Date de publication : 9 novembre 2016

Décryptage de l’élection et de son impact sur les marchés

Nous écrivions, le lundi 7 novembre, contrairement à une large majorité d’analystes financiers, que le risque D. Trump ne devait pas être pris à la légère. En concluant :

L’écart dans les sondages entre les 2 candidats reste étroit (46.4% pour H.Clinton contre 44.4% pour D.Trump au 7 novembre à 15h55), et cet écart ne couvre pas les erreurs statistiques habituelles pour tout sondage (2-3%), c’est pourquoi les investisseurs préféreront certainement attendre le résultat de l’élection afin de déterminer leurs allocations futures. 

Au-delà de l’émotion de court terme que ce vote peut susciter, il convient de prendre du recul face à cet évènement et de considérer dès aujourd’hui les conséquences à long terme et non pas simplement à court terme pour l’économie américaine et mondiale, et donc pour les diverses classes d’actifs financiers.
Cet exercice est particulièrement difficile compte tenu de l’incertitude politique qui accompagne cette élection. L’évaluation chiffrée des impacts économiques sur les différentes classes d’actifs seront plus précis lorsque D. Trump aura commencé à mettre en oeuvre sa politique et que les premiers votes du Congrès seront connus.
Une chose est sûre néanmoins, les Etats-Unis représentent 20% du PIB mondial et leurs décisions impactent le reste du monde.

Faisabilité des projets économiques de D. Trump

La Chambre des Représentants et le Sénat sont acquis aux Républicains, ceci facilite la mise en œuvre de la politique qui sera souhaitée par la Maison Blanche.
Bien qu’élu, D.Trump s’est toutefois aliéné durant sa campagne électorale beaucoup de ténors du parti Républicain, au risque de voir se créer un groupe de “frondeurs” parmi les Républicains: il faudra composer un gouvernement très politique pour bénéficier du soutien complet des Républicains au Congrès et cela d’autant plus que la majorité dans les deux Chambres est assez étroite.
L’entourage du Président reste déterminant quant à la politique qui sera menée, ce sera un facteur essentiel pour anticiper le programme que D.Trump pourrait réellement mettre en oeuvre.
La prise de fonctions de D.Trump se fera le 20 janvier 2017.

Les promesses de campagne et certaines limites potentielles

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En faveur des ménages et de leur pouvoir d’achat

Réduction envisagée de 7 à 3 des tranches d’impôts appliquées aux particuliers et, plus spécifiquement, abaissement des impôts affectant les riches de 39% à 33%. Ceci est favorable en priorité aux plus riches et aux classes moyennes. Cette mesure semble applicable, mais elle affecte les recettes budgétaires de l’Etat.
Lutte contre l’immigration clandestine afin de favoriser l’emploi américain, et donc les revenus et la consommation de la population nationale. Le Congrès sera favorable à la lutte contre l’immigration clandestine, mais pas forcément à un durcissement généralisé de l’immigration.

Pour les entreprises

Baisser l’impôt sur les entreprises de 35% à 15%. Cette décision serait favorable aux entreprises américaines et aux marchés d’actions US, mais pénaliserait les recettes budgétaires du pays.
Soutien à l’investissement via d’importantes dépenses budgétaires. En théorie, 5300Mds $ envisagés sur 10 ans, et donc une dette/PIB qui passerait de 77% actuellement à 105% en 2026 (Source : Committee for a Responsible Federal Budget). Les Républicains étant généralement hostiles aux dérapages budgétaires, il faudra batailler afin d’obtenir leur soutien parlementaire ou bien accepter un plan moins ambitieux, cette dernière solution semblant la plus probable.
Les secteurs des infrastructures (routier, ferroviaire, aérien, numérique,…) et de la Défense devraient bénéficier des premiers efforts budgétaires du gouvernement de D. Trump. Ces soutiens concernent des secteurs employant prioritairement une main d’oeuvre nationale, mais où les entreprises étrangères sont toutefois également significativement présentes. Des “filtres” nationalistes peuvent être appliqués lors des appels d’offres afin de privilégier les entreprises nationales.
Un assouplissement est envisagé quant aux normes écologiques, voire une remise en cause de la COP21. Cette décision serait négative pour les énergies nouvelles, mais favorable aux producteurs énergétiques traditionnels (pétrole, charbon, gaz) et aux services collectifs énergétiques.
L’éventuelle suppression de l’”Obamacare” soulagerait le secteur pharmaceutique qui pourra continuer d’imposer librement ses tarifs, mais nuirait à l’assurance santé qui verrait ses dépenses de remboursements médicaux monter.
La lutte contre l’immigration clandestine pourrait rehausser les coûts salariaux pour l’ensemble des entreprises utilisant de la main d’œuvre peu qualifiée (certaines faisant appel à des clandestins), d’où une possible remontée graduelle de l’inflation par les salaires. Si les entreprises américaines ne parviennent pas à répercuter ces hausses de salaires sur leurs prix finaux, leurs marges bénéficiaires pourraient alors se dégrader.

