n’est alors que reporté. De plus, le reflux de la Livre a dopé l’afflux de touristes et, par conséquent, la consommation sur le territoire britannique, mais il s’agit là d’un à-coup ponctuel.
En dépit des reproches d’excès de pessimisme qui lui sont adressés, la Banque d’Angleterre a pour sa part bien pris conscience que les difficultés à venir du pays sont fortes, mais surtout qu’elles sont durables, d’où l’abaissement de 0.25% de son taux directeur début août et des achats dopés d’obligations souveraines et d’entreprises. De même, le gel de plusieurs fonds immobiliers britanniques laisse présager d’un important reflux des valorisations d’un secteur clé pour le patrimoine et pour la dynamique économique future du pays. Enfin, les défections de nombreuses multinationales seront étalées dans le temps, et ce n’est que d’ici 1 à 2 ans que l’effet amplificateur du «mimétisme» se fera réellement sentir.
Les défis qui se posent au gouvernement de Theresa May sont structurels et non simplement conjoncturels. Se tromper de diagnostic aboutirait à adopter de mauvais remèdes budgétaires, fiscaux,… et aggraverait alors les impacts du Brexit.

Le Brexit est un choc au périmètre géographique circonscrit, et non pas planétaire.

5ème puissance économique au monde avant le référendum, le Royaume-Uni est un pays particulièrement ouvert au reste du monde. C’est pourquoi les craintes des observateurs ont été aussi exacerbées lorsque le Brexit a été voté.
Parce que l’Union Européenne est au cœur des échanges extérieurs du Royaume-Uni (cf. tableaux ci-dessous), c’est l’Europe qui sera la plus fortement impactée par les changements structurels que le Brexit impose. Les équilibres politiques (droits de vetos,…), budgétaires (subventions et contributions), la sécurité, la gestion des flux migratoires,… tout devra être remis à plat. Malgré l’ampleur de la tâche, il conviendra pour l’Union de transformer ces défis en opportunités.

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Du fait des liens particuliers qui les unissent historiquement, les pays du Commonwealth pourraient être eux aussi affectés par le tassement économique à venir du Royaume-Uni. Toutefois, le Brexit pourrait surtout être l’amorce d’une nouvelle dynamique entre ces pays, puisque le Royaume-Uni cherchera certainement à contrebalancer sa perte d’activité avec l’Union Européenne en nouant des liens plus étroits ailleurs.
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En dépit de valorisations relatives apparemment attrayantes, les marchés d’actions européens devraient continuer de se voir appliquer durablement une décote «politique» ce qui, par effet de report, devrait profiter en priorité aux actions américaines du fait de leur liquidité boursière. Les nécessaires soutiens de la BCE et de la Banque d’Angleterre devraient en revanche permettre d’atténuer certaines des menaces qui pèsent sur l’Europe. Prôné par les plus grandes instances internationales, le débat autour de l’hypothèse d’un vaste plan de soutien budgétaire européen ne fait alors que commencer !

« Dieu sauve la Reine ! » … et pour les autres ?

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

Category: Économie et marchés