Date de publication : 2 avril 2020

La crise sanitaire du coronavirus a provoqué, par vagues géographiques successives, une pétrification de l’économie mondiale, et une récession économique est désormais inévitable durant la première moitié de l’année. Un krach historique s’est produit sur toutes les places financières, et même les classes d’actifs réputées refuge ont elles aussi souffert ! Il peut sembler insensé, ou bien encore cynique, de se préoccuper des marchés financiers dans de telles circonstances, mais nous y voyons au contraire une façon de contribuer modestement à aider certains à ressortir plus vite, et si possible plus forts, de cette difficile épreuve, et à se projeter vers l’avenir. Quels enseignements peut-on essayer de tirer de ces événements hors du commun, et quelles dispositions l’épargnant doit-il prendre pour allouer ses capitaux ?

Le contexte :

Pour éviter de s’égarer, il convient tout d’abord d’essayer d’évaluer objectivement le contexte, cette pandémie ayant des caractéristiques sanitaires spécifiques, et intervenant surtout dans des circonstances économiques, financières et géopolitiques très particulières. 

Le coronavirus (Covid-19) est désormais mieux connu, même si de nombreuses zones d’ombre l’entourent encore. Ce virus est fortement contagieux, sournois car souvent asymptomatique et, même guéris, les patients peuvent encore le transmettre. Le taux de létalité est important (autour de 2%), notamment pour les populations les plus âgées car étant déjà fragilisées par d’autres pathologies, mais ce virus entraîne surtout fréquemment d’importantes complications (autour de 20% des cas) nécessitant des prises en charges hospitalières parfois lourdes pour les cas critiques (autour de 5% des cas) : les hôpitaux peuvent donc être très vite saturés par l’afflux de patients ! Aucune mutation n’a été identifiée à ce stade, ce qui est une bonne nouvelle, mais impossible de savoir par avance si le changement de saison désamorcera ce virus ou bien si, au contraire, cela fera apparaître de nouveaux foyers épidémiques dans l’hémisphère sud. Même en assouplissant les contraintes réglementaires, un vaccin ne peut normalement être espéré avant 2021. En 2020, nous devons donc nous adapter au mieux face à cette pandémie.

Le Covid-19 est hélas apparu alors que les tensions géopolitiques internationales sont fortes, nuisant aux échanges d’informations et aux collaborations qui devraient s’imposer dans des circonstances aussi exceptionnelles. Chaque pays ou zone adopte en effet des mesures spécifiques, souvent sans concertation préalable suffisante, et ces attitudes égoïstes nuisent en fin de compte à l’efficacité de la lutte contre ce virus et ses conséquences économiques et financières. Le bras de fer pour le leadership mondial entre la Chine et les États-Unis se poursuit. L’Union Européenne confirme à l’occasion sa fragmentation, et qu’elle n’est même plus un gage de protection pour sa population. Le pétrole est déstabilisé par des jeux à trois bandes entre l’Arabie Saoudite, la Russie et les États-Unis. La Turquie utilise les flux de migrants au pire moment pour l’Europe. De plus, certaines échéances électorales importantes imminentes (États-Unis), des fins de mandats difficiles (Allemagne), la pression de courants populistes… compliquent souvent les prises de décisions ! Certes, personne n’est formé pour gérer ce genre de situation mais, à ce stade, c’est à l’évidence la zizanie internationale qui prédomine, contribuant à entretenir les doutes, voire la psychose, auprès des populations.

