Date de publication : 2 décembre 2024

Dans un contexte géopolitique et économique déjà difficile, la réélection de D.Trump à la présidence des États-Unis soulève de très nombreuses interrogations pour l’Europe. Hasard du calendrier, la coalition gouvernementale tripartite allemande a volé en éclat le jour même de cette réélection. Le déclin relatif en cours de l’Europe est-il inexorable, et faut-il envisager de redéployer ailleurs dans le monde certains investissements effectués jusqu’à présent sur la zone ?

« L’Union européenne est devenue un empire bureaucratique qui cherche à dicter son modèle à tous. » (V.Klaus)

D.Trump est réélu, mais la situation est bien différente de son 1er mandat présidentiel. Celui-ci bénéficie désormais d’une légitimité politique importante, puisqu’ayant été élu par 74 millions d’électeurs, contre 70 millions pour sa rivale. Par ailleurs, il disposera d’un appui législatif décisif, la majorité du Congrès américain étant désormais en sa faveur : le rapport de force est de 53 élus Républicains contre 47 Démocrates au Sénat, et de 221 élus Républicains contre 214 Démocrates à la Chambre des Représentants. De plus, la Cour Suprême américaine est déjà dominée par les conservateurs (6 juges) face aux progressistes (3 juges), et le jeu des nominations à venir par D.Trump ne peut que conforter cet écart aux incidences majeures. En 2026, D.Trump pourra également nommer le successeur de J.Powell à la tête de la Banque Centrale américaine (FED). Enfin, D.Trump a, cette fois-ci, élaboré en amont de l’élection une équipe dirigeante lui paraissant pertinente pour mettre pleinement et rapidement en œuvre sa politique, alors qu’il s’y était bien moins préparé en 2017. Par effet miroir de ces « pleins pouvoirs », la fragmentation et la fragilité politique actuelle des principaux pays européens ne peut qu’inquiéter quant à leur capacité à faire front commun face aux provocations déstabilisatrices à venir de D.Trump. Celui-ci aura en effet beau jeu d’amadouer certains pays européens par quelques concessions symboliques pour casser l’unité de la zone, dressant les uns contre les autres, et ramenant ainsi le rapport de force à des bras-de-fer bilatéraux que les États-Unis gagneront. Le manque de cohésion politique européen risque, de plus, d’atténuer ou de différer toute velléité de rétorsion qui s’imposerait normalement face aux divers « chantages » que D.Trump ne manquera pas d’exercer. Le rapport de force politique est donc très déséquilibré entre l’Europe et les États-Unis.

La première humiliation politique majeure que D.Trump pourrait infliger à l’Europe serait de mettre en application sa promesse de campagne : restaurer très vite la paix entre l’Ukraine et la Russie, mais en accordant notamment de très importantes concessions territoriales à la Russie (Crimée et Donbass ?). L’Europe ne pouvant pas se substituer financièrement ou militairement aux États-Unis dans ce conflit, elle ne pourrait que chercher à en limiter l’étendue. Une telle situation serait un aveu de faiblesse extrême pour la zone et, pour la Russie, cela pourrait être considéré comme un encouragement à effectuer de nouvelles agressions dans le futur. De plus, au vu de l’ampleur de leurs engagements respectifs dans ce conflit, il est probable que les principaux projets de reconstruction de l’Ukraine bénéficieraient surtout aux entreprises américaines plutôt qu’européennes. D.Trump étant un faiseur de « deals », il pourrait aussi exercer une très forte pression sur l’Europe pour que les budgets alloués à la Défense par la zone soient bien plus conséquents qu’aujourd’hui, et que des entreprises américaines en profitent en premier lieu. Si tel est le cas, l’Europe soutiendrait l’industrie militaire américaine (donc la croissance américaine) sans en tirer vraiment d’avantage économique, technologique, géostratégique, etc… pour son propre compte. Alors que les débats budgétaires sont déjà très tendus entre les pays européens, le « retour sur investissement » d’un tel « deal » serait alors très discutable et acterait la faiblesse de l’Europe vis-à-vis des États-Unis.

