Les États-Unis vont-ils dans le mur (de la dette) ?
Une simple formalité ? Dans des circonstances traditionnelles, un Président Républicain qui bénéficierait d’une Chambre des Représentants et d’un Sénat tous deux aussi Républicains ne devrait éprouver aucune difficulté à obtenir le relèvement du plafond de la dette fédérale et à faire adopter le budget du prochain exercice fiscal. L’actuel chaos entourant l’Administration Trump fait pourtant craindre une éventuelle issue défavorable à ce qui devrait être une simple formalité !
Autorisation légale d’endettement accordée par le Congrès américain (Mds $)
Sources : Bloomberg, WeSave
L’administration fédérale peut-elle devoir baisser le rideau ?
Par le passé, les États-Unis ont déjà été confrontés à 18 reprises à un « shutdown », le dernier ayant été enduré par Barack Obama durant son second mandat. En 2013, plus de 800 000 fonctionnaires sur 2 000 000 avaient été mis en congé sans solde, certaines administrations ayant même été contraintes d’opérer avec seulement 5% de leurs effectifs. Les autorisations administratives n’étant plus accordées faute de fonctionnaires, bien des entreprises du secteur privé avaient dû à leur tour suspendre leurs activités par effet domino. La consommation et l’investissement avaient été brutalement amputés. Justice, hôpitaux, immobilier, tourisme,…, tous les secteurs furent affectés. Le risque de défaut de paiement du pays fut si pressant que les agences de notation menacèrent d’abaisser une nouvelle fois la note des États-Unis, sachant que c’est déjà un « shutdown » qui leur avait fait perdre leur AAA en 2011 ! Le PIB américain fut approximativement amputé de 0.6% pour seulement 16 jours de blocage.
D.Trump peut-il être confronté à un « shutdown » ?
Les choix politiques controversés et l’accumulation de fautes de communication ont atteint un tel paroxysme en cette fin d’été que certains observateurs s’inquiètent désormais d’une possible paralysie législative cet automne dont les conséquences seraient très fâcheuses pour l’économie américaine. Deux Conseils économiques du gouvernement ont dû être dissouts dans l’urgence suite aux démissions groupées de leurs représentants patronaux, et Steve Bannon, le sulfureux conseiller en stratégie du Président, a dû être licencié précipitamment tant l’affaire de Charlottesville a choqué, y compris dans le camp Républicain. Les relations sont désormais si tendues entre les membres du Congrès et le Président, que soutenir sa politique peut même relever du cas de conscience pour certains parlementaires de sa propre majorité. Les tentatives jusqu’à présent infructueuses pour réformer l’Obamacare montrent que le Congrès n’est pas prêt à se soumettre aux desiderata du Président et que la « discipline » politique n’est pas acquise parmi les Républicains.
Quelles conséquences possibles pour les marchés financiers ?
Bien entendu, les marchés d’actions américains seraient sanctionnés par une telle éventualité, et il douteux que d’autres zones internationales en profitent par effet de réallocation. Plus probablement l’ensemble des marchés d’actions internationaux se replieraient, car c’est la pérennité de la croissance américaine qui serait alors en jeu et, par effet de contagion, celle du reste du monde. Le refuge obligataire ne serait pas nécessairement très opérant dans un premier temps, puisque le doute grandirait quant à la solvabilité des États et à celle de nombreuses entreprises si la croissance mondiale venait à caler. Le Dollar ferait l’objet de dégagements additionnels, ce qui aurait pour conséquence de dégrader la compétitivité des pays bénéficiant de ces reports de flux de devises, d’où une contagion économique et financière pouvant être assez rapide. Les matières premières industrielles et énergétiques verraient pour leur part leurs dynamiques de prix affectées par le reflux de la demande. Seul l’or pourrait éventuellement jouer son rôle habituel d’actif refuge. Les banques centrales seraient à nouveau sollicitées en urgence, les États étant pour la plupart bien trop endettés pour disposer de marges de manœuvres budgétaires et fiscales contra-cycliques.
Est-il possible de sortir d’une telle impasse ?
Il est tout d’abord indispensable de rétablir une communication plus « cordiale » entre l’Administration Trump et le Congrès. Mais la confiance ne se réclame pas, elle se mérite ! Ainsi, le renvoi de S.Bannon était une condition nécessaire mais pas forcément suffisante, les problèmes venant souvent d’interventions ou de tweets inappropriés de D.Trump lui-même. La reprise en main de la Maison Blanche par John Kelly, général à la retraite apprécié du Parti Républicain, pourrait toutefois contribuer à fluidifier les relations avec le Congrès. Mais le temps pourrait jouer aussi en faveur du Président qui pourrait reprocher aux membres du Congrès de l’avoir trahi et d’être les responsables de l’inaction du gouvernement. Les parlementaires vont en effet devoir se présenter devant leurs électeurs en 2018 pour les élections de mi-mandat et ils n’auraient aucune avancée législative significative à porter à leur crédit. Il y a donc un intérêt convergent entre le Congrès et le Président pour que certaines lois majeures soient votées. Au-delà du budget et du plafond de la dette fédérale, une recherche de consensus, au moins a minima, quant à un allègement de la fiscalité pourrait être explorée par les deux parties.
Une grande vigilance est donc nécessaire durant les prochaines semaines, le facteur «politique» pouvant occulter l’actuelle dynamique économique favorable, la croissance mondiale étant bien synchronisée. Il est à espérer que le pragmatisme légendaire des américains, notamment lorsqu’il s’agit de « business », puisse permettre d’effacer cette source d’anxiété.