Du point de vue économique, le coronavirus provoque deux chocs simultanés, l’un sur la demande et l’autre sur l’offre. Les confinements, les stratégies d’isolement, les limitations de réunions ou de déplacements provoquent d’importantes chutes de consommation : c’est un choc de demande. Les réductions d’activité et fermetures temporaires d’entreprises interrompent la production de biens ou de services qui eux-mêmes permettent à d’autres sociétés de fonctionner normalement : c’est un choc d’offre. Ce second bouleversement est le plus sérieux des deux car, quand bien même les agents économiques voudraient acheter, impossible de consommer s’il y a pénurie de biens et de services ! Il n’y a pas d’alternative, il faut patienter jusqu’à ce que les entreprises puissent de nouveau produire normalement, et espérer que certaines faillites ne pénalisent pas la reprise d’activité une fois la pandémie derrière nous. C’est pourquoi les confinements désynchronisés entre pays compliquent les choses : si une zone se rétablit, la Chine par exemple, sa production ne peut trouver preneur si ses donneurs d’ordres que sont les pays européens sont confinés à leur tour. Partout l’investissement est évidemment suspendu. C’est pourquoi il est essentiel que les décideurs ne sortent pas trop affaiblis par cette situation qui se prolonge, et qu’ils restent confiants dans l’avenir et dans la qualité de la reprise économique à venir. La consommation reprendra une fois la crise sanitaire résolue, mais certaines dépenses ne seront jamais rattrapées.

Tenir… voilà l’enjeu durant cette crise ! Il est essentiel que les difficultés de trésorerie rencontrées par les agents économiques (ménages, et plus encore les entreprises) ne se transforment en incapacité à faire face à leurs obligations financières : la crise de liquidité ne doit surtout pas virer en crise de solvabilité ! Les revenus sont souvent brutalement interrompus alors que les dépenses courent toujours, et ces difficultés de trésorerie sont encore plus préoccupantes pour ceux déjà très endettés, ou bien dont la situation était fragile avant même cette pandémie. Caractéristique majeure de cette crise sanitaire : elle intervient alors que l’ampleur de la dette mondiale était déjà très préoccupante (pas son coût en revanche !), que le cycle économique s’essoufflait, et que beaucoup d’entreprises étaient déjà fragilisées par des ruptures technologiques importantes ou par des questionnements quant à leurs implantations géographiques (cf. guerre commerciale sino-américaine). Solliciter dans de telles circonstances son banquier ou les marchés financiers pour disposer d’un matelas de liquidités et passer ainsi ce cap n’est évidemment pas aisé. C’est là que la solidarité et que toute la puissance d’intervention des autorités publiques et des grandes institutions doit jouer à plein.

Les actes :

Les autorités ont-elles pris conscience de l’ampleur de ces enjeux, agissent-elles, et ont-elles les moyens d’agir ?

Même si on peut reprocher aux États un manque de coordination, à l’évidence les leçons de la crise de 2008 ont été tirées : subventionner pendant quelques mois l’économie sera au final nettement moins coûteux que de laisser la crise de liquidités dégénérer en crise de solvabilité et finalement en crise économique et financière généralisée. À court terme, les autorités agissent toutes de la même manière : elles s’assurent que les ménages et les entreprises disposent d’étalements de remboursements et autres facilités de paiements, pour que la trésorerie ne devienne pas un problème, et cela jusqu’à ce que la crise sanitaire s’estompe et que l’économie redémarre. C’est le sens du « quoi qu’il en coûte » d’E. Macron ! Du chômage partiel subventionné par l’État, des prélèvement sociaux ou impôts reportés, des garanties financières étatiques… tout ce qui peut permettre de soulager les trésoreries est mis en œuvre. Les États bénéficiant d’un coût d’emprunt bien plus faible que celui des autres agents économiques, c’est évidemment plutôt à eux de s’endetter encore, il sera toujours temps de trouver plus tard les économies ou les recettes additionnelles pour combler ces écarts temporaires ! Bien entendu, cette situation sert de révélateur quant aux niveaux de dettes respectifs des pays et à la façon dont les créanciers considèrent leur solvabilité future : le rendement des emprunts va probablement mieux refléter les fondamentaux de chaque pays !

