Les opérations de rachat de leurs propres actions par les entreprises américaines sont au plus bas depuis 4 ans.
Alors qu’en 2015 elles achetaient en moyenne quotidiennement pour 2.26Mds$ de leurs propres actions, le rythme a chuté de -20% à 1.8Mds$ en 2016. Faut-il en conclure que les actions américaines sont trop chères ou bien manquent de perspectives favorables pour que même les «initiés» que sont leurs dirigeants semblent désormais sceptiques?
Afin d’en juger, il convient de comprendre ce qui peut motiver un rachat d’actions.
- C’est un «signal» de sous-évaluation du titre délibérément adressé aux investisseurs.
- Par son effet nécessairement favorable sur le bénéfice par actions de la société (moins d’actions en circulation), le rachat d’actions améliore certains ratios boursiers.
- C’est un procédé fiscalement moins onéreux que les dividendes afin de restituer aux actionnaires une partie de la trésorerie accumulée par la société, d’autant que cette trésorerie n’est désormais plus rémunérée (cf. taux d’intérêts négatifs).
- Par ce biais, l’entreprise rend aux actionnaires les fonds excédentaires qui ne trouvent pas à s’investir du fait d’une rentabilité insuffisante.
- Cela permet de constituer un «trésor de guerre» (titres en autocontrôle) afin de faciliter l’acquisition future d’une entreprise concurrente qui serait partiellement payée en titres, ou bien encore afin d’être moins vulnérable aux tentatives de rachat par des compétiteurs.
- Il offre aux fondateurs de la société la liquidité financière afin de matérialiser une partie de leur patrimoine professionnel, sans pour autant mettre en péril la destinée de l’entreprise.
- Il réconcilie l’intérêt des actionnaires de l’entreprise et celui des dirigeants (cf. rémunération en actions) en soutenant les cours de bourse.
Au vu des arguments qui précèdent, il semble légitime de s’inquiéter du tassement des plans de rachats d’actions, d’autant que l’analyse du graphique ci-dessous démontre que durant les dernières années, les fortes impulsions haussières ou baissières des actions américaines ont été étroitement liées à l’intensité des plans de rachat d’actions.

Toutefois, au-delà de la trésorerie disponible de la société, c’est avant tout par l’endettement que ces plans de rachat d’actions ont pu être aussi significatifs.
En effet, tant que la croissance de l’entreprise est nettement plus forte que le coût de l’emprunt, il est opportun de s’endetter afin de racheter les actions de la société. Durant les dernières années, les directeurs financiers des entreprises ont ainsi bénéficié d’un contexte financier exceptionnel afin de mettre en œuvre ce type de stratégie puisque les politiques monétaires ultra-accommodantes des banques centrales ont comprimé à l’extrême les taux d’intérêts.
Si la croissance modérée dont bénéficient aujourd’hui les entreprises américaines semble pérenne, il n’en va en revanche pas de même du coût de l’emprunt. En effet, depuis le mois de décembre 2015, la banque centrale américaine (FED) a procédé à un premier rehaussement de ses taux directeurs et elle devrait répéter cette démarche fin 2016 ou début 2017. Ce n’est donc pas une simple coïncidence si le rythme des rachats d’actions a diminué depuis le début de l’année 2016, mais ce n’est que la conséquence d’un contexte «financier» légèrement moins favorable à la constitution d’effets de leviers.
Par ailleurs, une lecture optimiste consisterait à y voir même l’amorce d’un nouveau cycle économique. En effet, les salaires bénéficient d’une dynamique plus favorable aux États-Unis, ce qui laisse présager d’une consommation des ménages plus soutenue. Parce que celle-ci représente près des 2/3 du PIB américain, les dirigeants d’entreprises préfèrent peut-être de nouveau allouer des capitaux à l’investissement plutôt qu’à «stériliser» une partie du capital de leur société. Il conviendra de surveiller le comportement à venir de l’investissement aux USA afin de conforter ou d’invalider cette hypothèse.
Au vu des records historiques qu’enchaînent les marchés d’actions américains, les investisseurs accordent indiscutablement leur confiance aux entreprises de la zone, tant en absolu qu’en relatif, et le scénario optimiste semble toujours privilégié pour les mois à venir.