Date de publication : 18 août 2016

L’or pour le Brésil avec 62%, l’argent pour le Pérou avec 57% et enfin le bronze pour la Namibie avec 40%. En 2016 jusqu’au 11 août, tel est le classement des fonds d’actions internationaux. Mais les fondamentaux du Brésil justifient-ils vraiment une telle reconnaissance ?

La dépendance aux prix des matières premières incite à la prudence

9ème PIB mondial, le Brésil est en réalité une puissance économique très fragile. Tout d’abord, le pays reste particulièrement dépendant des aléas des prix des matières premières puisqu’il est le 4ème exportateur agricole mondial et le 2nd exportateur de produits miniers, et que plus de la moitié de ses exportations en dépendent. Le rebond des prix des matières premières en 2016 a ainsi fortement participé à stimuler la cote brésilienne. Toutefois, ceci ne doit pas faire oublier le fait que la moindre dynamique économique mondiale pèsera structurellement sur ce type de recettes commerciales et que les surcapacités ou stocks excédentaires mondiaux restent nombreux, décourageant l’investissement des entreprises brésiliennes.

La dynamique de consommation locale étranglée

Déjà éprouvé par un repli de -3.8% du PIB en 2015, le pays devrait voir sa croissance se contracter de nouveau de -3.5% cette année. Le taux de chômage est pour sa part attendu à 10.6% en 2016 et pourrait même atteindre les 11.4% en 2017. Les ménages ne peuvent alors que privilégier l’épargne plutôt que la consommation. Un tel contexte incite les entreprises à retarder leurs investissements alors qu’elles sont déjà confrontées à des problèmes permanents d’insuffisance d’infrastructures et de transports, accentués par des rigidités réglementaires, notamment en ce qui concerne les salaires.

Une politique monétaire récessive et des bilans bancaires fragilisés

Mais cette situation difficile se double d’une très forte inflation (9% 2015 et 8.7% encore attendu en 2016), contraignant la banque centrale à imposer des taux directeurs désormais à 14.25%, ce qui prolonge l’asphyxie économique du pays. Si le Real brésilien est parvenu à s’apprécier de +22% contre l’Euro en 2016, la devise brésilienne affiche néanmoins encore un repli de -37% depuis 2011. Dès lors, le secteur bancaire souffre d’importants prêts non performants, dissuadant les banques d’accorder de nouveaux crédits.

Les scandales politico-financiers ôtent toute crédibilité aux dirigeants nationaux

Mais le pays ne peut même pas compter sur une politique budgétaire contra-cyclique efficiente. En effet, les scandales politico-financiers à répétition ont conduit au lancement d’une procédure de destitution de Dilma Rousseff. Pour autant, plusieurs membres du gouvernement de transition actuel sont eux-mêmes soupçonnés de comportements délictueux, d’où l’absence de visibilité quant à la conduite effective des réformes qu’il conviendrait de mener. En 2015, le déficit public brésilien ayant été de 12% du PIB et la dette souveraine de 67% du PIB (toutefois les ¾ sont détenus par des investisseurs résidents!) et devrait s’accroitre encore à 73% en 2016, la note souveraine du pays a de ce fait été dégradée à «junk» par les agences de notation, ce qui complique et renchérit toute levée de capitaux du pays.
L’actuelle médaille d’or du marché d’actions brésilien ne devrait donc pas pouvoir durablement résister aux dépistages de dopage (i.e. débouclage de positions vendeuses de nombreux hedge funds) car les fondamentaux économiques ne permettent pas de se maintenir ainsi sur le podium international.

Le Brésil, dopé, va devoir rendre sa médaille d’or

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

Category: Économie et marchés