Un nouveau millésime débute, une nouvelle page blanche s’offre à nous. Les vœux, les bonnes résolutions n’y feront rien … comme toujours, de nombreuses surprises affecteront nos investissements en 2016! Toutefois, nos réflexions et nos allocations peuvent d’ores et déjà s’appuyer sur des «faire-part» qui nous ont été adressés, ou bien sur d’autres qui devraient nous parvenir durant l’année. Par l’évocation de certaines de ces annonces, dressons une représentation du contexte dans lequel nous évoluerons, afin d’en déduire d’éventuels scénarios économiques et éclairer le possible comportement à venir des actifs financiers.
Faire-part de divorce
«Les instances internationales ont le regret de vous faire part du divorce entre la BCE et la FED, et partagent l’anxiété que certains investisseurs ont pu manifester en ces circonstances préoccupantes».
Divergence imminente entre les deux politiques monétaires transatlantique Quoique fictif, ce faire-part reflète l’état d’esprit dans lequel les marchés financiers ont abordé la trêve des confiseurs. Ainsi, après une année d’atermoiements, les banques centrales américaine et européenne ont finalement acté en décembre 2015 que leurs politiques monétaires divergeraient désormais radicalement. Bien qu’en retrait par rapport aux attentes démesurées des investisseurs, la BCE a en effet annoncé qu’elle accentuera son soutien monétaire hétérodoxe au travers d’un «quantitative easing» prolongé (au moins jusqu’en mars 2017) et élargi (obligations émises par les collectivités locales désormais éligibles). Depuis le mois de janvier 2015, la BCE s’est ralliée à cette stratégie monétaire consistant à acheter des obligations souveraines, bridant ainsi les rendements de cette classe d’actifs et incitant les investisseurs à se reporter vers d’autres placements plus rémunérateurs, bien que plus volatils. L’ambition du «quantitative easing» est en effet de réorienter l’épargne afin qu’elle soutienne l’économie réelle plutôt que de rester stérilement thésaurisée. Sans surprise, l’atonie persistante de la croissance économique européenne, tout comme des pressions déflationnistes récurrentes, justifiaient que la BCE poursuive, et même intensifie, ses interventions. Pour sa part, après 10 années de politique monétaire accommodante, la FED a entamé un cycle de relèvement de ses taux directeurs (i.e. taux désormais entre 0.25% et 0.50%). Mais cette annonce préoccupe tout autant certaines grandes institutions mondiales que de nombreux stratèges, ceux-ci jugeant prématuré le retrait de liquidités amorcé par les Etats-Unis. Si cette première décision de la FED ne pénalisera que très marginalement les conditions de crédit du pays, l’inquiétude porte principalement sur le risque de contagion qu’une succession de hausses pourrait engendrer sur les taux d’intérêts mondiaux. En effet, les rendements obligataires américains étant alors plus élevés, les émetteurs internationaux seraient à leur tour contraints de proposer des taux d’intérêts plus généreux qu’aujourd’hui afin de parvenir à lever les capitaux qui leur sont nécessaire … les marges de manœuvre budgétaire des pays ou les capacités d’emprunts des entreprises pourraient donc être rationnées par des coûts de remboursements dissuasifs. La seconde crainte est que cette décision de la FED ne provoque un attrait immodéré à l’égard du Dollar. Ainsi, parce que cette hausse des taux directeurs favorisera l’appréciation relative du Dollar face aux autres devises, cette dernière risque de nuire à la compétitivité des entreprises américaines, tant sur leurs marchés domestiques qu’à l’international. Puisque la croissance économique mondiale dépend beaucoup de la «locomotive» américaine, tout facteur de ralentissement potentiel du pays effraye. De plus, de nombreux emprunteurs internationaux (notamment dans les pays émergents!) ont levé des capitaux libellés en Dollar et doivent donc alors rembourser un capital et des intérêts dont le coût s’emballe … la solvabilité de certains emprunteurs pourrait être mise en défaut! En 2016, le rythme tout autant que l’ampleur des hausses des taux américains feront donc l’objet de nombreuses spéculations et seront déterminantes quant aux allocations stratégiques et tactiques des investisseurs!