Le 47ème Président des États-Unis est surtout attendu sur sa politique commerciale à l’égard du reste du monde. La stratégie de D.Trump consiste à tenter de restaurer la balance commerciale du pays en imposant systématiquement des droits de douane de 10% (voire de 60% s’il s’agit de produits chinois !) sur tout produit entrant sur le territoire américain. L’idée serait que les droits de douane ainsi prélevés contribueraient à financer des baisses d’impôts pour les sociétés implantées aux États-Unis (ramener le taux d’impôt sur les sociétés de 21% actuellement à 15%), encourageant ainsi de nombreuses multinationales étrangères à s’implanter dans le pays pour tout à la fois éviter de devoir payer ces droits de douane, tout en bénéficiant d’une fiscalité attractive et d’un marché local porteur. D.Trump veut donc que le reste du monde contribue ainsi à la réindustrialisation du pays, confortant ainsi son avance économique, la croissance nationale, les créations d’emplois, les rentrées fiscales qui en découlent, la souveraineté nationale, etc… La conséquence de ce protectionnisme tarifaire américain sera une soudaine et brutale perte de compétitivité des entreprises étrangères dès lors qu’elles souhaitent vendre des produits aux États-Unis. La Chine sera plus particulièrement dans le viseur américain, mais tous les pays ou zones économiques exportant vers les États-Unis le seront aussi. C’est, hélas, précisément le cas de l’Union Européenne, sa balance commerciale pour les biens manufacturiers ayant été excédentaire vis-à-vis des États-Unis de près de 156 Mds € en 2023. L’Allemagne, déjà en grande difficulté économique actuellement, perdrait là une source très importante de croissance et de revenus. La situation devrait même être bien plus difficile encore pour l’Europe car la Chine, si elle perd ses débouchés industriels vers les États-Unis, se retrouvera avec de très importants excédents de production qu’elle sera tentée de déverser agressivement dans le monde, et notamment sur les marchés européens. Autrement dit, les entreprises européennes seraient confrontées à une très intense concurrence chinoise, alors même que les débouchés américains diminueraient : les chiffres d’affaires et les marges bénéficiaires des entreprises européennes pourraient alors décevoir les attentes des investisseurs ! La tentation d’un protectionnisme tarifaire généralisé sera alors forte et, l’Europe étant globalement une zone commerciale excédentaire, serait un perdant important de toute contraction du commerce international.

L’une des caractéristiques additionnelles de la politique économique de D.Trump consiste à vouloir déréguler de très nombreux secteurs, de façon à soutenir l’activité et la productivité américaines, permettant alors aux salaires et au pouvoir d’achat des employés de progresser dans le pays, sans que les marges bénéficiaires des entreprises n’en soient pour autant significativement affectées. Là encore, l’Europe devrait souffrir très défavorablement de la comparaison puisque c’est précisément l’un de ses plus graves défauts que de très systématiquement réglementer les activités, parfois même bien avant qu’elles n’aient pu atteindre une certaine maturité économique ! Les réglementations concernant la transition énergétique, ou bien encore celles sur l’intelligence artificielle en sont de bons exemples récents : c’est pourquoi les transferts de capitaux et d’activité de l’Europe vers les États-Unis pourraient s’intensifier ! L’Europe étant déjà particulièrement dépendante des technologies américaines et, si de nombreuses startups européennes venaient à se délocaliser vers les États-Unis, les potentiels respectifs de croissance transatlantique risqueraient de diverger bien plus encore, et le différentiel ne pourrait plus être comblé par la suite ! De plus, la démographie respective des deux zones ne joue pas en faveur de la vieillissante Europe : une entreprise sera a priori plutôt séduite par la disponibilité, la flexibilité et la productivité de la main-d’œuvre américaine. Un mur de difficultés se dresse donc devant l’Europe !

« L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises. » (Jean Monnet)

L’élection de D.Trump aura d’importantes conséquences négatives pour l’Europe, mais il n’est pas impossible qu’elle se révèle être finalement aussi l’électrochoc qui manquait justement à la zone pour se reprendre en main. Les diagnostics ont déjà été posés à de très multiples reprises, et le dernier rapport en date (septembre 2024), remarquablement détaillé et argumenté, est celui de l’ancien président de la Banque Centrale Européenne (BCE), et ancien Président du Conseil italien : M.Draghi. Ce rapport se concentre sur trois axes majeurs :

