Date de publication : 10 mars 2020

La performance n’est pas tout ! La plupart des épargnants souhaitent aujourd’hui que leurs investissements aient une, voire plusieurs visées éthiques. Pas un jour ne se passe alors sans qu’une société de gestion ne revendique être justement spécialiste de l’investissement éthique, ayant donc toute légitimité pour assurer la gestion de ces capitaux. Mais la gestion dite de « convictions » est-elle la seule à pouvoir s’approprier ce champ d’investissements ? Autrement dit, la gestion indicielle rencontre-t-elle là une limite fondamentale à son expansion, et qu’en est-il alors de la gestion de WeSave s’appuyant précisément sur des indices boursiers au travers des ETF ?

ISR, ESS, RSE, ESG, de quoi parle-t-on ?

ISR : Investissement Socialement Responsable

L’ISR consiste à appliquer des principes de développement durable à des placements financiers. Il s’agit donc d’accompagner financièrement des entreprises privées ou des entités publiques, quel que soit leur secteur d’activité, à condition qu’elles s’engagent et qu’elles démontrent avoir des impacts environnementaux et sociaux positifs sur le long terme.

ESS : Économie Sociale et Solidaire

À la différence de l’ISR, le projet social de l’ESS l’emporte sur son objectif de rendement financier, puisque sans lui l’entreprise n’existerait même pas. Ces projets participatifs associent étroitement salariés, pouvoirs publics, usagers, clients, etc. Leurs financements s’accompagnent souvent d’avantages fiscaux spécifiques.

RS(E)E : Responsabilité Sociétale (et Environnementale) des Entreprises

La RSE ou RSEE est la prise en compte par les entreprises, sur la base du volontariat, d’enjeux environnementaux, sociaux et éthiques dans leurs activités. L’entreprise s’engage à rendre compte de ces actes par des reportings et des audits spécifiques, et d’en assumer les conséquences au travers d’actions de prévention ou bien, si nécessaire, de réparation.

ESG : Environnement, Social, Gouvernance

E, S et G sont les trois principaux critères généralement retenus afin d’évaluer le caractère éthique ou non d’un investissement.

  1. E pour Environnement : Cela consiste à mesurer les impacts environnementaux, tels que les émissions de CO2, la consommation d’électricité ou d’eau, le recyclage des déchets, les effets sur la biodiversité…
  2. S pour Social (ou Sociétal) : Il s’agit d’évaluer les impacts directs ou indirects sur les employés, les clients et les fournisseurst en termes de droits humains, de respect des normes internationales du travail, de sécurité, de représentation…
  3. G pour Gouvernance : L’attention est portée sur la manière dont l’entreprise est dirigée, administrée et contrôlée. Il s’agit de qualifier la nature des relations avec les actionnaires et le conseil d’administration, de veiller à la transparence des rémunérations des dirigeants, à la lutte contre la corruption…

Quelques repères chiffrés commentés :

Au-delà des nouveaux capitaux s’investissant vers l’ISR, la montée en puissance des fonds éthiques s’explique aussi par le fait que beaucoup d’établissements financiers remanient progressivement leurs gammes en fonds ISR. Les investissements éthiques sont, à ce stade, principalement concentrés sur les actions plutôt que sur les obligations. C’est là une spécificité des investissements éthiques : les actions dominent les obligations (561 Mds $ vs 140 Mds $ en septembre 2019, selon l’arrêté mondial effectué par le FMI), alors que le rapport entre ces classes d’actifs est radicalement inverse en temps normal ! Toutefois, les obligations s’emparent elles aussi progressivement de l’ISR, notamment au travers d’intéressantes évolutions durant ces dernières années. Des trois critères E, S et G, l’Environnement est clairement celui qui l’emporte auprès des émetteurs obligataires, et les discours supranationaux laissent plutôt envisager que cette tendance se poursuivra, voire s’intensifiera encore. L’Europe est, à l’évidence, la zone géographique la plus dynamique quant aux émissions obligataires éthiques et, plus généralement, il faut se féliciter du fait que les institutions financières et les émetteurs européens soient souvent leaders pour ce qui est des impulsions dans l’ISR. Il convient enfin de souligner la plus forte diversité de niveaux de risques désormais offerts (i.e. notations obligataires) et donc de niveaux de rendements associés, mais aussi une représentation sectorielle s’enrichissant progressivement, permettant aux investisseurs de composer des portefeuilles mieux diversifiés et donc plus adaptés aux couples rendements-risques attendus.