Faire-part de mariage
«L’Euro et le Dollar ont la joie de vous faire part de leur union. La cérémonie sera célébrée en 2016 sur les marchés financiers en présence de nombreux investisseurs, entreprises et Etats»
La FED n’autorisera qu’une appréciation graduelle du Dollar Deux êtres qui ne font plus qu’1, l’égalité parfaite, voilà une annonce qui pourrait éventuellement faire la Une des journaux en 2016. Depuis 2002, le couple Euro-Dollar a abandonné la parité, l’Euro s’appréciant jusqu’à atteindre les 1.60 en 2008 pour, ensuite, entamer un long reflux. Par cette phase initiale haussière, l’Euro a acquis le statut de devise internationale, et les habitants et entités de la zone ont provisoirement bénéficié d’un pouvoir d’achat considérable vis-à-vis de l’étranger. Cependant, la perte de compétitivité qui a accompagné cette reconnaissance internationale de l’Euro explique en partie les nombreuses délocalisations de productions vers les pays à bas coûts et l’envol du chômage structurel. Par une plus grande flexibilité, une montée en gamme, ou encore un positionnement de niche, certains pays et entreprises de la zone ont su compenser le handicap d’un Euro fort. Toutefois, l’intensité de la concurrence internationale, tout comme une crise économique et financière d’une exceptionnelle intensité, ont été fatales à de nombreux pans d’activités et entreprises. En fin de compte, l’actuel repli de notre devise sanctionne les faiblesses et les incohérences politiques, économiques et fiscales de la zone. Mais l’appréciation du Dollar s’opère aujourd’hui aux dépens de la quasi-totalité des devises, et non pas exclusivement contre l’Euro, signe que les Etats-Unis ont restauré leur statut de «locomotive» de l’économie mondiale (cf. capacité de rebond, puis de résilience de la croissance américaine durant les dernières années). Les politiques monétaires divergentes entre la BCE et la FED, qui font tendre ces deux devises vers la parité, ne font alors qu’accélérer des tendances qui étaient latentes. Puisque le processus de hausse des taux américains ne fait que débuter, la parité entre l’Euro et le Dollar peut être envisagée en 2016. Pour rappel, le relèvement des taux directeurs de la FED a pour but de profiter de l’actuelle croissance du pays pour restaurer des marges de manœuvre monétaire, afin de pouvoir lutter à terme contre toute résurgence d’inflation ou afin de compenser un éventuel tassement de croissance économique du pays. Mais si l’appréciation du Dollar venait à être trop nuisible pour la croissance américaine, la FED serait alors contrainte d’interrompre prématurément ses hausses de taux directeurs. Le rythme et l’ampleur de l’appréciation du Dollar seront donc des facteurs déterminants majeurs de la politique monétaire de la FED. En conséquence, le symbole fort que serait l’atteinte de la parité entre l’Euro et le Dollar pourrait devenir un signal important pour une éventuelle recomposition des allocations financières, ceci par anticipation d’une nouvelle modulation de la politique monétaire américaine.
Faire-part de deuil
«La communauté internationale a la profonde tristesse de vous faire part du décès de l’Union Européenne. L’inhumation est reportée à une date ultérieure à déterminer»
Le risque politique pourrait masquer l’amélioration économique européenne en cours Ce faire-part est, fort heureusement, une pure fiction mais l’année 2016 pourrait être décisive quant à de nombreux aspects de la construction européenne. Ainsi, David Cameron s’est engagé à convoquer d’ici à la fin de 2017 un référendum sur le maintien ou non de la Grande-Bretagne dans l’Union Européenne. Le calendrier du Conseil de l’Union Européenne voulant que la Grande-Bretagne en assure la présidence entre juillet et décembre 2017, ce référendum aura donc logiquement lieu dès 2016! Mais les premiers échos des négociations engagées entre la Grande-Bretagne et les 27 autres membres de l‘Union européenne quant au réaménagement du fonctionnement de l’Union font apparaitre des divergences telles qu’il sera difficile de parvenir à une réconciliation entre les deux parties (i.e. souveraineté, droits sociaux des individus de la zone,…). Même en prenant l’hypothèse qu’un accord politique pragmatique soit trouvé, le peuple britannique reste souverain et le «BREXIT» pourrait l’emporter dans les urnes! Si tel devait être le cas, la Grande-Bretagne, tout comme l’ensemble de l’Union Européenne, feraient alors l’objet d’une importante désaffection de la part des investisseurs internationaux et l’ensemble des marchés financiers, toutes classes d’actifs confondues, subiraient de très violents à-coups! Par ailleurs, la vague d’immigration incontrôlée dont l’Union a fait l’objet en 2015 a servi de révélateur de divergences de conception sur ce que l’Union européenne devrait être selon ses différents membres … une véritable crise identitaire fermente. Si, par le passé, l’Union européenne est parvenue à renforcer ses structures lorsque des obstacles majeurs se présentaient à elle, ceux-ci seront toutefois difficiles à franchir, les aspirations citoyennes pouvant l’emporter sur les conciliations politiques! A terme, une remise en cause de l’Union européenne dans son périmètre actuel pourrait conduire à constituer un noyau resserré de pays qui auraient encore un projet commun … l’Euro pourrait alors paradoxalement en ressortir renforcé car la cohérence de cette nouvelle entité serait bien plus lisible. En dépit d’une dynamique économique encore porteuse et d’une BCE en soutien, les actifs financiers européens pourraient être méthodiquement affligés d’une prime de risque «politique» en 2016, principe de précaution oblige!
