Les Français ont un lien particulier avec l’assurance-vie. En effet, il s’agit de leur premier support de placement et également du premier soutien pour le financement des entreprises françaises. L’assurance-vie est en moyenne détenue plus de 11 ans par les Français, ce qui leur permet d’épargner pour leur retraite, d’aider leurs proches, mais également de se préparer à une éventuelle baisse de revenus.
L’assurance-vie est, semble-t-il, le contrat en lequel les Français ont le plus confiance.
Mais alors à quand remonte cette relation ? Découvrons ensemble, dans cet article l’histoire de l’assurance-vie et des Français.
Les prémices de l’assurance-vie : « Les tontines »
C’est au XVIIe siècle qu’apparaît ce qu’on peut qualifier de « prémices » de contrat d’assurance. En 1652, Lorenzo Tonti, un financier italien, crée avec l’appui du puissant Mazarin, alors Principal Ministre d’État du Royaume de France les « tontines ». Il s’agit d’associations de personnes qui souhaitent mettre des fonds en commun sur une durée limitée et déterminée. À la fin de cette période définie, l’association est dissoute et le capital collecté est partagé entre les associés vivants. Ces tontines, c’est-à-dire ces associations d’épargne collectives demeurent pendant plusieurs décennies les principaux contrats d’épargne, et servent par la suite de modèles aux premières compagnies d’assurances.
Le Renouveau du siècle des Lumières
C’est plus tard, pendant le siècle des Lumières qu’émerge véritablement la notion d’assurance qui va par la suite servir de modèle à l’assurance-vie que nous connaissons actuellement. En effet, à cette époque, le rapport à la vie et au bonheur individuel évolue. Le « bien-être » commence à susciter de l’intérêt notamment chez les architectes ; en témoigne le courant hygiéniste qui vise à rendre la ville de Paris moins dense afin d’y améliorer la circulation de l’air et d’éviter les maladies liées à la pollution.
Pour les plus riches et principalement pour la bourgeoisie qui ne cesse de croître, la prévoyance devient une préoccupation majeure. On anticipe ses vieux jours, on fait attention à sa santé, à ses conditions de vie, mais aussi à ses biens pour s’assurer de les transmettre à ses descendants.
Un courant philanthrope se développe principalement dans la capitale grâce à l’essor de la presse, en publiant des essais et des articles ce qui a des conséquences sur les mentalités, la société et sur le marché.
Assurer ses biens
C’est dans ce contexte qu’en 1786, la Compagnie des eaux de Paris ajoute à ses compétences celle des assurances contre l’incendie. Au début de l’année 1786, la Compagnie est au bord de la faillite suite à la rédaction d’un pamphlet par le célèbre Mirabeau. Ce dernier pointe du doigt dans ses écrits le coût exorbitant des activités de pompage sur la Seine de la Compagnie. Celle-ci se trouve dans l’obligation de créer une société filiale pour ne pas faire faillite et se lance dans l’assurance contre les incendies, qui sont très fréquents à Paris.
Dans un premier temps, ce nouveau service fait débat notamment parce que certains comme Mirabeau ou Brissot pensent que, sous couvert de vertus morales se cachent des manœuvres boursières et une volonté de s’enrichir sur les désagréments de la population parisienne. Le projet met une année à se construire et aboutit finalement en 1786 à la création de la « Chambre d’assurance contre les incendies », qui assure principalement la population bourgeoise et l’aristocratie contre les dégâts causés par le feu sur leurs biens. Après la création de ce premier assureur, la concurrence apparaît et de nombreux cabinets proposent des assurances. L’administration royale surveille ces affaires de manière rigoureuse, car elle craint des abus. La surveillance de Breteuil, Ministre de la Maison du roi, en charge de la ville de Paris est particulièrement virulente.