Les États ont toutefois évidemment besoin du soutien des banques centrales dans ces circonstances. Certaines banques centrales procédant à des quantitative easings, ce flux acheteur d’obligations souveraines est particulièrement le bienvenu alors que les États doivent émettre massivement des obligations pour couvrir leurs soudains déficits budgétaires. C’est pourquoi la BCE a par exemple décidé d’accroître considérablement la taille de son quantitative easing, renforçant ainsi sa capacité à atténuer le coût d’intervention des États de la zone. Le quantitative easing pouvant aussi consister à acheter des dettes d’entreprises, il sera intéressant de voir si cette solution est adoptée plus significativement, avec toutefois le risque de se voir reprocher l’aléa moral : pourquoi subventionner telle entreprise plutôt qu’une autre, ne s’agit-il pas de soutiens favorisant la constitution de futurs monopoles… ? Mais les banques centrales sont avant tout à la manœuvre afin que le système bancaire contribue à atténuer cette crise de liquidités. Des assouplissements réglementaires sont pour ce faire accordés : les habituelles modalités de calcul quant aux portefeuilles de prêts non performants sont suspendues, les contraintes de capitaux propres requis pour pouvoir accorder des prêts sont allégées… Bien évidemment, les taux d’intérêts des banques centrales sont souvent abaissés (lorsque cela a encore une utilité !), des capitaux sont mis à la disposition des banques à des conditions imbattables sous condition de les reprêter aux entreprises ou aux ménages en difficultés, notamment en s’appuyant sur des garanties financières des États… Si les banques ont bien entendu conscience de l’importance de leurs responsabilités dans ces circonstances extraordinaires, il faudra toutefois parfois user du pouvoir de persuasion des banques centrales pour que toutes ces liquidités injectées parviennent bien à ceux qui en ont besoin. La créativité des banques centrales lors des crises financières est toujours sous-estimée : elles pourraient par exemple s’inspirer des achats indiciels effectuées par la banque centrale du Japon, ce qui revient à financer sans trop de biais d’aléa moral l’économie nationale ! Pour plus d’efficacité, il serait toutefois nécessaire que les banques centrales affichent plus de coordination et qu’elles soient particulièrement rigoureuses dans leurs communications afin de rassurer les marchés financiers, car ils seront un maillon indispensable lors des financements économiques à venir.

Les soutiens monétaires et budgétaires doivent toutefois être employés avec une certaine parcimonie car, lorsque la crise de liquidités sera passée, il conviendra encore de procéder à certains soutiens sectoriels ciblés, parfois même à des nationalisations… Après la crise de l’offre, il faudra s’occuper de celle de la demande, et conforter la confiance des agents économiques dans l’avenir. Les grands projets, tel le Pacte Verteuropéen pourraient être vite activés afin de donner une impulsion supranationale en complément des efforts de chaque État. C’est durant cette phase de reprise d’activité que les marchés financiers offriront de nouveau le service que l’on attend d’eux : contribuer activement au financement de la reprise.

Les marchés financiers :

Pour contribuer au financement de l’économie, les marchés financiers doivent d’abord retrouver un peu de sérénité : autrement dit, la nervosité caractérisant les diverses classes d’actifs doit retomber ! Comme le montre par exemple l’indice de volatilité des actions américaines, le VIX, les investisseurs ont atteint un niveau de panique équivalent aux situations les plus extrêmes durant la crise des subprimes. Ces phases de marchés, bien que particulièrement éprouvantes, sont toujours très riches en enseignements, et il nous semble que des informations utiles pour l’avenir peuvent déjà en être extraites.

Premier constat : toutes les classes d’actifs finissent par baisser. Ceci n’est pas atypique, les pertes supportées par certains investisseurs sur les classes d’actifs réputées risquées nécessitant d’effectuer des ventes sur les actifs qui ont mieux résisté. L’or est par exemple assez évidemment pris dans cet effet de dominos : le pétrole et les autres matières premières industrielles s’effondrent et il faut vendre de l’or pour compenser ces pertes. Par ailleurs, le développement de gestions s’appuyant pour leurs allocations sur des indices globaux a aussi des effets d’entraînements sur certains de leurs composants en principe décorrélés. Prenons une fois encore l’exemple des matières premières, si vous êtes investis sur un indice global de matières premières et que vous le vendez par crainte du cycle économique, vous cédez alors en même temps de l’or, même si vous êtes convaincus que ce dernier pourrait offrir une certaine protection potentielle. Enfin, beaucoup de gestions fonctionnent par enveloppes de risques, et elles sont contraintes d’alléger l’intégralité de leurs actifs lorsque la volatilité de leur portefeuille franchit certains seuils. Durant ces phases de capitulations, il y a donc beaucoup d’effets mécaniques, des flux boursiers purs, aboutissant à des fluctuations de prix ne reflétant plus nécessairement les fondamentaux et perspectives des actifs. S’il faut trouver un point positif à ces baisses violentes : les marchés ont assuré une de leurs fonctions majeures, celle d’apporter la liquidité à ceux en ayant besoin impérativement !

