Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel ?
La hausse a été trop forte et trop rapide ! Pas un jour ne passe sans que certains observateurs ou investisseurs ne s’alarment des excès actuels des marchés d’actions. En effet, comment admettre de payer aujourd’hui pour les actions américaines près de 18 années de bénéfices futurs, contre une moyenne historique autour de 15 années, soit une prime de 20% ? Plus encore que des motivations conjoncturelles, c’est l’évolution de la structure des marchés qui le justifie désormais.
Pourquoi rester structurellement acheteur des actions ?
Comme tout autre marché, le marché des actions est une confrontation organisée entre des acheteurs et des vendeurs. Pour qu’il y ait transaction, il faut s’entendre sur un prix, mais aussi sur une quantité. C’est parce que ce second paramètre est trop souvent négligé que leur potentiel de hausse est sous-estimé !
La quantité d’actions en circulation est en effet un déterminant majeur de la valorisation puisque, comme le dit l’adage, « ce qui est rare est cher ». Les entreprises émettent des nouvelles actions lorsque l’emprunt ne suffit plus pour financer leurs projets d’investissements. Aujourd’hui, face à des taux d’intérêts historiquement bas, la nécessité de créer des actions est moindre. Par ailleurs, la croissance mondiale étant plus faible que par le passé et le nombre de projets d’investissements moins important, les entreprises ont donc moins besoin de lever des capitaux. Enfin, pour rémunérer leurs actionnaires, les dirigeants d’entreprises versent des dividendes, mais procèdent aussi à des rachats d’actions qui assèchent d’autant le nombre d’actions disponibles sur les marchés. Une certaine « pénurie » de titres en circulation devrait durablement entretenir la hausse des marchés d’actions.
La quantité d’actions en circulation est en effet un déterminant majeur de la valorisation puisque, comme le dit l’adage, « ce qui est rare est cher ».
Cette pression à la hausse des actions est exacerbée par le fait que, dans le même temps, les acheteurs sont plus nombreux qu’auparavant. Durant des années, les investisseurs ont bénéficié de taux d’intérêts élevés sur leurs obligations, avec très peu de risques en contrepartie. Mais, aujourd’hui, les taux d’intérêts sont très bas et cette classe d’actifs présente des risques significatifs (cf. Quelle attitude adopter face à des taux d’intérêts qui remontent…). Après les taux sans le risque, les investisseurs sont confrontés au risque sans les taux. Quitte à être exposés à des risques, autant aller sur les actions qui offrent des perspectives de gains potentiels plus forts. Pour illustrer ce phénomène, le fonds souverain norvégien, principal fonds de pension au monde, a décidé de porter à 70% (62.5% fin 2016) la part de son portefeuille allouée aux actions contre 40% en 2007. Ces rééquilibrages de portefeuilles affectent des masses de capitaux colossales, d’autant que les politiques monétaires menées par les banques centrales durant les dernières années ont accentué les excès d’épargne disponible.
Des dynamiques favorables de chiffres d’affaires, des bénéfices dopés, des trésoreries libérées pour procéder à des investissements ou encore à des versements de dividendes ou des rachats d’actions … tout milite pour l’achat d’actions américaines !
Que ce soit pour des raisons de stock (cf. nombre d’actions disponibles) ou bien pour des raisons de flux (excès d’épargne), la dynamique est donc actuellement structurellement favorable aux actions.
Pourquoi privilégier encore les actions américaines ?
Une fois admis le caractère partiellement « mécanique » de la hausse actuelle des actions, il convient alors de déterminer quelle(s) zone(s) privilégier. Bien qu’évoluant à un rythme encore modéré, le cycle économique mondial s’est resynchronisé. C’est pourquoi il est préférable de privilégier la zone bénéficiant du meilleur momentum d’ici 1 à 2 ans. Du fait de l’élection de D.Trump, les Etats-Unis semblent offrir les meilleures perspectives à cet horizon de temps.
La première dynamique majeure pour les EtatsUnis devrait avoir lieu dès 2017. Elle proviendra de l’importante remise à plat de la fiscalité sur les ménages et sur les entreprises. Les baisses d’impôts sur les ménages soutiendront la consommation nationale et alimenteront les chiffres d’affaires des entreprises locales. Pour ce qui est des entreprises, la baisse envisagée de 35% à 15% de l’impôt sur les sociétés dopera durablement leurs bénéfices. De plus, une fiscalité allégée pourrait faciliter le rapatriement d’une partie des trésoreries d’entreprises jusqu’à présent immobilisées à l’étranger. Des dynamiques favorables de chiffres d’affaires, des bénéfices dopés, des trésoreries libérées pour procéder à des investissements ou encore à des versements de dividendes ou des rachats d’actions … tout milite pour l’achat d’actions américaines ! Et si ce n’était pas suffisant, un plan de soutien majeur aux infrastructures est envisagé (1000Mds $), probablement pour 2018 et au-delà, ce qui devrait doper l’activité des entreprises locales et améliorer la compétitivité et l’attractivité du pays.
Face à ces tendances lourdes, 3 facteurs de freinage doivent être pris en considération : le Congrès, la FED, la politique commerciale.
Le Congrès : Confrontée à la probable hostilité des parlementaires américains à laisser filer les déficits budgétaires, l’Administration Trump pourra-telle convaincre le Congrès que la croissance à long terme envisagée permet de sacrifier temporairement le budget de l’Etat ?
La FED : La poursuite du relèvement des taux d’intérêts engagée par la FED risque-t-elle de conduire à une « asphyxie » due à la charge de la dette qui compromettrait ainsi les ambitions économiques de D.Trump ? Ce risque ne semble pas immédiat puisque, devant quitter ses fonctions en 2018, J.Yellen aura plutôt à cœur de préserver une dynamique économique favorable et de laisser cette mission délicate à son successeur. De plus, traumatisée par la crise des « subprimes », la FED préfèrera probablement être en retard plutôt que de faire un excès de zèle.
La politique commerciale : Bien que cohérente avec l’ambition de l’Administration Trump de donner la priorité aux entreprises américaines, l’éventuelle mise en place d’un fort protectionnisme serait en revanche contre-productive. En effet, cette mesure risquerait d’être très inflationniste (cf. coûts de main d’œuvre et difficile substituabilité des biens importés) et pourrait donc contraindre la FED à rehausser plus vite que prévu ses taux directeurs. Par ailleurs, le pays n’échapperait pas à des mesures de rétorsions. Mais une telle « guerre commerciale » pénalisant toutes les zones, pourquoi alors investir sur les émergents ou l’Europe ? Face au risque résultant d’une approche protectionniste, les actions américaines continueront en tout état de cause d’être attractives pour 3 raisons fondamentales : leur cherté toute relative eu égard au niveau des marges et au dynamisme de nombre de secteurs (cf. technologiques, bio-technologies,…), leur meilleure liquidité boursière, et la moindre volatilité des marchés boursiers américains.
En fin de compte, la forte valorisation des actions est un indicateur de risque qui doit inciter à la vigilance, mais pas nécessairement un catalyseur de baisse.
En conclusion…
Des corrections auront probablement lieu durant les prochains mois sur les marchés d’actions, mais les investisseurs y verront plutôt des opportunités à saisir pour réallouer leurs excès d’épargne. En dépit de possibles rattrapages ponctuels des émergents et de l’Europe, les actions américaines présentent des fondamentaux justifiant leur surpondération stratégique et tactique. En fin de compte, la forte valorisation des actions est un indicateur de risque qui doit inciter à la vigilance, mais pas nécessairement un catalyseur de baisse.