Pour les investisseurs obligataires, Donald (Trump) c’est plutôt Picsou !
Les obligations profitent à leurs détenteurs depuis de nombreuses décennies, les épargnants leur accordent une confiance très forte et privilégient souvent cette classe d’actifs dans leurs allocations. Toutefois, depuis 2 à 3 mois la contribution des obligations à la performance des portefeuilles est négative. Que se passe-t-il ? Ce phénomène peut-t-il continuer ? Si c’est le cas, comment réagir ?
America First! (L’Amérique d’abord !)
Depuis plusieurs mois déjà, les indicateurs économiques internationaux laissaient espérer pour 2017 une croissance économique mondiale plus harmonieuse et un peu plus d’inflation par les matières premières et par les salaires. Les investisseurs étaient donc convaincus que les banques centrales seraient désormais moins accommodantes quant à leurs politiques monétaires, ce qui justifiait un ajustement à la baisse des prix des obligations.
L’élection surprise du Républicain D.Trump s’est accompagnée d’un second évènement déterminant : la majorité conservée par les Républicains au Sénat et à la Chambre des Représentants. Dès lors, sauf défections éventuelles, la nouvelle administration, à la différence de son prédécesseur, aura une grande liberté pour appliquer sa politique économique. Si aujourd’hui les prix des obligations décrochent, c’est que les investisseurs anticipent une accélération de la croissance économique et de l’inflation aux Etats-Unis.
En effet, D.Trump souhaite mettre en oeuvre une politique budgétaire agressive pour doper la croissance économique nationale. Il envisage de réduire les impôts sur les ménages et sur les entreprises, tout en engageant des dépenses dans les infrastructures. C’est pourquoi le déficit budgétaire américain pourrait fortement déraper et le rapport dette fédérale/PIB passer de 77% actuellement à 105% en 2026 (Source : Committee for a Responsible Federal Budget). Afin de financer ces déficits croissants et attirer les capitaux internationaux, l’Etat américain serait contraint d’émettre bien plus d’obligations et d’offrir des taux d’intérêts plus attrayants qu’aujourd’hui, ce qui nuirait à la valorisation boursière du stock d’obligations déjà en circulation.
La banque centrale américaine (FED) n’aurait choix que de relever ses taux d’intérêt directeurs plus fortement et surtout bien plus vite qu’envisagé auparavant
Par ailleurs, lutter contre l’immigration clandestine et revaloriser le salaire minimum aux Etats-Unis auraient pour effet de stimuler encore plus l’inflation par les salaires. De même, fermer partiellement ses frontières aux produits étrangers bénéficiant d’une structure de coûts faibles, afin de favoriser la relocalisation de ces productions aux Etats-Unis, impliquerait d’accepter plus d’inflation sur le territoire américain. Face à ce nouveau contexte, et sous réserve que le Dollar ne s’apprécie pas exagérément, la banque centrale américaine (FED) n’aurait d’autre choix que de relever ses taux d’intérêt directeurs plus fortement et surtout bien plus vite qu’envisagé auparavant.
Toutefois, il est difficile d’évaluer précisément dès aujourd’hui la part du programme économique de D.Trump qui sera réellement appliquée. C’est donc avant tout par précaution que les investisseurs allègent actuellement leurs investissements obligataires qui, il est vrai, offraient des rendements historiquement faibles.
Rendement obligations souveraines US à 10 ans
Sources : Bloomberg, Wesave
It’s not the end of the world! (Ce n’est pas la fin du monde !)
Parce que les emprunteurs internationaux sont en concurrence les uns vis-à-vis des autres, une hausse significative des taux d’intérêt aux Etats-Unis incite les divers émetteurs obligataires à s’aligner afin de lever les capitaux dont ils ont besoin. La hausse des taux n’est donc pas cantonnée aux Etats-Unis mais est bien un phénomène mondial.
Toutefois, tant que certaines banques centrales demeureront des acheteurs structurels majeurs d’obligations, telle par exemple la Banque Centrale Européenne (BCE) dans le cadre de son « quantitative easing », cette politique devrait atténuer et abréger le stress pesant actuellement sur ces obligations. Par ailleurs, le cycle économique américain est bien plus avancé qu’en Europe, et les niveaux d’inflation diffèrent entre les deux zones. Enfin, les nombreux aléas politiques pesant sur l’Europe (référendum italien, Brexit, élections en France et en Allemagne,…) militent pour une grande prudence de la BCE. C’est pourquoi la « normalisation » des politiques monétaires transatlantiques ne sera pas synchronisée.
La « normalisation » des politiques monétaires transatlantiques ne sera pas synchronisée
D.Trump souhaite enclencher des soutiens budgétaires massifs aux Etats-Unis, mais cette politique n’est ni consensuelle, ni généralisable en Europe. Ainsi, seuls l’Allemagne et les Pays-Bas pourraient en principe assumer une telle politique, mais ces deux pays y sont réticents. Tant que les Etats européens ne s’entendront pas pour engager une véritable relance budgétaire coordonnée, la BCE devrait maintenir des taux d’intérêts très bas afin de soutenir le crédit aux entreprises et aux ménages, et pour atténuer le coût de la dette des Etats. Tout au plus, l’ampleur des achats actuellement effectués (80Mds € d’obligations tous les mois) pourrait être graduellement réduite dès 2017.
Total des actifs au Bilan de la BCE (Mds €)
Sources : Bloomberg, WeSave
L’investiture de D.Trump n’ayant lieu que le 20 janvier 2017, le flou sur son programme économique réel restera important jusqu’à cette date, voire au-delà. C’est pourquoi les investisseurs seront tentés de poursuivre les rééquilibrages actuellement menés au sein de leurs portefeuilles. Les obligations pourraient ainsi continuer de pâtir temporairement de retraits de capitaux au profit des actions. Afin de maîtriser la volatilité des obligations, il est donc préférable de privilégier celles ayant des échéances courtes ou bien de rester investi sur celles qui sont indexées sur l’inflation.
Les obligations devront désormais faire l’objet d’une gestion beaucoup plus tactique qu’auparavant, et ne pourront plus être simplement une allocation stratégique « dormante ». Parce que la remontée des taux pourrait durer, il est préférable de rechercher désormais plutôt la performance au travers des actions tout en conservant une exposition forte sur le fond en Euros, ceci afin de maîtriser la volatilité de son portefeuille.