Obligations souveraines :

Les obligations souveraines avaient protégé les investisseurs durant la première phase de baisse des marchés, mais elles ont finalement elles aussi craqué en dépit des décisions très accommodantes des banques centrales. Est-ce étonnant ? Il nous semble que les investisseurs sont parfaitement rationnels et qu’il convient, paradoxalement, de se méfier désormais d’une trop forte exposition aux obligations d’États, et notamment de celles ayant des échéances éloignées. En effet, les États vont devoir émettre énormément d’obligations pour financer les divers soutiens apportés à l’économie. Il est impossible à ce stade de savoir l’ampleur exacte de la charge budgétaire exceptionnelle que les États assumeront finalement, mais elle sera très élevée, et cela aura pour effet de déstabiliser l’équilibre entre l’offre (obligations émises par les États) et la demande (achats d’obligations par les investisseurs). Ceci explique l’importance de voir les banques centrales se porter par avance massivement acquéreur d’obligations souveraines durant les prochains mois ! Le second constat intéressant est que les obligations des États ne sont plus toutes traitées de façon harmonieuse. Les pays ayant mené par le passé des politiques budgétaires orthodoxes se voient indiscutablement accorder une prime (moindre coût de l’emprunt) par rapport aux pays déjà fortement endettés ou affichant des déficits budgétaires chroniques : les fourmis sont récompensées et les cigales sanctionnées ! Ce phénomène peut notamment être mesuré au travers des différentiels de rendements obligataires entre pays. Les taux directeurs des banques centrales ayant déjà été ramenés aux planchers, c’est plutôt du côté des mesures hétérodoxes, tels que les Quantitative Easings, voire la monnaie-hélicoptère, que devraient venir les prochains soutiens additionnels. La protection apportée par les obligations souveraines semble désormais faible, l’effet de rareté s’estompant et leurs rendements étant très faibles. D’autres classes d’actifs semblent offrir des rendements-risques bien plus attrayants.

Obligations d’entreprises :

Pour ce qui est des obligations d’entreprises, leurs rendements se sont brutalement envolés durant le mois de mars. Cette situation est évidemment cohérente avec les doutes jaillissant quant à la capacité des sociétés à faire face à leurs échéances financières. Bien entendu, les entreprises déjà très endettées et/ou ayant des modèles économiques fragiles sont les plus susceptibles de faire défaut. Dans ces circonstances exceptionnelles, l’adage anglais s’impose : Cash is King ! Préserver aussi longtemps que possible la trésorerie de la société devient une préoccupation obsessionnelle, la survie de l’entreprise pouvant en dépendre. Au-delà des multiples facilités de paiement que les banques et les États mettent en place, les entreprises jouent sur les délais de paiements, tirent autant que possible sur leurs lignes de crédits bancaires, et elles sont parfois même amenées à vendre des actifs investis en bourse. Bien entendu, les plans de rachats de leurs propres actions, ou bien les versements de dividendes aux actionnaires passent au second plan des priorités, c’est pourquoi le détenteur d’obligation reste finalement plus protégé que l’actionnaire dans ce type de circonstances. À titre d’information, les rendements des obligations d’entreprises fragiles (i.e. le High Yield) intègrent désormais implicitement au moins 10% de défauts de paiements de la part de ces sociétés durant les prochains trimestres ! Deux caractéristiques spécifiques pèsent de plus sur ce segment particulier des obligations d’entreprises : leur liquidité boursière est systématiquement moins bonne que celle des entreprises solides, et un biais sectoriel pétrole pénalise tout particulièrement le High Yield américain, du fait des nombreuses sociétés exploitant les schistes bitumineux. La durée de cette pandémie étant incertaine, l’investisseur se doit de privilégier plutôt les obligations des entreprises solides (i.e. Investment Grade), qui sont les plus susceptibles de passer la crise.