  • Innovation technologique : le rapport souligne le retard de l’Europe par rapport aux États-Unis et à la Chine en matière d’innovation, notamment dans l’intelligence artificielle, la robotique et les technologies avancées. Ses conseils sont la création d’un écosystème numérique européen solide, favorisant la collaboration entre universités, startups et entreprises pour combler cet écart. Pour y parvenir, un important travail d’harmonisation et de simplification des réglementations entre États membres est recommandé afin de stimuler l’innovation à l’échelle européenne.
  • Transition énergétique et décarbonation : le rapport recommande une approche coordonnée pour réduire les coûts énergétiques, facteur essentiel pour préserver la compétitivité des entreprises européennes. Il encourage un investissement massif dans les infrastructures des énergies renouvelables, mais aussi la création de réseaux énergétiques intelligents transfrontaliers. Ce plan vise à réduire la dépendance énergétique européenne vis-à-vis des énergies fossiles et des importations, tout en respectant les objectifs de neutralité carbone que la zone s’est fixée.
  • Défense et sécurité stratégique : au vu du contexte géopolitique actuel, le rapport recommande logiquement de renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe en réduisant sa dépendance pour les matières premières critiques et les technologies essentielles, en particulier vis-à-vis de la Chine. Le rapport recommande également de rechercher une plus grande standardisation et une meilleure coordination de l’industrie de la Défense européenne, pour rendre l’Union Européenne moins dépendante des États-Unis, et qu’elle puisse enfin répondre aux crises de manière indépendante.

À ce stade, les recommandations du rapport Draghi butent toutefois sur les contraintes politiques et budgétaires ​des États européens. Les pays favorables à l’orthodoxie budgétaire sont en effet très réticents à libérer, comme l’encourage ce rapport, une enveloppe RÉCURRENTE de 800 Mds € chaque année, jusqu’à ce que les retards de la zone soient suffisamment comblés. Pour se figurer l’ampleur de l’effort budgétaire suggéré par ce rapport, durant la crise de la COVID, l’Union Européenne avait mis en place un emprunt commun inédit, baptisé « NextGenerationEU » de 750 Mds €, soit environ 5% du PIB de la zone ! C’est pourquoi, paradoxalement, l’éclatement de la coalition gouvernementale allemande pourrait en fin de compte devenir une opportunité pour le pays, et peut-être plus encore pour l’Union Européenne ! En effet, la coalition a éclaté parce que le Parti Libéral (FDP), en charge des finances du pays, était obnubilé par le strict respect de la règle constitutionnelle allemande de « frein à l’endettement », limitant le déficit budgétaire annuel à 0,35% du PIB. En revanche, le Parti social-démocrate (SPD) et les écologistes (Die Grünen) souhaitaient l’application de la règle d’exception, autorisant le dépassement de ce plafond en cas de ralentissement économique conjoncturel. L’Allemagne dispose en effet d’une situation budgétaire très saine (64% de dette/PIB en 2024), rendant très paradoxale l’orthodoxie budgétaire à outrance quand le pays frise la récession depuis 2 ans, et qu’il voit son modèle économique structurellement fragilisé. F.Merz, le chef de file du parti chrétien-démocrate (CDU), et possible futur chancelier allemand, s’est dit ouvert, dans certaines circonstances, à une réforme de la disposition constitutionnelle du « frein à l’endettement ». Les partenaires européens de l’Allemagne devront toutefois s’armer de patience car former une coalition gouvernementale en Allemagne prend toujours du temps, celle-ci pourrait être particulièrement difficile à constituer, et il n’est pas certain en fin de compte que la future coalition s’entende pour réformer la constitution du pays et supprimer la règle du « frein à l’endettement ». Il serait bon en tout cas de restaurer au plus vite la confiance des ménages et des chefs d’entreprise dans l’Union Européenne, car c’est un véritable gâchis que de constater l’ampleur du taux d’épargne des ménages (25%) qui pourrait aisément financer de très nombreux projets stratégiques que la zone souhaiterait voir développés. En Europe, les ressources financières sont disponibles, mais la question est d’avoir la volonté de mobiliser ces ressources pour des projets d’investissements, et cela sans trop attendre, car les autres zones, elles, progressent dans le même temps !