Faire-part de naissance
«Ce miracle de la naissance, nous l’avons attendu longtemps. Enfin exaucés, elle répondra du doux prénom: INFLATION»
Discrètement d’abord, 2016 devrait permettre le retour graduel de l’inflation Toute naissance est le fruit d’une longue gestation, et celle de l’inflation va peut-être trouver son terme en 2016. Alors que la théorie économique veut que l’inflation soit l’ennemi de l’épargnant, de nombreux gouvernements, économistes et institutions appellent pourtant de leurs vœux son éclosion. En effet, l’effondrement du prix des matières premières (notamment sous l’impulsion du pétrole!), une capacité à délocaliser aisément vers les pays à bas coûts, et une compétition internationale extrêmement intense, font craindre depuis plusieurs années qu’un cycle déflationniste, avec tous les drames économiques que cela peut sous-tendre (cf. crise de 1929), ne se mette en place. C’est pour cette raison que les banques centrales ont été exceptionnellement créatives quant à leurs politiques monétaires durant ces dernières années. S’il est bien présomptueux de supputer du «juste prix» des matières premières, il n’en demeure pas moins que les fermetures de puits, de mines, d’unités de productions,…, programmées ou déjà mises en œuvre, conduiront à réduire les offres excédentaires et à stabiliser progressivement leurs prix. Parce que des stocks importants ont été constitués, le rééquilibrage entre l’offre et la demande de matières premières pourrait toutefois n’avoir lieu qu’en seconde partie de l’année 2016. Mais, comme toujours, la sphère financière pourrait devancer la sphère réelle en reconstituant dès le premier semestre quelques positions tactiques (à défaut de stratégiques!) sur cette classe d’actifs. Si un tel scénario venait à se matérialiser, l’aversion chronique des investisseurs à l’égard des marchés émergents s’estomperait puisque beaucoup de ces pays souffrent tout particulièrement du repli des prix des matières premières (cf. Russie, Brésil, Venezuela, Nigéria,…). En passant au tamis les statistiques économiques disponibles en 2015, on peut constater que l’inflation sous-jacente (i.e. hors éléments volatiles comme l’énergie ou l’alimentation) avoisine déjà les 2% aux Etats-Unis (contre 0.2% officiellement) ou 1% en Europe (contre 0.1% officiellement). Toute inflexion des prix des matières premières se traduira donc très vite par une résurgence de l’inflation. Cette situation pourrait permettre de débloquer les gels de salaires qui caractérisent actuellement de très nombreux pays, ce qui stimulerait la consommation des ménages. Alors que les marges bénéficiaires des entreprises sont aujourd’hui à des sommets historiques, pouvoir de nouveau bénéficier à la fois d’une demande finale plus soutenue, mais aussi d’arguments pour justifier de passer des hausses de prix, serait certainement le bienvenu pour nombre d’entre elles. Un cycle économique traditionnel un peu plus inflationniste pourrait alors se mettre en place (vers 2017?). Si tel était le cas, la FED aurait eu raison de prendre l’initiative d’amorcer le relèvement de ses taux directeurs. En revanche, la BCE serait alors pour sa part prise à revers, la pertinence de son analyse des perspectives économiques serait ternie et Mario Draghi serait alors contesté. Contrairement aux dernières années, en 2016, les marchés financiers pourraient être guidés par les statistiques économiques et par les performances des entreprises plutôt que par des phénomènes de liquidités insufflés par les banques centrales … une meilleure cohérence et pertinence des valorisations boursières pourraient en découler.
Quelques considérations de marchés
Parce que les incertitudes politiques menacent en Europe, une surpondération des actifs financiers de la zone Euro (actions, tout comme les obligations d’entreprises mal notées!) semble désormais plus audacieuse que par le passé, et cela en dépit de valorisations raisonnables ou du soutien monétaire réaffirmé de la BCE. Pour son caractère défensif, et parce que l’impact de la réévaluation du Franc Suisse début 2015 est désormais révolu, le marché d’actions helvétique pourrait bénéficier d’une surperformance relative en ce début 2016. Outre-Atlantique, le pragmatisme de la FED l’encouragera à rester très mesurée lors de ses prochaines hausses de taux (i.e. le Dollar sera un indicateur important!). En conséquence, une sous-pondération de la zone Euro pourrait être compensée par une surpondération des actifs américains, surtout s’ils peuvent bénéficier de l’appréciation résiduelle du Dollar. Une possible recrudescence de volatilité justifie de disposer encore d’une forme d’assurance financière au travers d’une exposition tactique sur l’or, et cela en dépit de l’appréciation persistante du Dollar. Bien que leurs valorisations soient attrayantes sur le long terme, il semble toujours prématuré de se réexposer significativement aux marchés émergents ou aux matières premières. Toutefois, tout regain d’inflation entrainerait un vif intérêt des investisseurs pour ces deux classes d’actifs, tant elles sont à ce jour délaissées dans leurs allocations.