Date de publication : 8 janvier 2018

Très (trop ?) bonne année 2018 !

Pour 2018, l’une des craintes de certains investisseurs est notamment celle d’un possible essoufflement de la croissance économique mondiale. Mais c’est peut-être tout le contraire qui se prépare, car la croissance pourrait être plus forte qu’attendu ! Si tel était le cas, les allocations d’actifs actuellement en vigueur pourraient ne plus être adaptées à un tel environnement, ce qui impliquerait d’importants mouvements de capitaux avec des effets significatifs sur les valorisations des actifs financiers.

Pourquoi la croissance économique pourrait-elle surprendre favorablement ?

La croissance économique mondiale est actuellement particulièrement bien synchronisée puisque 178 pays sont en expansion sur 192. Les principaux indicateurs économiques sont favorablement orientés, et cela presque partout dans le monde. Dès lors, même si certains pays devaient ralentir ou subir un choc imprévu, la croissance des autres zones resterait suffisamment soutenue pour éviter un fort ralentissement collectif.
Cette synchronisation de la croissance est particulièrement favorable pour le moral des agents économiques. Les dirigeants d’entreprises y voient des perspectives de chiffres d’affaires et de bénéfices futurs incitant à investir et à embaucher. Les ménages craignent moins le chômage et consomment donc plus. Enfin, les états collectent plus confortablement la fiscalité, tant sur les entreprises que sur les ménages. Un cercle vertueux auto-entretenu est enclenché, que seul un choc majeur pourrait interrompre à court terme.
Aux États-Unis, l’Administration Trump vient d’arracher au Congrès américain un vaste plan d’allègement fiscal estimé à 1450 Mds $ sur 10 ans. Cette réforme comprendra notamment une diminution de 35% à 22% de l’impôt sur les sociétés. Pour de nombreuses entreprises américaines, les investissements seront donc désormais plus rentables et cela bien plus vite qu’auparavant, ce qui devrait stimuler l’investissement et les embauches domestiques. De plus, selon les estimations du Congrès, les ménages devraient en moyenne voir leurs impôts fédéraux baisser de 8%, ce qui devrait doper leur consommation, sachant que ⅔ du PIB des États-Unis reposent traditionnellement sur la consommation. Les États-Unis représentant encore ¼ du PIB mondial, la croissance mondiale bénéficiera donc d’un « coussin » significatif en 2018.
Cette compétitivité restaurée des entreprises américaines via la réduction de la fiscalité ne pourra être longtemps ignorée par les autres zones, sous peine d’un déclassement durable. Il est donc probable que cette initiative fiscale américaine inspirera les autres pays dans le monde qui devraient à leur tour envisager d’alléger leur fiscalité, notamment celle appliquée aux entreprises. Les états étant très endettés, ils devront certainement redéfinir leurs priorités budgétaires (éducation, défense, police, justice,…) et rétrocéder quelques missions au secteur privé. Ce dernier pourrait alors bénéficier de nouvelles opportunités d’investissements à saisir, d’autant que la fiscalité appliquée serait allégée !

La contrepartie de cette dynamique mondiale pourrait être le retour de l’inflation !

La forte synchronisation de la croissance mondiale a un revers : elle sollicite fortement les outils de production internationaux, alors qu’ils sont proches de la saturation. La crise économique ayant en effet encouragé les entreprises à calibrer au plus juste leurs capacités afin d’éviter tout gaspillage, le fonctionnement en flux tendus est devenu la norme. Beaucoup de capacités de production ont été condamnées ou bien n’ont simplement pas été reconstituées lorsqu’elles sont devenues obsolètes. Mais l’actuelle synchronisation de la croissance mondiale sollicite à plein les capacités disponibles et, pour être servi en priorité, il faut désormais souvent consentir à des hausses de tarifs.

L’un des secteurs d’activité où les capacités semblent se tendre à nouveau est celui des matières premières. En effet, pour mettre en œuvre l’extraction, le raffinage, le stockage et le transport des matières premières, il faut engager de très importants investissements pluriannuels. L’effondrement du prix des matières premières avait contraint de nombreuses entreprises et états à sacrifier de multiples sites afin d’atténuer la baisse des prix. Désormais, du fait des délais que la reconstitution de ces capacités nécessite, une remontée additionnelle des prix des matières premières semble probable. Par effet domino, cela devrait contribuer à faire remonter les prix de beaucoup de biens et de services, et donc l’inflation mondiale.

Évolution anticipée par le consensus des prix à la consommation des BRICS (en %)


Le poids des matières premières parmi les divers coûts de production est néanmoins aujourd’hui plus faible que par le passé, les salaires étant beaucoup plus déterminants. C’est donc la reprise des salaires qui importe surtout pour la pérennité de l’inflation. Au-delà de l’évidente pression exercée par le chômage, l’atonie des salaires durant les dernières années s’explique notamment par un effet démographique important : le départ en retraite de la génération des « baby-boomers ». Ce facteur a fortement affecté les grilles salariales, car c’était une tranche d’âge avec d’importants effectifs et dont les salaires étaient élevés. Graduellement, cet effet démographique va s’estomper et les hausses des salaires moyens vont reprendre. Par ailleurs, les salaires ayant fortement progressé dans les pays émergents durant les dernières années, ils exercent donc moins de pressions désinflationnistes (via les importations) pour le reste du monde. Enfin, beaucoup de recrutements échouent actuellement faute d’employés ayant les qualifications nécessaires et la compétition entre les entreprises pour s’attacher ces talents fait remonter les salaires.
La crise a aussi incité les ménages et les entreprises à employer des comparateurs de tarifs afin d’optimiser l’ensemble de leurs dépenses. Cette « ubérisation » de l’économie (modèles économiques « participatifs » ou « collaboratifs ») a asphyxié durant plusieurs années l’inflation mais, le temps passant, les réservoirs de baisses tarifaires additionnels s’amenuisent et l’inflation devrait donc remonter.