En attendant d’avoir plus de visibilité quant à la prochaine formation gouvernementale allemande, il convient de relativiser le pouvoir de nuisance de D.Trump. En premier lieu, ce dernier est très loquace mais, comme l’a démontré son 1er mandat présidentiel, bien des promesses n’ont finalement pas été tenues. L’Europe, comme la plupart des pays dans le monde, devrait par ailleurs pouvoir absorber une partie des hausses des taxes américaines à la frontière grâce à l’appréciation du Dollar. Ainsi, depuis la fin du mois de septembre, le Dollar a déjà progressé de +4,9% face au panier des 6 principales devises au monde (l’Euro, le Yen japonais, la Livre britannique, le Dollar canadien, la Couronne suédoise, et le Franc suisse), ce qui signifie qu’en l’état actuel des choses, la moitié des taxes à l’importation américaines seraient déjà neutralisées par les mouvements de devises. Il est par ailleurs peu probable que D.Trump applique une surtaxe sur l’ensemble des produits importés : il est souvent impossible de trouver des produits de substitution sur le territoire américain, et la stricte application de ces tarifs douaniers aboutirait à une montée de l’inflation dans le pays et donc à une inutile perte de pouvoir d’achat pour les ménages américains, alors même que D.Trump s’est fait élire sur ce thème ! De plus, contrairement à son 1er mandat en 2017, les situations budgétaire (déficit de 6,4% du PIB en 2024) et d’endettement du pays (ratio de dette/PIB à 125% actuellement) sont très dégradées, ce qui signifie que sa marge de manœuvre financière est bien moindre qu’auparavant. Pour ne rien arranger, le coût d’emprunt pour le Trésor américain ne cesse de remonter, les investisseurs s’attendant à ce que le programme économique de D.Trump soit inflationniste, diminuant d’autant la probabilité de baisse de ses taux directeurs par la FED. Ainsi, début octobre les marchés misaient encore sur un point terminal de baisse des taux de la FED vers 2,9% en 2025, alors qu’il s’établit désormais autour de 3,9%. Pour rappel, les simples intérêts de la dette fédérale américaine équivalent désormais au budget de la défense du pays ! Ceci explique pourquoi la question de l’indépendance de la FED est aujourd’hui un questionnement important pour les marchés : quelle sera l’intensité de la pression exercée par D.Trump sur la FED pour que les taux directeurs baissent et/ou pour que cette dernière reprenne ses achats de dette de l’État américain (i.e. le « quantitative easing ») ? Le Congrès a beau être acquis aux Républicains, il n’est toutefois pas certain que tous les élus (les sénateurs notamment !) soient prêts à laisser filer beaucoup plus les finances du pays ou bien encore à renoncer à l’indépendance de la FED !

Tant que les pays de l’Union Européenne ne se seront pas entendus pour engager d’importants investissements de long terme (cf. plan Draghi), les décisions de la Banque Centrale Européenne (BCE) seront décisives pour la zone. Rappelons tout d’abord que le mandat de la BCE consiste en priorité à maintenir une hausse des prix régulière autour de 2%. En l’absence d’impulsion budgétaire forte, la croissance économique de la zone devrait rester atone, d’où une dynamique des prix et des salaires logiquement déprimée, justifiant d’appliquer une politique monétaire accommodante. Si par ailleurs la concurrence chinoise venait à s’intensifier, c’est peut-être même à de la déflation et pas à une simple désinflation à laquelle la zone pourrait être confrontée, justifiant de baisser encore plus vite et plus fort les taux directeurs. D.Trump pourrait aussi se révéler être un allié inattendu de la BCE car, s’il parvient à mettre fin à certains conflits dans le monde, ou bien encore à encourager le secteur pétrolier américain à extraire agressivement du pétrole, cela pourrait faire baisser fortement les prix de l’énergie et donc l’inflation. Pour la BCE, le principal argument pour ne pas appliquer une politique monétaire très accommodante est que le renforcement en cours du Dollar favorise l’inflation importée via les devises. Toutefois, de façon contre-intuitive, une baisse prononcée des taux directeurs de la BCE pourrait paradoxalement être favorable à l’Euro, car c’est notamment le différentiel de croissance économique entre les États-Unis et l’Union Européenne qui explique le recul actuel de l’Euro : en baissant ses taux directeurs agressivement, la BCE enverrait un message de soutien volontariste à la croissance économique, ce qui devrait se traduire par une appréciation relative de l’Euro. Le rapport Draghi note qu’un plan massif d’investissements à l’échelle européenne entraînerait temporairement une poussée de l’inflation, mais que celle-ci se résorberait graduellement, à mesure que les gains de productivité se matérialiseraient : la BCE devra donc être prête à tolérer un temporaire dépassement de sa cible théorique de 2% d’inflation. Au final, c’est la combinaison de taux directeurs bas par la BCE et de soutiens budgétaires offensifs au sein de la zone qui serait le meilleur des scénarios pour les actifs de la zone, et pour offrir une véritable perspective favorable de long terme à l’Union Européenne. Les responsables politiques européens et les gouverneurs de la BCE sauront-ils prendre ce recul nécessaire, ou bien resteront-ils enfermés dans leurs postures et leurs routines ? Comme le rappelle le proverbe français : « C’est au pied du mur qu’on juge le maçon » !

