Date de publication : 1 mai 2017

Des promesses, toujours des promesses…

L’élection présidentielle française a suscité un intérêt international particulièrement fort puisque, après “Brexit”, l’un des maillons les plus importants de l’Union Européenne (U.E.) pourrait voir sa destinée et celle de l’Europe basculer dans l’inconnu. Les investisseurs ayant horreur de l’incertitude, tout signal de pérennité quant à la destinée de la zone ne pouvait qu’être favorablement accueilli.
Variations boursières (en %) le 24 avril 2017
Sources : Bloomberg, WeSave
La réaction des diverses classes d’actifs suite à l’annonce de l’identité des deux candidats finalement qualifiés au 2nd tour de l’élection présidentielle n’est pas nécessairement une manifestation d’adhésion, mais plus probablement une réaction de soulagement. Les investisseurs craignaient en effet une éventuelle confrontation entre deux candidats hostiles à l’U.E.: M.Le Pen face à J-L Mélenchon. Mais les réactions des investisseurs restent toutefois imprévisibles lorsqu’il s’agit des élections en France, ainsi que le démontre le tableau ci-joint.
Sources : Bloomberg, WeSave
E.Macron étant arrivé en tête au premier tour, et les pronostics de reports de voix jouant en sa faveur, les investisseurs internationaux espèrent qu’un profil « réformateur, pro-Europe » l’emportera finalement. Il convient toutefois d’analyser les éventuelles conséquences de l’élection de l’un ou l’autre des deux finalistes, eu égard à l’état inquiétant des fondamentaux de la France et à l’urgence d’entreprendre des réformes structurelles.
Sources : Eurostat, WeSave

Après le “Brexit”, le “Frexit” ?

L’U.E., tu l’aimes ou tu la quittes !

Le programme économique de M.Le Pen repose sur la volonté de remettre en cause radicalement les relations entre la France et le reste du monde, et notamment avec l’U.E. Celle-ci est en effet considérée comme étant l’entité privant la France de sa souveraineté puisqu’en fin de compte les lois européennes l’emportent sur celles du territoire national. Alors même que l’U.E. est déjà fragilisée par le “Brexit”, si la France devait à son tour la quitter, il serait très difficile voire impossible de trouver un contrepoids viable face à l’Allemagne au vu de l’actuelle santé économique de l’Espagne et de l’Italie.
Pour les investisseurs internationaux, c’est donc une incertitude majeure que poserait l’élection de M.Le Pen, ce qui se traduirait alors par une très forte volatilité des actifs financiers de la zone. Le secteur bancaire concentrerait logiquement une grande part des inquiétudes des investisseurs, et les actuels efforts de recapitalisation de certains établissements (cf. Italie, Allemagne) seraient gravement remis en cause. La Banque Centrale Européenne (BCE) ne manquerait pas d’intervenir massivement pour atténuer ces probables chocs financiers, mais une prime de risque serait probablement durablement appliquée aux actifs de la zone.

Quitter l’U.E. ne signifie pas nécessairement renoncer à l’Euro.

M.Le Pen envisage de soumettre à référendum le fait de renoncer à l’Euro au profit d’un retour au Franc. Mais les français semblent majoritairement hostiles (autour de 70%) à une telle décision. Un système de double monnaie en circulation pourrait alors être mis en place. Une telle mesure permettrait notamment à la France de rembourser ses créanciers en Francs et non plus en Euros pour les obligations souveraines émises jusqu’à présent. Si la charge de la dette française resterait maîtrisée à cette occasion, les créanciers du pays seraient en revanche certainement réticents à accorder de nouveau prêts à la France. Afin d’accéder encore aux capitaux internationaux, des taux d’intérêts bien plus élevés qu’actuellement devraient donc être concédés, déstabilisant les finances publiques et affectant par effet domino les autres agents économiques (entreprises et ménages). Sauf à soumettre les ménages et/ou entreprises à une forte hausse de leurs impôts pour assurer le remboursement des dettes du pays, faudrait-il alors envisager de répudier la dette contractée ?

En Marche … ou crève ?

L’U.E oui, mais à la sauce française !