Les « Assurances sur la vie »
Le Grand tournant a lieu à Paris en 1787 quand en février, Sieur de Beaufleury propose une « Assurance sur la vie des Hommes ». Le dossier est envoyé par la Maison du Roi à l’académie des Sciences, qui valide le projet, puis le transmet en juillet au Conseil du Roi. L’avis de ce dernier est très surprenant pour l’époque. Le Conseil juge l’idée de Beaufleury d’innovation « d’utilité publique » et estime préférable d’en confier la gestion à une institution publique plutôt que d’en laisser les profits à une compagnie privée. La tâche est confiée au Bureau de la Ville de Paris qui inspire confiance et qui assure pouvoir faire « valoir la chose en grand » auprès des parisiens.
Au même moment, la Compagnie d’Assurance contre les incendies tente de revenir sur le devant de la scène et demande au Conseil du Roi le privilège pour 15 ans sur les « Assurances sur la vie » en échange d’un dépôt correspondant au double de celui offert par Sieur de Beaufleury à l’Hôtel de Ville. La Compagnie d’assurance est prête à céder un quart de ses bénéfices au Trésor Royal en retour du titre de « Compagnie Royale », ce que Louis XVI accepte personnellement.
Dès lors, cette Compagnie d’assurance Royale propose des assurances décès ainsi que des assurances contre les risques d’incendies. La compagnie connaît une existence assez brève puisqu’elle chute sous les coups de la Convention à l’été 1793. Symbole de la spéculation et victime de rumeurs peu flatteuses, la compagnie est condamnée, pour ces motifs, à la mort judiciaire. Néanmoins, bien que brève, l’existence de cette compagnie s’avère fondatrice pour le système d’épargne que nous connaissons actuellement puisqu’en définitive, les différences sont peu nombreuses.
L’arrivée de l’assurance-vie
En 1817, pendant la Restauration, le ministre des finances de Louis XVIII refuse la remise en place d’une Compagnie royale d’assurances sur la vie. Ce refus provoque une vive réaction puisqu’en 1818 des promoteurs décident de constituer la première caisse d’épargne et de prévoyance de Paris sous la forme d’une société anonyme.
Ces instruments ont différents emplois en fonction du profil du client. Les plus aisés peuvent accroître leurs richesses et en assurer la transmission à leurs héritiers, tandis que les plus pauvres peuvent éviter la misère et la grande pauvreté des vieux jours.
À partir de la Révolution industrielle, la société se met à tourner autour du culte du travail, ce qui change les façons de penser. La prévoyance devient capitale. Il faut s’assurer d’avoir de l’argent de côté et donc de pouvoir subvenir à ses besoins même en cas d’accident qui empêcherait de travailler. La prévoyance devient plus positive et associe le travail et l’épargne afin de se protéger des aléas de la vie. L’épargne retraite ainsi que l’assurance-vie sont donc tout d’abord une manière de répondre en urgence à la pauvreté.
L’évolution de l’assurance-vie
Au XXe siècle, le principe de l’assurance-vie se démocratise et un code des assurances est créé en 1938. Au fil des années, l’assurance-vie gagne la place du produit d’épargne préféré des Français. On peut facilement dire que l’ancienneté de l’assurance-vie dans le système français en fait un contrat sécurisant et participe à sa banalisation.
Aujourd’hui, les contrats d’assurance-vie évoluent en même temps que la technologie. De nouveaux acteurs tels que les fintechs comme WeSave concurrencent largement les banques et rendent l’épargne accessible à tous en proposant des contrats d’assurance-vie sans frais. De plus, grâce à ces entreprises, qui allient relationnel humain et technologie, il est désormais possible de souscrire un contrat en quelques minutes uniquement par Internet et de bénéficier de performances parmi les meilleures du marché.
Tous ces progrès nous poussent à croire que l’histoire de l’assurance-vie et des Français n’est pas prête de s’arrêter !
https://www.persee.fr/doc/ecofi_0987-3368_1989_num_11_3_1665