Actions :

Comme toujours dans de telles circonstances, les actions concentrent l’attention des observateurs. Petit rappel à l’occasion, le non coté est tout autant prisonnier de cette conjoncture épouvantable, simplement les médias n’en parlent pas, mais l’absence de liquidité de ces actifs devrait être questionnée par leurs détenteurs, leurs faiblesses se révélant alors ! Pour ce qui est des actions cotées, plusieurs constats peuvent être faits : les baisses sont d’une violence historique, elles sont relativement homogènes entre les grandes places boursières, de même qu’entre types de capitalisations (multinationales vs petites entreprises) ou entre styles de gestion (valeurs de croissance vs sociétés décotées)… Les ventes sont donc systématiques ! En revanche les secteurs défensifs (télécoms, services collectifs, santé…) jouent à l’habitude leurs rôles d’amortisseurs, alors que les transports aériens, les financières, les matières premières et l’automobile ne cessent en revanche de s’enfoncer. Il est également intéressant de constater que les investissements éthiques ont tendance eux aussi à plutôt surperformer dans ces phases de replis extrêmes. Les sociétés ayant des modèles économiques très solides, peu de concurrents, et disposant surtout d’importantes réserves de trésorerie baissent, mais nettement moins que d’autres profils plus fragiles : les investisseurs sont réticents à s’en défaire, et ils devraient remobiliser en priorité leurs liquidités sur ce type d’entreprises lors des phases de rebond. Les programmes de rachats d’actions par les entreprises elles-mêmes ou les versements de dividendes semblent compromis dans bien des cas, aussi ne faut-il pas compter dessus si l’on envisage d’investir sur les actions. Bien que d’une violence extrême, les gouvernements et les banques centrales ont pris la pleine mesure de ce choc conjoncturel, c’est pourquoi un dérapage additionnel en crise financière, puis en dépression économique, reste une hypothèse faible. Des nationalisations sont menées, d’autres viendront encore, et il est probable qu’avec le recul, certains États fassent en cette occasion des achats dans de très intéressantes conditions financières. Au sortir de cette crise, les créanciers privés ou bancaires seront certainement beaucoup plus regardants quant aux entreprises à qui ils accordent encore leur confiance, ce qui signifie que beaucoup d’entreprises zombies (i.e. survivant jusqu’à présent grâce aux perfusions financières) soient amenées à disparaître. Les multinationales disposant de beaucoup de trésorerie pourront probablement racheter des concurrents ou des briques technologiques les intéressant pour peu cher. Les groupes leaders seront alors confortés dans leurs parts de marchés et dans leurs pouvoirs de négociations à l’égard de leurs clients ou de leurs fournisseurs : ce sont ces sociétés qu’il faut privilégier dans les allocations. L’ampleur du décrochage économique sera très forte, c’est pourquoi, par effet de base, le début d’année 2021 permettra aux entreprises d’afficher de très fortes progressions de bénéfices, d’autant que les soutiens budgétaires et monétaires prendront leurs pleins effets à cet horizon. L’épargnant ayant une perspective d’investissement suffisamment éloignée et n’ayant pas besoin de mobiliser rapidement de la trésorerie devrait réaliser de bons achats actuellement, sans qu’il soit possible de déterminer le niveau idéal d’achat puisque l’échéance de cette crise sanitaire reste une inconnue.

Matières premières :

Sur les matières premières, un véritable contre-choc pétrolier s’est produit : le coronavirus a fait éclater l’alliance de circonstances qui rapprochait depuis des années l’Arabie Saoudite et la Russie ! L’effondrement de la consommation mondiale de pétrole exigeait, pour soutenir les prix, que de très importants quotas additionnels soient mis en œuvre, mais aucun accord n’a été trouvé. Pire encore, chacun a décidé d’accroître désormais sa production pour gagner des parts de marché, aux dépens des prix. Le but est évidemment d’affaiblir les producteurs américains qui ont plusieurs faiblesses : leur coût d’extraction est plus élevé, ce sont des entreprises privées plutôt qu’étatiques, et généralement déjà très endettées. La conséquence a évidemment été d’ébranler brutalement le secteur pétrolier et les emplois directs et indirects qui lui sont associés, mais aussi leurs créanciers et actionnaires ! Tant que ce bras de fer se prolongera, le pétrole restera peu coûteux, impliquant des transferts de pouvoir d’achat massifs des pays producteurs vers les pays consommateurs de pétrole. Les pays importateurs de pétrole bénéficient ainsi actuellement d’un allègement de facture énergétique massif : c’est un important soutien financier, sans même que leurs gouvernements n’aient à débourser la moindre somme. Les autres matières premières ont été emportées par cette vague, y compris les métaux précieux ! La conséquence est, en fin de compte, de fragiliser plus particulièrement certains pays émergents dont les économies sont trop peu diversifiées et dépendantes des recettes issues des matières premières. La reprise économique profitera aux matières premières, et l’or retrouvera certainement sa fonction d’actif refuge de diversification. 

