Perspectives 2018
Le contexte économique et financier favorable qui a prévalu en 2017 pourra-t-il perdurer en 2018 ? Quels sont les principaux changements ou risques qui pourraient a priori survenir, et comment éventuellement s’en prémunir ?
[En 5 points : Convictions 2018 de WeSave]
L’impulsion économique de 2017 devrait se poursuivre début 2018
L’économie mondiale devrait bénéficier durant le début d’année 2018 d’une inertie favorable. En effet, la croissance économique est encore en phase d’accélération légère et, surtout, cette croissance est bien synchronisée puisque très peu de pays sont laissés pour compte (actuellement 178 pays sont en expansion sur 192). Au-delà de cet aspect quantitatif, le qualitatif est également encourageant : la consommation est robuste et, désormais, même l’investissement reprend.
Dans plusieurs pays, la croissance effective dépasse dorénavant la croissance potentielle. Autrement dit, il devient nécessaire d’investir car les capacités de production sont déjà trop sollicitées. La pénurie de main d’œuvre qualifiée est parfois telle que les hausses de salaires n’y suffisent plus, des entreprises doivent même renoncer à certains projets d’investissements ! Les budgets des états sont moins sollicités, notamment parce que le chômage régresse, et le rapport dette/ PIB se replie dans plusieurs pays, bien que ce soit hélas plutôt par l’effet de l’accélération du PIB que par la maîtrise de la dette ! Par ailleurs, les prix des matières premières ne sont aujourd’hui plus un handicap ni pour les producteurs, ni pour les consommateurs, contrairement aux violents à-coups des dernières années. En fin de compte, la croissance mondiale est donc assez vigoureuse et auto-entretenue, incitant les organismes de prévisions économiques à plutôt réviser encore en hausse leurs anticipations pour 2018.
Un possible tassement économique en fin d’année 2018 ?
Au-delà du début d’année qui devrait être bien engagé, un palier, voire un tassement de la croissance mondiale, est-il possible fin 2018 ? Si une faiblesse devait avoir lieu, elle proviendrait plus probablement des États-Unis (24% du PIB mondial) ou de la Chine (15% du PIB mondial). L’exceptionnelle longévité de l’actuel cycle économique américain, qui a démarré en juillet 2009 (soit déjà 34 trimestres d’expansion économique consécutifs !), laisse logiquement augurer d’un possible essoufflement. Les allègements fiscaux voulus par l’Administration Trump et âprement discutés par le Congrès américain, notamment l’abaissement de la fiscalité sur les entreprises de 35% à 20%, pourront retarder l’expiration de ce cycle, mais son terme approche nécessairement. Pour ce qui est de la Chine, Xi Jinping vient d’être reconduit dans ses fonctions avec un cercle restreint de fidèles pour le seconder. Les nécessaires réformes structurelles que le pays se doit d’engager (cf. surendettement, « shadow banking », bulle immobilière, surcapacités industrielles, pollution,…) peuvent donc désormais être mises en œuvre, à condition que les dirigeants du pays s’y résolvent. Ce mouvement de réformes pénaliserait nécessairement la croissance nationale, mais serait d’autant plus facile à décider que la croissance mondiale est actuellement forte. Par ailleurs, afin d’embellir l’image du pays avant le 19e Congrès du Parti Communiste, la croissance chinoise a été artificiellement dopée en 2016 et en 2017 par des investissements souvent superflus … l’effet de base sera d’autant plus exigeant pour 2018 ! Quand bien même la Chine ou les États-Unis ralentiraient en 2018 et que leur croissance pourrait en fin de compte décevoir, une récession semble très peu probable à ce stade. L’économie ne devrait a priori pas être une source de stress significative pour les investisseurs l’an prochain.
Si le contexte économique semble favorable, en sera-t-il de même du financement des économies ?