Investissements éthiques, comment procéder ?

L’épargnant souhaitant réaliser des investissements éthiques s’appuiera sur des notations ESG afin de déterminer s’il est souhaitable ou non d’accompagner l’entreprise ou l’État en finançant sa dette ou en devenant même éventuellement l’un de ses actionnaires. Il s’agit donc d’adjoindre aux critères financiers traditionnels une grille de lecture extra- financière, quantitative et qualitative, permettant de retracer les forces et les faiblesses de l’émetteur financier en matière d’ESG.Il convient donc de procéder en deux étapes : établir d’abord une cartographie de ce que l’émetteur a déjà réalisé en termes d’ESG, puis de chercher à évaluer les dynamiques qu’il compte leur donner dans le futur. L’investisseur devra enfin déterminer si l’un de ces critères est éventuellement prioritaire à ses yeux, ou bien s’ils doivent être également représentés. À tort, les investissements éthiques sont en effet souvent assimilés au seul critère de l’environnement et de la transition énergétique, ce qui est réducteur, bien qu’il semble toutefois logique de subordonner les deux autres critères au fait que la planète et que les Hommes puissent survivre !

Les critères extra-financiers de l’ESG doivent faire l’objet de mesures objectives, quantifiables, et leur traçabilité est essentielle, ces évaluations devant être menées régulièrement dans le temps pour en analyser les dynamiques favorables ou non. Mais l’ESG est une jungle aujourd’hui car chaque établissement de gestion, et chaque organisme de notation éthique, disposent d’indicateurs spécifiques leur semblant pertinents pour mesurer le E, le S et le G. Quand bien même les indicateurs retenus seraient identiques, le poids leur étant accordé dans la grille de notation n’est pas nécessairement homogène d’un établissement à l’autre, d’où des notations ESG pouvant diverger très sensiblement pour une même entreprise ! Faut-il par exemple concentrer son attention sur le bilan passé ou sur la dynamique future ? Ainsi, le groupe Total doit-il être jugé à l’aune de son activité pétrolière ou bien de ses développements dans l’éolien et dans le solaire ? C’est pourquoi, même si les critères de mesure de l’ESG sont objectifs, la façon de se les approprier est, elle, discrétionnaire et donc subjective !

Si on élude la problématique des très fréquentes divergences de notations ESG entre établissements financiers, se pose ensuite pour l’épargnant la question de mesurer en quoi son investissement a bel et bien contribué à infléchir favorablement l’éthique de l’émetteur financier dans le temps. Les sociétés de gestion sont alors confrontées à l’immense défi additionnel de la « mesure d’impact » des investissements qu’elles réalisent. Il est en effet finalement assez aisé d’appliquer des filtres ESG à ses investissements, d’où les soupçons de simple « verdissement » (« greenwashing ») des gammes de fonds, mais il est en revanche bien plus complexe de démontrer ensuite de façon tangible la contribution sociétale positive apportée sur le long terme (émissions de CO2, nombre d’emplois créés ou de licenciements évités…) ! Afin d’aider les épargnants à s’y retrouver dans le maquis d’offres d’investissements éthiques en France, des certifications officielles, tel le « Label ISR » ou bien encore le « Label Greenfin », qui est plus exigeant, cherchent à normer les offres de service des institutions financières. Il conviendrait de donner graduellement deux dynamiques à ces Labels : les rendre progressivement plus exigeants, et parvenir à une certaine harmonisation internationale afin de pouvoir vraiment comparer les offres ISR.

Comment choisir parmi les offres existantes ?

Ainsi que nous venons de le voir, l’investissement éthique varie considérablement d’un établissement financier à l’autre, puisque les méthodologies d’évaluation retenues diffèrent. Comment l’épargnant peut-il alors procéder pour sélectionner l’établissement, et plus encore le ou les supports d’investissements correspondant aux valeurs qu’il veut voir promues sur la durée ?