Évolution en % des prix de plusieurs matières premières en 2017 (base 100 = 30/12/16)

Quelles implications un contexte plus inflationniste aurait-il sur les actifs financiers ?

Le scénario sur l’évolution de l’inflation ces prochains mois reste déterminant dans les choix d’allocation d’actifs pour l’année prochaine.

  • Les obligations

La contrepartie de la bonne santé retrouvée de la croissance mondiale est que plusieurs banques centrales cherchent désormais à atténuer leurs soutiens monétaires. Mais l’endettement des états, des entreprises et des ménages ayant fortement augmenté depuis la crise des « subprimes » (selon la Banque des règlements internationaux, la dette cumulée est passée de 235% du PIB en 2006 à près de 275% en 2016), un retrait trop brutal des banques centrales pourrait fortement perturber les marchés financiers, notamment les obligations. De plus, la réforme fiscale américaine exigera du Trésor américain qu’il emprunte beaucoup plus, alors même que la FED réduit pour sa part ses interventions : le déséquilibre entre l’offre et la demande d’obligations américaines se détériore donc. Dès lors, toute remontée significative des anticipations d’inflation pourrait nécessiter un durcissement monétaire plus fort et/ou plus rapide que ce que les banquiers centraux envisagent actuellement. Dans une telle hypothèse, le risque de volatilité des obligations d’état est plus fort qu’auparavant et la faiblesse des rendements n’offre qu’une protection modérée à leurs porteurs. La solvabilité de beaucoup d’entreprises étant actuellement forte, notamment pour celles notées « Investment Grade », il semble préférable de privilégier ces dernières dans les allocations obligataires. Enfin, les obligations indexées sur l’inflation semblent pouvoir réserver encore un attrait important pour leurs porteurs.

  • Les actions

L’exposition aux actions sera cette année encore débattue entre les optimistes et ceux qui jugent leurs valorisations trop élevées. Toute remontée significative du rendement des obligations dégraderait l’attrait relatif des actions et pénaliserait leurs valorisations (méthodes d’actualisation des flux futurs). Une remontée de l’inflation aurait des effets incertains sur les entreprises, tout dépendant de leur capacité à répercuter les hausses de coûts sur leurs prix finaux (« pricing power »). Les observations récentes montrent en effet qu’il est d’autant plus difficile de répercuter les coûts que l’on est proche du consommateur final. Les divers investissements que les entreprises devraient consentir pourraient donc éroder temporairement leur rentabilité. Mais si les perspectives de croissance restent solides à terme, ce ne serait alors qu’un sacrifice temporaire … il faut semer aujourd’hui pour récolter demain ! La baisse de l’impôt sur les sociétés pourrait par ailleurs abaisser ce « coût » temporaire. Enfin, pour gagner du temps, certains dirigeants pourraient céder à la tentation de racheter une entreprise concurrente, d’autant que la faiblesse persistante des taux d’intérêts en allège le financement. Ce type d’opération faisant généralement monter les cours de bourse (prime d’acquisition à payer), les marchés d’actions semblent bénéficier encore de soutiens importants pour l’an prochain. La volatilité devrait en revanche s’intensifier, ce qui incite à privilégier plutôt les sociétés ou les indices boursiers offrant la meilleure liquidité en bourse.

  • L’Euro-Dollar

L’évolution des devises sera très importante pour les investisseurs, car c’est un important canal de transmission de l’inflation via le commerce extérieur. La croissance américaine étant confortée par la relance fiscale qui vient d’être votée, le Dollar devrait y trouver un certain soutien à court terme, ce que la moindre intervention de la FED devrait par ailleurs accentuer. En revanche, à long terme, les nouveaux besoins de financement de l’État américain et le risque de dégradation additionnelle de la balance commerciale américaine pourraient peser sur le billet vert. Pour ce qui est de l’Euro, les excédents commerciaux de la zone (grâce à la contribution majeure de l’Allemagne) militent pour une force durable sur le long terme, sauf à ce que le risque d’implosion de la zone ne ressurgisse. Par contre, à court terme, les incertitudes politiques pourraient plutôt peser sur l’Euro : Catalogne, absence de coalition en Allemagne, élections à venir en Italie, etc. À court terme, le Dollar devrait plutôt bien se tenir face à l’Euro mais, sur le long terme, le Dollar devrait plutôt s’affaiblir encore.

  • Les matières premières

Sauf à ce que la Chine décide de mettre brusquement en œuvre d’importantes réformes structurelles qui affecteraient sa croissance économique, les prix des matières premières devraient poursuivre leur remontée graduelle. En dépit d’une possible bonne tenue du Dollar à court terme, l’or devrait conserver son statut spécifique d’actif « refuge » dans les allocations financières, tant du fait des incertitudes croissantes pesant sur les obligations que si l’hypothèse d’une remontée des anticipations d’inflation se confirmait.
Si, pour l’investisseur dynamique, de nombreuses opportunités se présenteront certainement l’an prochain, la discipline financière et la vigilance s’imposeront à tout épargnant car la volatilité provoquera des stress récurrents qu’il faudra savoir gérer. Toutes les équipes de WeSave resteront à votre disposition pour vous accompagner au mieux dans vos projets.

Bonne et heureuse année 2018 !

 

L’éclairage du gérant – Perspectives économiques 2018

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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