Le programme d’E.Macron repose sur une plus grande intégration de la France à l’U.E., et cela notamment au travers d’un rapprochement plus étroit avec l’Allemagne. Le pacte de stabilité européen, notamment le respect d’un déficit inférieur à 3% du PIB, s’imposerait aux administrations françaises durant son quinquennat. En revanche, l’objectif d’un endettement maximal de 60% (proche de 100% aujourd’hui) serait renégocié, ce qui ne devrait pas poser de difficultés significatives. Le “Brexit” serait plutôt envisagé comme une opportunité pour conforter encore plus le noyau dur européen autour du couple franco-allemand. Le programme d’E.Macron éviterait toute rupture d’ampleur, les investisseurs devraient continuer d’accorder des conditions financières “préférentielles” (cf. faiblesse des taux souverains français au regard d’une dette/PIB proche des 100%) et donner du temps supplémentaire au pays pour essayer de mener à bien les réformes structurelles nécessaires.

Ma petite entreprise … ne connaît pas la crise.

Conformément à ce qu’il avait déjà entrepris en tant que Ministre de l’Economie et de l’Industrie, E.Macron concentrerait les réformes du pays autour des entreprises. Les effectifs de la fonction publique seraient réduits de 120 000 emplois et l’accent serait mis sur la sphère privée, notamment sur les startup. Afin de régénérer certaines filières industrielles aujourd’hui en perdition, ou bien pour accompagner le développement des nouvelles technologies, les filières d’apprentissage seraient favorisées. Une baisse de la fiscalité serait par ailleurs appliquée, mais c’est surtout un effort d’harmonisation européen qui serait visé afin de limiter la concurrence fiscale intra-zone. La question du financement de ces mesures de soutien aux entreprises pose en revanche problème car cela semble incompatible avec l’ambition affichée de baisser simultanément les impôts des ménages.

La présidentielle n’est que la première étape…

Que M.Le Pen ou bien E.Macron soit finalement élu, tous deux devront en passer par les élections législatives (11 et 18 juin) qui seront essentielles afin de déterminer l’appui parlementaire sur lequel compter pour mettre en œuvre les réformes envisagées. Faute de majorité absolue au Parlement, un gouvernement de coalition pourrait s’imposer pour l’un ou l’autre des deux candidats, ce qui impliquerait de faire des concessions politiques aux partis qui vous rejoignent et donc de s’éloigner des promesses de campagne. Une majorité absolue de parlementaires opposés au nouveau Président créerait une nouvelle fois une situation de cohabitation. La France doit se transformer car elle se laisse de plus en plus fréquemment distancer par les autres pays de l’U.E. et est même désormais souvent sous la moyenne pour de nombreux critères quantitatifs ou qualitatifs importants. La procrastination ne doit plus l’emporter sur l’action et une vision de long terme parvenant à fédérer le peuple doit désormais s’imposer.
Sources : Institut Montaigne, WeSave

Quelques conséquences boursières de l’hypothèse centrale, c’est-à-dire l’élection d’E.Macron :

  • La décote française et européenne va s’estomper, les flux financiers internationaux vont revenir plus fortement sur la zone.
  • La BCE pourra plus facilement envisager de rendre moins accommodante sa politique monétaire, ce qui devrait soutenir l’Euro.
  • Les allocations d’actifs et les choix d’investissements sectoriels refléteront mieux les dynamiques et fondamentaux de la zone.
  • La prime relative accordée à l’Allemagne sur les marchés obligataires devrait s’estomper, ce qui pourrait profiter à certains pays périphériques (i.e. Italie, Espagne,…)

Les ajustements de nos allocations après notre de “wait & see” :

  • Re-pondération additionnelle sur les actions la zone Euro car, au-delà d’un moindre risque politique, la maîtrise de leurs coûts par les entreprises et des taux d’intérêts très bas compensent une croissance modeste mais auto-entretenue.
  • Privilégier d’abord les grandes capitalisations qui vont en premier lieu bénéficier du retour des investisseurs internationaux, et profitent par surcroit de l’actuelle synchronisation de la croissance économique mondiale.
  • Privilégier les dettes souveraines de courtes durations pour éviter l’impact de l’éventuelle inflexion de discours de la BCE quant à sa politique monétaire accommodante.

L’éclairage du gérant – L’élection présidentielle des promesses…

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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