Les impacts sur les relations internationales

Un plus fort isolationnisme américain est envisagé. Les relations commerciales internationales pourraient être compliquées par plus de protectionnisme (cf. rejet envisagé de l’accord de libre-échange Trans-Pacific Partnership, critique du Free Trade Agreement). Le comportement des diverses classes d’actifs à moyen terme dépend de l’ampleur de cet éventuel protectionnisme et des rétorsions qui pourraient en découler. Le pragmatisme pro-business américain laisse toutefois plutôt penser que beaucoup de cas par cas sera fait.
Les Etats-Unis feront payer plus cher qu’aujourd’hui à leurs alliés tout soutien militaire international (cf. OTAN). Ceci est source d’économies budgétaires potentielles pour les Etats-Unis, mais pourrait dégrader significativement les relation bilatérales ou multilatérales.
Plus spécifiquement, des droits de douane de 45% pour la Chine et de 35% pour le Mexique ont été envisagés durant la campagne électorale de D.Trump … quelques annonces symboliques sont probables mais ceci relève plutôt de discours de campagne. Si tel n’était pas le cas, les effets sur les économies des pays émergents seraient trop lourd à supporter et les entraîneraient vraisemblablement en récession.
La lutte contre l’immigration clandestine devrait être l’une des priorités, notamment via la construction d’un mur avec le Mexique.
Les réactions internationales face à la politique menée par Trump et son gouvernement seront peu coordonnées, ce qui accentue les incertitudes à venir.

Les implications boursières 

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Aux Etats-Unis

L’incertitude reste forte quant à la politique économique qui pourra être mise en œuvre car D.Trump a été fluctuant sur le sujet durant sa campagne, et la question de la qualité du soutien politique dont il bénéficiera côté Républicains pourrait se poser … il peut y avoir un monde entre les déclarations de campagne et les actes réels.
Comme toujours, l’efficacité des mesures économiques dépend de la vitesse avec laquelle les décisions sont mises en œuvre.
Tant que le gouvernement de D. Trump et son programme économique ne seront pas mieux connus, les chefs d’entreprises devraient temporiser quant à leurs décisions d’investissements. Cet argument de court terme pourrait inciter la FED à reconsidérer son éventuelle hausse des taux prévue pour le mois de décembre, ce qui serait alors favorable aux obligations et négatif pour le Dollar. En revanche, les soutiens budgétaires et plusieurs éléments du programme économique de D. Trump sont pro-croissance et inflationniste, ce qui confortera la volonté de la FED de relever en fin de compte ses taux directeurs. La question de la hausse des taux américains n’est donc qu’une question de timing. C’est pourquoi il faut plutôt profiter des phases de baisse des rendements obligataires pour se repositionner sur des obligations de maturité plus courtes et maîtriser la volatilité de cette classe d’actif.
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Les investisseurs seront particulièrement attentifs quant à l’indépendance maintenue ou non de la FED car ceci affecte fortement la confiance dans les actifs financiers américains et dans le Dollar. De cette question dépend les modalités futures du financement de la dette américaine : financement majoritairement national ou bien par les étrangers.
En dépit de besoins de financement plus élevés de l’Etat américain (cf. hausse à venir des déficits budgétaires), les entreprises américaines devraient bénéficier de conditions de financements assez favorables.
Malgré la campagne “isolationniste” de D.Trump, l’économie américaine dépend largement d’approvisionnements et de biens et services internationaux, ce qui implique qu’il sera difficile de « fermer » le pays au reste du monde.

Dans le monde 

Un plus fort repli sur soi américain envisagé serait négatif pour le commerce international et donc plus particulièrement pour les multinationales.
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Les tableaux d’importations et d’exportations américains démontrent que les pays développés seraient fortement affectés par toute restriction commerciale qu’imposerait les Etats-Unis puisque ce sont eux qui exportent le plus vers les Etats-Unis.
Si la politique économique de D.Trump devait affecter significativement la croissance mondiale du fait de l’éventuel isolationnisme américain, les pays ou zones pénalisés chercheraient à contrer ces ralentissements économiques. Les pays développés ayant déjà des politiques monétaires très accommodantes, c’est plutôt par le relai de politiques budgétaires que les soutiens pourraient principalement venir. Pour ce qui est des pays émergents, le financement des déficits budgétaires étant plus aléatoire (cf. versatilité des devises), c’est plutôt à des soutiens monétaires qu’il faudrait s’attendre.
La politique économique de D.Trump étant a priori plus inflationniste, le Dollar devrait bénéficier graduellement d’une remontée des anticipations de hausse des taux par la FED. Le renforcement du Dollar agira en substitut partiel aux hausses de taux de la FED.
Parce que beaucoup de devises émergentes ont un lien étroit avec le Dollar (i.e. Peg), la hausse du Dollar risque d’affecter par effet d’entraînement la compétitivité de ces pays et pourrait poser des problèmes de remboursements aux entreprises de ces pays ayant contracté des endettements libellés en Dollar (cf. hausse des coûts de remboursements).
Le soutien budgétaire de D. Trump aux infrastructures devrait plutôt soutenir la demande en matières premières. Les Etats-Unis étant désormais autonomes sur le plan énergétique, c’est avant tout l’ampleur de la fermeture des frontières américaines qui déterminera la croissance internationale et donc les besoins en matières premières. Les prix du pétrole et des métaux industriels seront donc fortement tributaires de ces décisions politiques, d’où la fragilité potentielle des économies émergentes qui en sont des producteurs majeurs. De nombreuses incertitudes persistant quant au scénario économique à venir, et du fait d’une possible hausse de l’inflation, l’or devrait bénéficier de flux favorables.
Nous avons listé ci-dessus les principaux points de campagne électorale de D.Trump et leurs impacts potentiels s’ils venaient à être mis en oeuvre tels que promis. Encore une fois, il est peu probable que D. Trump puisse appliquer son programme à la lettre tant la majorité des Républicains au Congrès est étroite. Il lui faudra donc commencer à faire de la politique en lieu et place du marketing. Dès lors, nous entrons dans un temps plus long qui nous permettra de mesurer les impacts économiques de manière plus précise.
D’ici là, et conformément à nos habitudes, nous continuerons de vous communiquer nos analyses et de gérer vos contrats pour s’assurer que vous réalisiez vos projets.

Make America Great Again ?

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

Category: Économie et marchés