Émergents :

Au-delà des matières premières pénalisant beaucoup de pays émergents, ces derniers souffrent de nombreuses faiblesses qui en font une cible privilégiée des flux vendeurs. Le coronavirus a provoqué une importante chute d’activité dans ces pays, et les baisses de taux d’intérêts engagées par leurs banques centrales ont fortement pesé sur leurs devises. Pour l’investisseur étranger, c’est donc la double peine : l’actif baisse du fait de ses fondamentaux, et en plus il subit une sanction additionnelle au travers de la devise. Les institutions financières de ces pays ont de plus une assise financière insuffisante pour s’opposer à l’ampleur des flux internationaux sortants. La moindre liquidité boursière des actifs émergents explique aussi fréquemment des ampleurs de replis atypiques. Il est fort possible qu’en fin de compte cette épidémie incite certains pays et entreprises à remettre à plat la segmentation internationale de leurs productions, car des vulnérabilités et dépendances importantes ont été mises en évidence à cette occasion : une relocalisation géographique des productions pourrait intervenir, avec éventuellement un contrecoup en termes d’inflation.

Devises :

Au-delà de la poursuite de l’inexorable repli des devises émergentes, l’ensemble des devises a fait l’objet de fluctuations extrêmement erratiques depuis le début de l’année. Les réflexes de refuge vers le Yen japonais et le Franc suisse ont fonctionné à leur habitude. En revanche, le Dollar, lui aussi traditionnellement recherché dans ces circonstances, a été extrêmement fluctuant, notamment face à l’Euro. Ceci s’explique par la spectaculaire décision de la FED de porter la borne supérieure des taux américains de 1.75% à 0.25% alors que la BCE laissait ses taux inchangés ! Difficile à ce stade de se prononcer sur l’évolution à venir de la parité Euro-Dollar, tant l’ampleur des interventions budgétaires et monétaires sont complexes à anticiper, chaque jour amenant son lot de nouvelles annonces de chaque côté de l’Atlantique. De plus, la mauvaise gestion de cette crise sanitaire par D. Trump et son Administration pourrait remettre en cause ses chances de l’emporter lors de l’élection présidentielle en fin d’année, d’où une possible nervosité persistante à venir du Dollar.

Synthèse de nos vues :

  • Les obligations souveraines n’offrent plus de protection satisfaisante du fait de l’ampleur des émissions à venir.
  • Les obligations d’entreprises solides doivent être privilégiées, les faillites pouvant frapper beaucoup d’entreprises notées High Yield.
  • Les actions doivent être progressivement renforcées car, à l’horizon d’un an, elles devraient afficher de très fortes progressions de bénéfices.
  • Les prix du pétrole restent dépendants du triptyque Arabie Saoudite – Russie – États-Unis, les métaux industriels se redresseront, et l’or servira d’actif refuge de diversification.
  • Les émergents présentent d’importantes fragilités fondamentales persistantes nous incitant à leur préférer les investissements dans les pays développés. 
  • Le Dollar pourrait rester versatile, notamment du fait de l’incertitude quant à l’élection présidentielle en fin d’année.

Investir aujourd’hui permettra à celui qui en a les moyens de combiner des achats pertinents de long terme, tout en contribuant au maintien et à la reprise de l’activité économique. Les équipes de WeSave restent à votre disposition pour vous accompagner dans vos divers projets financiers actuels ou à venir.

Après la pluie, le beau temps ?

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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