Tribut à un économiste méconnu : Michel Audiard.
« C’est une habitude bien française que de confier un mandat aux gens et de leur contester le droit d’en user ! » (Le Président – 1961)
Comme un rituel, chaque élection présidentielle conduit à se reposer la question de la stratégie économique qu’il conviendrait de mener et du contrat social qui y serait associé. Déficit budgétaire, déficit commercial, dette/PIB proche des 100%,… l’inventaire simplifié parle hélas de lui-même : la France DOIT se réformer en urgence !
« Les conneries, c’est comme les impôts, on finit toujours par les payer ! » (Le Cave se rebiffe – 1961)
Le suffrage populaire s’exprimera quant au modèle de société finalement retenu. Il reviendra alors au prochain locataire de l’Elysée de trouver l’appui parlementaire lui permettant de mettre en œuvre sa politique, tâche qui devrait s’avérer délicate. De surcroît, les marges de manœuvre financières résiduelles sont désormais limitées, d’autant que la remontée des taux d’intérêt accroit la charge de remboursement de la dette. Le périmètre des activités de l’Etat doit donc être réexaminé de façon à déterminer quelques axes prioritaires : le recentrage autour des missions régaliennes devrait s’imposer. Ainsi, la répartition des attributions entre le secteur privé et le secteur public devrait-elle devenir un enjeu de la campagne présidentielle : faut-il privatiser ou au contraire procéder à certaines nationalisations stratégiques ?
L’État doit savoir pourquoi il est actionnaire, il convient de mieux encadrer la fonction d’actionnaire, et de limiter les interventions en capital au strict nécessaire.
« Entre l’intérêt national et l’abus de confiance, il y a une marge ! » (Le Président – 1961)
Le jugement très critique de la Cour des Comptes éclaire déjà en partie ce débat : « Le mode d’intervention de l’Etat continue de présenter des faiblesses chroniques qui pèsent comme autant de risques sur sa capacité à prendre les bonnes décisions». Les conflits d’objectifs récurrents et la médiocrité des performances du portefeuille public (cf. tableau joint) incitent à engager une réflexion approfondie quant à la légitimité de certaines participations capitalistiques. « L’Etat doit savoir pourquoi il est actionnaire, il convient de mieux encadrer la fonction d’actionnaire, et de limiter les interventions en capital au strict nécessaire » sont ainsi les principales recommandations de la Cour des Comptes.
« Quand on parle pognon, à partir d’un certain chiffre, tout le monde écoute ! » (Le Pacha – 1968)
90Mds € sont gérés par l’Agence des Participations de l’Etat (APE), les 2/3 étant cotés en bourse. Le portage de ce portefeuille a rapporté 4.9Mds € de dividendes à l’Etat, y compris ceux versés en actions. Mais 11Mds € d’actifs ont encore été acquis pour 2.3Mds € de cessions, soit 8.7Mds € d’achats nets. Sachant qu’en France en 2016 les dépenses publiques représentent désormais 56% du PIB, il conviendra d’arbitrer entre certaines de ces participations afin de redonner une cohérence de long terme aux actifs détenus par l’Etat. Une vague de privatisations semble alors probable.
Dépenses publiques de la France en % du PIBSources : INSEE, WeSave
« Le jour est proche où nous n’aurons plus que «l’impôt» sur les os ! » (La Chasse à l’homme – 1964)
La rentabilité financière de court terme n’est toutefois bien souvent pas une préoccupation clé pour l’Etat. L’ampleur de certaines mises de fonds, avec des retours sur investissements insuffisants ou trop lointains, justifie que l’Etat engage des dépenses que le secteur privé ne saurait assumer. Ainsi, bien des infrastructures sont indispensables pour assurer la rentabilité des projets de la sphère privée. De même, l’indépendance énergétique, la protection militaire, l’éducation,… sont autant de dépenses que l’Etat prend à sa charge et qui ont des retombées favorables pour les marges, l’investissement, l’emploi du secteur privé. Il y a alors de « bons » déficits publics, et donc de « bons » impôts. C’est pourquoi le consentement ou non à l’impôt est un signal fort quant à la légitimité des dépenses engagées par l’Etat. De ce point de vue, le dernier quinquennat signale qu’une limite est désormais atteinte aux yeux des particuliers et des entreprises qui jugent que le contrat social de long terme n’est plus équilibré.
« C’est jamais bon de laisser dormir les créances, et surtout de permettre au petit personnel de rêver ! » (Les Tontons flingueurs – 1963)
Le profil même des principaux candidats à l’élection présidentielle atteste qu’un nouveau contrat social est à l’évidence souhaité par le peuple. C’est pourquoi l’hypothèse d’une rupture avec l’Union Européenne inquiète tant certains observateurs. Au demeurant, quel que soit celui des candidats qui sera finalement élu en mai 2017, il lui sera très difficile de bénéficier d’un soutien parlementaire satisfaisant. C’est pourquoi, alors même que la France a besoin de se réformer et que le peuple en manifeste la volonté, les réformes structurelles nécessaires pourraient devoir patienter encore durant plusieurs années. Cette situation risque de compliquer encore plus les relations de la France avec le reste du monde, notamment vis-à-vis de l’Union Européenne. Par ailleurs, les créanciers de la France pourraient être moins accommodants en ce qui concerne les conditions de financements à lui accorder. Comme le rappelait très justement Michel Audiard, « Un financier, ça n’a jamais de remords. Même pas de regrets. Tout simplement la pétoche. » Sans pour autant prendre cette maxime au pied de la lettre, à l’approche de l’élection française, la prudence semble de mise sur les actifs financiers français !