Suite à la crise économique et financière, la plupart des pays ont vu leur endettement s’envoler.
Afin de contribuer au rééquilibrage de leurs budgets, les Etats ont fait de la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscale des entreprises une de leurs priorités. Toutefois, les entreprises pourraient paradoxalement bénéficier prochainement d’un contexte fiscal de nouveau très favorable.
Les Etats-Unis et le Royaume-Uni se proposent en effet d’abaisser très fortement la fiscalité s’appliquant aux entreprises établies sur leurs territoires respectifs. Ainsi, sous réserve d’obtenir l’aval du Congrès à majorité Républicaine, D.Trump envisage une diminution graduelle de 40% jusqu’à 15% du taux d’impôt sur les sociétés. Pour sa part, le Royaume-Uni pourrait même réduire le sien de 20% à 10% dans le cadre de son soutien économique suite au Brexit. La logique de ces deux pays est d’instaurer une très forte attractivité fiscale de façon à doper les bénéfices réalisés par les entreprises implantées dans le pays. Ces bénéfices peuvent alors contribuer à :
- Enrichir les actionnaires grâce au surcroit de bénéfices ainsi dégagés qui offre la possibilité de versements de dividendes extraordinaires et de rachats d’actions.
- Améliorer la solvabilité des entreprises, réduisant d’autant les risques de faillites, ce qui est favorable aux Bilans des banques et aux porteurs de dettes d’entreprises.
- Accroitre la rémunération des employés, ce qui soutient en fin de compte la consommation nationale et donc les chiffres d’affaires des entreprises.
- Encourager le rapatriement de capitaux jusqu’alors investis à l’étranger où la fiscalité y était plus avantageuse.
- Stimuler l’investissement sur le territoire national et créer de nombreux emplois.
C’est donc une baisse généralisée de l’impôt sur les sociétés à travers le monde entier qui pourrait s’engager durant les prochaines années.
Les Etats-Unis et le Royaume-Uni font donc le pari que le sacrifice temporaire de recettes fiscales sur les entreprises sera plus que compensé sur le long terme. En effet, les Etats devraient s’y retrouver :
- Le recul du chômage dope les cotisations sociales (chômage, santé, vieillesse,…) alors que, dans le même temps, les allocations n’ont plus besoin d’être aussi significatives.
- La perte de recettes fiscales due à la baisse du taux d’imposition sur les sociétés est en partie compensée par un effet volume puisqu’un plus grand nombre d’entreprises dégagent désormais des bénéfices et sont alors imposables.
- De nouvelles recettes d’impôts sur les ménages apparaissent puisque leurs revenus, leurs patrimoines (financier, immobilier,…) et leurs consommations sont dopés.
- Le rapatriement sur le territoire national d’activités jusqu’alors réalisées à l’étranger permet d’améliorer la balance commerciale du pays.
Les Etats-Unis et le Royaume-Uni représentant à eux deux près de 20% du PIB mondial, il sera très difficile aux autres pays ou zones économiques de ne pas tenir compte de cette nouvelle concurrence majeure. C’est donc une baisse généralisée de l’impôt sur les sociétés à travers le monde entier qui pourrait s’engager durant les prochaines années.
Impôt sur les sociétés par pays en 2016 (taux normal en %)
Mais quelles sont les éventuelles limites d’une telle stratégie de compétition fiscale internationale ?
- Si tous les pays appliquent des taux d’impôt sur les sociétés en fin de compte convergents, l’avantage comparatif disparait et les recettes des Etats auront tout simplement baissé d’autant. Les premiers Etats à avoir engagé ce processus seront donc les principaux gagnants puisqu’ils auront attiré la première vague d’investissements internationaux.
- Ce schéma s’appuie sur l’hypothèse que la qualification de la main d’œuvre nationale permette le rapatriement de toute industrie ou service de l’étranger vers le territoire national. En réalité, les entreprises ayant segmenté et spécialisé leurs productions à travers le monde entier, certaines qualifications sont désormais très difficiles à trouver. Pour se les attacher, il sera nécessaire de mettre l’accent sur la formation, d’accorder des salaires très élevés, ou bien recourir à l’immigration.
- Si la fiscalité devient soudainement favorable aux entreprises, pourquoi alors les chefs d’entreprises s’évertueraient-ils encore à faire des efforts de productivité additionnels ? De même, l’évaluation préalable des risques attachés aux investissements pourrait être désormais trop superficielle puisque reposant surtout sur des avantages fiscaux et non pas sur un véritable « business plan ». Sur le long terme, l’allocation des capitaux disponibles dans le pays n’est alors plus optimale.
- Ce type de compétition fiscale aboutit principalement à enrichir les actionnaires et à conforter les revenus des détenteurs d’obligations. Alors même que la richesse mondiale est déjà concentrée entre un très petit nombre d’individus, la question de la répartition des bénéfices entre actionnaires et salariés deviendrait encore plus pressante.
Si à court terme cette stratégie de compétition fiscale entre les Etats devrait être favorablement accueillie par les marchés financiers, elle ne peut toutefois qu’accentuer les tensions géopolitiques déjà existantes et être la source de rétorsions de toutes sortes.