Date de publication : 29 novembre 2024

Lorsque les marchés financiers ont beaucoup progressé, ou bien encore quand le contexte à venir devient moins prévisible, la tentation est forte de mettre en place une “couverture” financière sur son portefeuille (“hedging” en anglais). La “couverture” d’un portefeuille financier est la méthode de protection visant à réduire les pertes potentielles en utilisant des outils ou des stratégies spécifiques pour neutraliser les effets des mouvements défavorables des marchés. L’exercice est toutefois plus complexe que cela peut sembler. Cette note vise à aider l’épargnant dans sa démarche.

Les objectifs de la couverture de portefeuille : 

  • Protection du capital investi. La priorité de l’épargnant consiste à figer tout ou partie de la valorisation des actifs investis en bourse.
  • Réduire la volatilité du portefeuille. Lorsque les incertitudes montent, cela provoque généralement plus de nervosité sur les diverses classes d’actifs. Même si les marchés financiers devaient continuer de progresser, l’épargnant pourrait ne pas être à l’aise avec des fluctuations fortes de la valeur de son patrimoine, d’où la tentation de mettre en place des couvertures.
  • Neutraliser certains risques spécifiques. Le portefeuille peut être exposé à de très nombreuses zones géographiques, à des secteurs très variés, ou bien encore à diverses devises. Dans certaines circonstances, chacun de ces facteurs peut devenir une source de perte financière potentielle à l’avenir, d’où le besoin de couverture.
  • Déterminer son horizon temporel. Pour que la couverture soit efficace et adaptée, il faut au préalable clarifier la question essentielle de savoir si elle vise le court terme (par exemple, pour protéger contre un événement spécifique) ou le moyen terme.

Complexité : 

Pour l’épargnant, il est essentiel d’avoir une bonne adéquation entre la stratégie de couverture qui sera adoptée et la structure de de son portefeuille. Pour ce faire, il convient d’analyser la volatilité historique et implicite des actifs détenus dans le portefeuille, d’identifier les risques spécifiques que l’on souhaite couvrir, mais aussi d’évaluer les corrélations entre les actifs pour déterminer les effets d’une éventuelle chute d’un actif sur le portefeuille global. Précisons toutefois que les calculs s’appuient sur des données du passé, et que les comportements futurs des actifs pourraient ne plus répliquer le passé. Ainsi, les corrélations de performances entre petites capitalisations boursières et grandes capitalisations ne sont pas stables dans le temps, tout comme le lien entre les actions européennes et américaines.

Calcul de l’exposition nette à couvrir : 

  • VaR (Value at Risk). Ce calcul permet d’estimer la perte potentielle maximale sur une période donnée, avec un certain niveau de confiance.
  • Sensibilité des actifs. Il est nécessaire d’évaluer préalablement comment les actifs réagissent aux variations des marchés, comme les taux d’intérêt, les devises ou les prix des matières premières. Ceci s’effectue généralement par des tests de corrélations sur diverses périodes.
  • Taille de l’exposition nette. Il est aussi nécessaire de quantifier le montant de l’exposition qu’il est essentiel de couvrir, comme par exemple la part du portefeuille liée à un indice comme le S&P500 américain.

Les instruments de couverture d’un portefeuille : 

