Date de publication : 23 octobre 2015

La normalisation de la croissance économique américaine franchit un cran de plus cette année.

Les dirigeants d’entreprises américaines dorlotent leurs actionnaires Les entreprises américaines ont été les grandes gagnantes des réformes et des restructurations menées durant les dernières années. En effet, la maitrise de leurs dépenses d’exploitation (cf. matières premières, salaires, dépenses courantes,…) a poussé les marges bénéficiaires à des sommets historiques et revigoré leurs trésoreries. Par ailleurs, l’assainissement du système bancaire national et, plus encore, une politique monétaire extrêmement accommodante de la banque centrale américaine (FED) ont permis de faire s’effondrer le coût de l’emprunt, mais aussi de soutenir durant plusieurs années la compétitivité des sociétés du pays grâce à un Dollar affaibli. Enfin, l’intensification de l’exploitation des énergies issues des schistes a restauré l’autonomie énergétique du pays, ce qui a tout particulièrement bénéficié aux entreprises les plus énergivores.

Si les divers postes de dépenses des entreprises ont été optimisés, la modestie de la demande qui leur était adressée a toutefois fait obstacle à une véritable reprise de l’investissement. En effet, les budgets des ménages et de l’Etat américain étaient contraints par des niveaux d’endettement particulièrement élevés, c’est pourquoi la demande interne est restée très en deçà des dynamiques habituellement constatées dans le pays. Dès lors, les entreprises ont privilégié les investissements de productivité, plutôt que ceux de capacité. D’importantes économies ont été réalisées d’un côté et peu d’investissements ont été engagés de l’autre … les trésoreries sont donc devenues de plus en plus confortables. C’est pourquoi, au-delà de quelques rachats de sociétés concurrentes ou complémentaires (cf. dynamique des fusions et acquisitions), ce sont donc avant tout les versements de dividendes et les rachats d’actions qui ont été privilégiés par les dirigeants d’entreprises.

Mais une inflexion des dynamiques économiques du pays s’installe désormais.

Après l’austérité, la croissance redevient prioritaire pour les entreprises américaines L’Etat américain souhaitant alléger son endettement, il lutte désormais de plus en plus ardemment contre l’optimisation fiscale opérée par les entreprises, c’est pourquoi celles-ci voient leurs trésoreries amputées d’autant. Le redressement économique du pays améliore les entrées fiscales de l’Etat américain qui retrouve ainsi un peu plus de flexibilité budgétaire. Cette solvabilité progressivement restaurée permet à l’Etat d’engager de nouveau quelques dépenses, ce qui alimente en retour les revenus de nombreuses sociétés américaines et stimule les embauches. Ces dépenses budgétaires de l’Etat américain entretiennent donc de nouveau une partie de la dynamique économique du pays.

Mais c’est avant tout du côté du consommateur que l’inflexion est la plus manifeste. Ainsi, le fort rebond des prix immobiliers et l’envol des marchés financiers durant les dernières années ont revalorisé le patrimoine des ménages qui en étaient détenteurs. De plus, leur capacité à emprunter avec des taux d’intérêts historiquement bas est confortée par ces actifs qu’il est éventuellement possible de mettre en gage si nécessaire. Par ailleurs, l’effondrement des prix énergétiques profite directement au pouvoir d’achat de l’ensemble des ménages dans un pays où la fiscalité sur ce type de produits est faible. Enfin, puisque le chômage tend désormais vers les 5%, les chefs d’entreprises ont plus de difficultés à recruter… les employés voient donc leur pouvoir de négociation salarial s’améliorer. La demande des ménages américains devrait donc retrouver en partie sa dynamique d’antan (i.e. 60% du PIB), ce qui confortera l’activité des entreprises nationales.

Même si de nombreux pays émergents rencontrent aujourd’hui des difficultés (cf. dévaluation de la Chine), ce qui pénalise certains débouchés à l’exportation américains, les Etats-Unis retrouvent désormais une économie partiellement auto-entretenue, tirée par sa propre demande. Mais cet équilibre est jugé précaire par de nombreux stratèges, c’est pourquoi la progressive inflexion de la politique monétaire américaine inquiète car elle leur semble prématurée. En effet, celle-ci a déjà eu pour effet de provoquer une forte appréciation du Dollar face à l’ensemble des devises depuis mai 2014. La compétitivité des entreprises américaines en a alors souffert, tant sur les marchés domestiques qu’à l’étranger. Par ailleurs, le coût du crédit a commencé à se rehausser, ce qui complique la tâche de certaines entreprises endettées ou fragilisées (cf. sociétés pétrolières dans les schistes).

En fin de compte, la dynamique des entreprises américaines repose donc désormais plus sur la demande qui leur est adressée, que sur une optimisation de leur compte de résultat … ce ne sont alors plus autant les marges bénéficiaires qui focaliseront l’attention des investisseurs, que les chiffres d’affaires qu’elles réalisent.

États Unis, le client doit détrôner l’actionnaire

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

Category: Économie et marchés