Pour les investisseurs, le principal bouleversement de l’année 2018 devrait provenir des conditions de financement de l’économie. Après plusieurs années d’abondance financière exceptionnelle, les agents économiques devront être plus vigilants quant à leur capacité à rembourser leurs emprunts car les banques centrales seront désormais moins prodigues. La banque centrale américaine (FED) a déjà relevé par 3 fois de 25 points de base ses taux d’intérêts en 2017 et elle devrait le faire une dernière fois en décembre pour atteindre les 1.25%. En 2018, elle s’apprête à relever encore 2 à 3 fois ses taux directeurs. De plus, elle diminuera son bilan de 300 Mds $*, ceci avant d’atteindre un rythme normatif de retraits de 600 Mds $ par an dès 2019. Pour sa part, la banque centrale européenne (BCE) achètera encore 30 Mds € d’obligations tous les mois jusqu’en septembre 2018 (contre 60 Mds € mensuels actuellement) mais, sauf accident imprévu sur le cycle économique ou bien si une crise politique majeure survenait dans la zone, ce devrait être l’apogée de son « quantitative easing » (politique monétaire non conventionnelle consistant pour une banque centrale à acheter massivement des titres de dettes). Dernière inflexion monétaire importante : les Banques centrales des pays émergents pourraient être elles aussi moins accommodantes. Depuis plusieurs années, le recul de l’inflation justifiait qu’elles abaissent les taux d’intérêts nationaux. Mais, en 2018, les pays émergents devraient voir leur inflation remonter à nouveau : pour les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), le consensus attend 2.8% en 2018 contre 2.1% en 2017. La synchronisation du cycle économique a aussi son revers : le risque d’inflation. Tous les pays sollicitant simultanément les fournisseurs, les flux se tendent et les capacités de production sont vite absorbées. Les prix des matières premières (pétrole et métaux industriels en particulier) pourraient donc monter, d’autant que, durant les dernières années, beaucoup d’unités de production ou de transformation ont été fermées, et que d’importants investissements de remplacement de capacités ont été ajournés ou annulés. Le recul du chômage devrait par ailleurs justifier que les salaires soient plutôt revalorisés. Si les banques centrales sous-estimaient le risque d’inflation l’an prochain, elles seraient contraintes de durcir plus vite et plus fortement que prévu leurs politiques monétaires. Si tel était le cas, les investisseurs devraient ajuster très significativement leurs allocations d’actifs. Au-delà d’une moindre abondance financière prévisible, tout signe d’accélération d’inflation sera particulièrement scruté en 2018 !
Quelle allocation d’actifs faut-il privilégier début 2018 ?
La dette mondiale ayant fortement augmenté depuis 2007 (226 000 Mds $ aujourd’hui selon l’Institute of International Finance, soit 324% du PIB mondial !), nos économies sont très dépendantes du niveau des taux d’intérêts. Les agents économiques ayant emprunté à taux variable, ou bien encore ceux qui sont régulièrement contraints de contracter de nouveaux emprunts (refinancements,…), seront les plus sensibles aux évolutions à venir des taux d’intérêts. Sachant cela, même si les politiques monétaires des Banques centrales seront graduellement durcies, ces dernières resteront très attentives à l’évolution des marchés financiers afin de ne pas être tenues pour responsables du déclenchement d’une nouvelle crise financière majeure. Par ailleurs, les Banques centrales adaptent leurs politiques monétaires au gré des chocs politiques (cf. élections en Italie, Brexit, Corée du Nord, Moyen-Orient,…).
De ce fait, si un krach obligataire semble peu probable, une plus forte volatilité de l’ensemble des actifs financiers est à craindre désormais. Dans le contexte d’une allocation d’actifs diversifiés, et si l’hypothèse d’une accélération de l’inflation était avérée, les obligations devraient être plutôt sous-pondérées et il conviendrait de privilégier les obligations indexées sur l’inflation et de s’exposer aux matières premières et à l’or. Début 2018, les investisseurs bénéficieront d’une conjonction encore favorable : une économie mondiale porteuse et des liquidités encore fortes et peu coûteuses. À ce stade du cycle économique, s’il est logique que les valorisations des entreprises soient moins attrayantes qu’auparavant, tant que la dynamique des bénéfices sera au rendez-vous et que les taux d’intérêts resteront modérés, les investisseurs seront incités à surpondérer les actions et les obligations d’entreprises. En début d’année, les thématiques cycliques (énergie, matières premières, industrielles,…) devraient plus particulièrement séduire les investisseurs. Enfin, l’allocation géographique des actions devra aussi être soupesée à l’aune des biais sectoriels des grands indices. Ainsi, par exemple, celui qui mise sur les émergents au travers de l’indice MSCI émergents doit accepter que 25.51% de ses investissements soient consacrés à des entreprises chinoises, mais il doit aussi avoir conscience du biais « technologique » (28.01%) de ce choix. En effet, en 2017, une part très importante de la performance du MSCI émergents s’explique en réalité par la contribution des sociétés technologiques de cet indice. Ceux que la valorisation du Nasdaq effraie et qui lui préfèrent les émergents devraient y songer !
Évolution de la dette mondiale (tous secteurs) entre 1996 et 2016