  1. Vendre ou alléger des actifs. Plutôt que de mettre en place des couvertures, la solution de simplicité pourrait être de vendre ou d’alléger le portefeuille.
    • avantage : Réalisation immédiate des 4 objectifs de la couverture.
    • inconvénient : Multiplicité des coûts, d’abord lors de la vente, puis lors des achats plus tard. Vendre peut aussi impliquer de matérialiser des plus-values boursières, et donc de déclencher de la fiscalité. Enfin, si l’allègement se fait sur une durée longue, il faut trouver un réemploi rémunérateur des capitaux ainsi libérés.
  2. Couverture avec des futures. Les contrats à terme sur indices boursiers (i.e. les “futures”) sont un instrument de couverture très fréquemment employé.
    • avantage : Efficacité immédiate et grande simplicité de cette stratégie.
    • inconvénient : Cet instrument financier est un produit à terme, ayant une échéance boursière, il peut donc être nécessaire de reconduire cette couverture (on parle de “rouler” une position) lorsque l’échéance est arrivée à son terme, d’où des frais financiers. L’engagement sur les futures, si les marchés financiers continuent de monter, peut engendrer des appels de marge complémentaires. Pour que la couverture avec des futures soit efficace, il peut être nécessaire d’ajuster régulièrement la position en fonction des fluctuations des marchés.
  1. Couverture avec des options. Les futures sont un engagement ferme de la part de l’épargnant, alors que ce dernier peut préférer disposer d’une simple optionalité de protection financière. L’avantage additionnel des options est qu’elles offrent aussi une plus grande granularité à l’épargnant, puisqu’au-delà des options sur indices, il existe aussi des options sur de nombreuses actions spécifiques. Il existe de très multiples combinaisons possibles de couvertures avec les options, les 2 principales sont :
    1. L’achat de put, consistant à payer une prime d’assurance pour pouvoir vendre, si on le souhaite, un actif à un certain prix et dans un certain délai (soit une date fixe, soit durant une période) déterminés à l’avance.
    2. La vente de call, consistant à encaisser tout de suite une prime, mais à s’engager en contrepartie à vendre à l’acheteur en face, si ce dernier exerce son option, l’actif que l’on détient en portefeuille (ou son équivalent en cash) à un certain prix et dans un certain délai (soit une date fixe, soit durant une période) déterminés à l’avance.
  • avantage : Meilleur ciblage des actifs que l’on souhaite couvrir qu’avec les futures, grâce à la granularité. Les options offrent aussi la possibilité de mettre en place des effets de levier, stratégie qu’il est toutefois nécessaire de bien maîtriser au préalable.
  • inconvénient : Tout comme les futures, les options sont un produit à échéance, il est donc nécessaire de bien connaître au préalable la durée envisagée de couverture, sous peine de devoir renouveler l’opération à plusieurs reprises. Tout comme avec les futures, des appels de marge peuvent apparaître lorsque l’on a été vendeur d’une option. Pour que la couverture avec des options soit efficace, il peut être nécessaire d’ajuster régulièrement la position en fonction des fluctuations des marchés. Les options sont un instrument de couverture puissant, mais complexe, nécessitant donc un véritable travail préalable de compréhension, voire d’apprentissage graduel.
  1. Couverture via les ETFs. Les ETFs, instruments financiers répliquant strictement la performance d’indices boursiers, existent aussi en version baissière. Le porteur de l’ETF baissier gagne autant que ce que l’indice baisse : si l’indice baisse de -1.3%, l’ETF progresse dans le même temps de +1.3%, et réciproquement.
    • avantage : Tout comme avec des futures, l’efficacité de cette couverture est immédiate et elle a l’avantage de la simplicité. Contrairement aux futures ou aux options, l’ETF n’a pas d’échéancier, ce qui enlève une préoccupation pour l’épargnant. Il est par ailleurs possible de mettre en place des ETF baissiers avec effet de levier x2, x3, etc… ce qui démultiplie l’effet de la couverture.
    • inconvénient : Pour que la couverture avec des ETFs soit efficace, il peut être nécessaire d’ajuster régulièrement la position en fonction des fluctuations des marchés, et d’autant plus si l’épargnant a adopté une approche avec des ETFs à effet de levier. Les pertes sur les ETFs à effet de levier peuvent être vite très importantes si les marchés poursuivent leur hausse au lieu de baisser. L’investissement sur un ETF baissier nécessite d’avoir constitué au préalable une réserve de cash dans le portefeuille permettant d’acheter cet ETF, alors que pour les Futures et options, l’immobilisation de capitaux est bien moindre. 
  1. Couverture via des “proxys”, tel que l’or, le VIX, etc… Plusieurs types d’investissements permettent d’obtenir une certaine efficacité de protection lors des baisses de marchés, mais leur comportement exact n’est pas toujours bien prévisible, d’où une moindre efficience de couverture.
    1. L’or est souvent considéré comme un actif refuge en période de volatilité, sa performance étant souvent décorrélée des autres actifs. Il faut toutefois garder en tête que lors des crises violentes, certains investisseurs peuvent faire l’objet d’appels de marges importants et, pour y faire face, ils peuvent devoir reconstituer des liquidités via des actifs tel que l’or par exemple.
    2. Le VIX, le VSTOXX, le VCAC, le VDAX, etc… sont des instruments financiers reposant sur la volatilité des grands indices boursiers. Ces instruments sont généralement plutôt employés pour spéculer à court terme plutôt que pour effectuer des couvertures durables de portefeuilles, mais peuvent offrir ponctuellement une forte protection du portefeuille. Le comportement de ces instruments boursiers est toutefois complexe à anticiper, et nécessite une très bonne compréhension préalable. 

Points de vigilance et pièges à éviter : 

  • Surcouverture. Couvrir plus que nécessaire un portefeuille peut en limiter les gains potentiels qu’on en espérait encore.
  • Effet de levier excessif. Les produits dérivés amplifient les pertes s’ils sont mal gérés et mal dosés.
  • Choix inadéquat de l’actif de couverture. Un actif peu corrélé avec le portefeuille peut rendre la couverture inefficace, voire être même contre-productif.
  • Coût disproportionné. Le coût d’une couverture excessive peut réduire significativement les rendements globaux.

Conclusion : 

Couvrir un portefeuille est un exercice bien plus complexe que cela peut sembler au premier abord, car il faut bien tenir compte des problématiques de liquidité, de timing, de coût, d’efficacité, etc… C’est pourquoi, avant de mettre en place une quelconque couverture, il est indispensable de bien comprendre les avantages et inconvénients respectifs de chacun de ces instruments financiers pour sélectionner celui, ou encore la combinaison d’entre eux, qui sera la plus adéquate pour son portefeuille.

Comment protéger son portefeuille d’actions ?

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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