Point de vue sur les actifs financiers européens

Actions

  • Depuis la réélection de D.Trump, les actions américaines prennent une avance spectaculaire, surtout avec l’impact additionnel de la hausse du Dollar : « America First » !
  • L’écart de valorisation entre actions américaines et européennes n’a jamais été aussi important depuis 1995 si l’on retient l’indicateur habituel de la capitalisation boursière rapportée aux bénéfices (i.e. le PER, ou «  Price-Earnings Ratio ») : la décote européenne est de 41% pour l’année en cours et même de 53% pour l’année prochaine !
  • Au vu de cette décote de valorisation et de la force relative du Dollar, les entreprises européennes pourraient devenir des proies potentielles pour les sociétés américaines : les fusions et acquisitions pourraient soutenir la cote européenne.
  • Les grandes capitalisations européennes, parce qu’étant déjà physiquement très implantées aux États-Unis, ne souffriront pas trop des surtaxes américaines : préférer alors ce segment de la cote plutôt que les petites sociétés européennes.
  • Le fort rebond du Dollar améliore la compétitivité des sociétés exportatrices, ce qui est, là encore, plutôt favorable aux grandes capitalisations.
  • La dynamique de forte baisse des taux attendue de la BCE améliore progressivement, en relatif, le rendement des dividendes des actions européennes par rapport au rendement désormais décroissant des obligations de la zone, et cela améliore aussi la valorisation des actions (cf. calcul d’actualisation des bénéfices futurs).
  • Les investisseurs internationaux étant très peu investis sur les actions européennes, le risque de flux boursiers vendeurs additionnels semble alors modéré, et toute avancée vers l’exécution du plan Draghi prendrait brutalement à revers les investisseurs, les encourageant à revenir violemment sur la zone … l’exemple récent des actions chinoises en est un bon rappel !
  • De nombreux fonds spéculatifs (les « Hedge Funds ») ont mis en place des stratégies d’arbitrage d’achat d’actions américaines financées par la vente concomitante d’actions européennes (stratégies dites de « Long-Short ») : toute déception sur les actions américaines les contraindrait à réduire ces stratégies et à devoir alors acheter des actions européennes !
  • Au vu des tests de corrélation entre les actions des 2 zones, il y a une forme de complémentarité entre les actions européennes, plutôt « Value » (sociétés décotées), et les actions américaines, plutôt « Growth » (valeurs de croissance) : la diversification géographique est intéressante, même si les actions américaines doivent rester prépondérantes dans les allocations actuelles.

Obligations

  • La politique de D.Trump est inflationniste et impliquera, pour le Trésor américain, d’émettre énormément de nouvelles obligations pour compenser l’ampleur des déficits et de la dette du pays, ce qui pose problème à la FED et fait monter le rendement des obligations américaines.
  • Par arbitrage, les investisseurs internationaux pourraient être un peu moins friands des obligations européennes, puisque le différentiel de rendement proposé par exemple entre les États-Unis et l’Allemagne s’écarte fortement, et que la force du Dollar milite aussi en faveur des placements américains.
  • En revanche, les dynamiques respectives de politique monétaire des 2 Banques Centrales (FED et BCE) incitent à privilégier les obligations européennes car leur prix offre un potentiel d’appréciation, alors que ce n’est pas forcément le cas aux États-Unis.
  • Tant que la croissance économique européenne est atone et que la désinflation se confirme, la BCE devrait baisser ses taux directeurs, ce qui serait favorable aux prix des obligations de la zone.
  • Dans la mesure où les trésoreries des entreprises européennes ne sont pas particulièrement fragilisées actuellement, et que la BCE allègera les frais financiers des sociétés de la zone avec ses baisses de taux directeurs, les obligations des entreprises européennes, qu’il s’agisse du segment solide de l’ « Investment Grade » ou bien de celui plus spéculatif du « High Yield », nous semblent devoir être privilégiées dans les allocations obligataires.
  • Si le plan Draghi devait être activé, ce sont surtout les dettes des États européens qui en souffriraient potentiellement, même si les levées de capitaux se faisaient à l’échelle de l’Union Européenne, d’où notre préférence pour les obligations d’entreprises.

Conclusion

Que ce soit de son propre fait, ou bien sous la pression de la politique économique de D.Trump, l’Europe est à l’évidence désormais au pied du mur, et il lui faut impérativement reprendre en main son destin. M.Draghi a proposé une feuille de route qui semble cohérente et proportionnée à l’ampleur des défis auxquels la zone doit faire face. Plutôt que de rester arc-boutés sur la défense d’intérêts strictement nationaux, espérons que nos dirigeants politiques et que les responsables de la BCE se souviennent utilement de cette phrase d’I.Newton : « Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts » !

L’Europe, au pied du mur

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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