Date de publication : 17 février 2017

L’ex-casinotier D.Trump est bien déroutant ! La diplomatie américaine devrait-elle désormais se contenter de 140 caractères pour échanger avec le reste du monde ? La moindre contrariété du nouveau Président peut être sanctionnée par quelques qualificatifs assassins soigneusement choisis, rédigés en caractères majuscules. « You’re fired » n’est plus une simple accroche de télé-réalité, mais bien la menace pesant quotidiennement sur tout fonctionnaire récalcitrant. Dans ce contexte, comment est-il possible que le Dow Jones puisse afficher tous les jours de nouveaux records historiques ?

Les gardes « fous » sont nombreux et très puissants aux USA.

Les Etats-Unis sont un pays où la Constitution est le garant d’une séparation rigoureuse entre le pouvoir exécutif, le législatif et le judiciaire. C’est pourquoi, par exemple, le bras de fer engagé entre D.Trump et le juge fédéral J.Robart, qui avait suspendu son décret anti-immigration, a tourné en faveur de ce dernier. De même, bien que venant d’être nommé à la Cour Suprême par D.Trump lui-même, le magistrat N.Gorsuch a immédiatement pris ses distances avec le Président américain, en dénonçant ouvertement ses attaques contre le « pseudo-juge », qualifiées de « démoralisantes ».
Au-delà du glaive de la Justice, pour parvenir à mettre en œuvre tout ou partie de son programme électoral, D.Trump devra en outre trouver un modus vivendi avec la Chambre des Représentants et le Sénat. Bien que le Congrès soit désormais acquis aux Républicains, seules ces deux Chambres possèdent en effet la prérogative de l’initiative parlementaire, ce sont elles qui votent les lois, et elles enfin qui déterminent le budget fédéral. La loi fédérale ne peut de plus jamais être abrogée par un simple décret présidentiel (cf. Obamacare). La liberté d’action de D.Trump est donc placée sous l’étroite surveillance d’élus qui devront pour leur part rendre des comptes à leurs électeurs lors des prochaines élections de mi-mandat. D.Trump devra donc apprendre à composer avec les multiples contre-pouvoirs nationaux, sous peine de se voir même éventuellement un jour appliquer une procédure de destitution (« impeachment »).

Le pragmatisme l’emportera sur le dogmatisme.

Les USA feront payer plus cher à leurs partenaires leur « protectorat » (cf. OTAN), et les accès aux marchés américains seront encore plus filtrés qu’auparavant. Pour autant, « America First » ne signifie pas interrompre toute relation avec l’étranger … bien au contraire ! L’entourage de D.Trump est clairement « pro-business » et la nouvelle Administration américaine a parfaitement conscience des interdépendances économiques inextricables existant entre le pays et le reste du monde : l’isolationnisme n’est simplement pas possible ! Il s’agit donc, par l’intimidation ou en cherchant à isoler certains interlocuteurs (i.e. bilatéralisme privilégié), d’essayer de renégocier les conditions de l’échange de façon que les Etats-Unis en tirent un plus grand profit.
Parce que l’Union Européenne est actuellement fragilisée par le « Brexit », et que les diverses élections à venir sont autant d’occasions de dénigrer les effets de cette Union, D.Trump cherche à diviser la zone pour mieux conforter son influence. Seul un front uni, difficile à constituer alors même que l’idée d’une Europe à deux vitesses fait son chemin, permettrait à la zone de limiter l’ampleur des concessions acceptables. Bien que nommément visée par D.Trump, la Chine vient pour sa part de faire plier le nouveau locataire de la Maison Blanche quant à la reconnaissance de la « Chine unique ». Il est en effet impossible de traiter par le mépris le créancier possédant 20% (1185Mds $) de votre dette, et qui peut donc aisément asphyxier financièrement votre pays. D.Trump est un « deal-maker » … le « bluff » est l’une des nombreuses méthodes de négociations qu’il utilise, mais le but final reste de trouver un terrain d’entente et non pas de rompre les relations. L’isolationnisme et le protectionnisme sont donc des moyens de pression, plutôt qu’un dogme à mettre en œuvre coûte que coûte.

Le meilleur est à venir ?

Si les investisseurs du monde entier continuent d’accorder leur confiance aux actions américaines, c’est que la perspective d’une imminente baisse majeure de la fiscalité serait une rupture durablement favorable pour les comptes d’exploitations des sociétés du pays. Baisser les impôts sur les ménages, même si une minorité de privilégiés en était éventuellement la principale bénéficiaire, stimulerait indéniablement la consommation nationale et l’activité de nombreuses entreprises américaines. Mais le pays reste très dépendant du reste du monde pour de très nombreux pans de sa consommation. C’est pourquoi il est nécessaire de rendre dans le même temps les productions américaines attractives.
Pour ce faire, l’Administration Trump envisage d’abaisser drastiquement la fiscalité sur les entreprises du pays. Ce soudain regain de compétitivité permettra de contenir plus facilement les produits en provenance de pays dont la main d’œuvre est à bas coûts (cf. Mexique) ou bien dont la devise est jugée exagérément faible (cf. l’Euro). « America First » est en réalité le synonyme du retour à terme du « Made in America », et c’est ce projet de long terme qui justifie que les investisseurs tolèrent les outrances du nouveau Président. C’est donc à l’aune des prochaines annonces fiscales, et de la vitesse à laquelle elles seront mises en œuvre, que le programme économique de D.Trump sera jugé.

Le Diable est dans les détails…

Le plan économique de la nouvelle Administration nécessite toutefois une exécution parfaite durant les premières années, de façon à obtenir l’adhésion de l’ensemble de la population. Mais le mode de communication de D.Trump étant extrêmement clivant, l’émotion risque de l’emporter souvent sur la raison. Par ailleurs, parce que cette politique économique stimule à la fois la croissance et l’inflation aux USA, la banque centrale américaine (FED) pourrait être contrainte de relever plus vite et plus fortement ses taux directeurs. Le Dollar pourrait alors s’apprécier, et le coût de la dette américaine risquerait de s’envoler alors même que les baisses d’impôts envisagées creuseraient très sensiblement le déficit budgétaire national. La bienveillance budgétaire du Congrès américain, mais aussi la solidarité des créanciers nationaux et étrangers seront donc indispensables pour la bonne réalisation des plans de D.Trump.
Bien des tourments attendent donc probablement les marchés financiers durant les prochains mois, mais les investisseurs devraient tout d’abord continuer de saluer la perspective d’une forte réduction de la fiscalité et de l’exemple qu’elle pourrait susciter à travers le monde entier. Privilégier les actions sur les obligations, et notamment les actions américaines, semble donc toujours adapté dans le contexte actuel.

Les jeux sont faits… rien ne va plus ?

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

Category: Économie et marchés