Les investissements éthiques peuvent généralement être identifiés par les types de stratégies qui les inspirent :

L’Exclusion

L’ISR a démarré sous cette forme. Il s’agissait à l’origine de répondre aux demandes spécifiques de communautés religieuses. La méthode de l’exclusion consiste à bannir de son portefeuille des secteurs d’activité tels que le tabac, l’alcool, les armes, la pornographie… C’est donc surtout une approche sectorielle. Plus récemment, se sont aussi développées les exclusions normatives, c’est-à-dire se tenir à l’écart des sociétés ou des pays ne respectant pas certaines normes ou conventions internationales.

La sélection ESG

Il s’agit de retenir les sociétés adoptant les meilleures pratiques environnementales, sociales et de gouvernance. La méthode le plus souvent privilégiée est celle du « Best in Class », privilégiant les émetteurs les mieux notés selon ces trois critères extra-financiers. Cette approche peut évidemment être combinée avec la stratégie de l’exclusion, notamment afin d’en faciliter la promotion commerciale auprès du grand public. Ce type de fonds permettant à l’investisseur de mutualiser les secteurs et les zones géographiques, ce sont de bonnes alternatives aux fonds traditionnels.

L’approche thématique

Ces offres se déclinent de deux façons : privilégier les émetteurs agissant dans un secteur spécifique, ou bien ceux favorisant certaines pratiques. Dans le premier groupe, on retrouve notamment les énergies renouvelables, l’eau, le traitement des déchets, la santé, la mobilité, la sécurité, le bâtiment, les technologies… Dans le second groupe, les fonds ont des focus très spécifiques sur les critères de l’Environnement, du Social, ou enfin de la Gouvernance.

Les fonds de partage

L’investisseur souscrivant à des fonds de partage renonce à tout ou partie des revenus de ses placements, ces derniers étant reversés à des fondations, à des associations caritatives, à des organisations humanitaires… Des allègements fiscaux sont généralement la contrepartie avantageuse de ces sacrifices financiers. Ces investissements n’ont, a priori, pas l’obligation de se soumettre à des critères ESG ou de pratiquer des exclusions sectorielles, même si c’est très souvent le cas.

Pourquoi une telle expansion de l’ISR ?

L’offre de fonds éthiques ne cesse de s’enrichir, car les intérêts des épargnants, mais aussi ceux des émetteurs financiers et des sociétés de gestion, convergent aujourd’hui. Certains y voient même une manière constructive de canaliser divers excès du capitalisme et de la finance internationale.

Pour l’épargnant, il s’agit de donner du sens à ses investissements, afin notamment de réconcilier présent et futur. Posséder n’est plus primordial, beaucoup de biens et de services étant aujourd’hui dématérialisés, ou pouvant faire l’objet d’une location ou d’un leasing. Louer un bien, plutôt que de le posséder, décourage par exemple la mise en œuvre de stratégies d’obsolescence programmée par les industriels, celles-ci n’ayant plus lieu d’être. La qualité et la proximité sont privilégiées, aux dépens de la quantité et de la distance. Laisser derrière soi une empreinte de son existence n’est plus comme auparavant une quête, mais c’est désormais au contraire une source de culpabilité ! L’épargne doit donc être plus en conformité avec ces nouveaux modes de consommation et ces philosophies de vie.

Pour les émetteurs, qu’il s’agisse des États ou des entreprises, l’ISR devient un passage obligé. La pression du public devient de plus en plus forte, les réseaux sociaux pouvant faire ou défaire une réputation, menaçant même parfois la survie de certaines entreprises. De même, pour attirer ou fidéliser certains employés, il est désormais indispensable de faire valoir des critères éthiques, des valeurs de solidarité, de protection de l’environnement… Pour l’entreprise, il s’agit aussi de profiter de ces bonnes pratiques pour améliorer sa rentabilité au travers d’économies d’énergie, d’allègements de charges de transports ou de frais d’assurance… Enfin, au-delà des risques, l’ISR est aussi et surtout une source d’opportunités multiples et de nouveaux marchés aux énormes potentiels qu’il convient de s’approprier : stockage énergétique, nouveaux matériaux, robotisation, santé, sécurité…

Pour les sociétés de gestion, l’ISR est tout d’abord une obligation réglementaire ! En France, l’article 173 de la Loi sur la Transition Énergétique pour la Croissance Verte contraint les sociétés de gestion à communiquer quant aux modalités de leurs politiques d’investissements. Ceci implique qu’aucun appel d’offre institutionnel ne peut plus se faire sans disposer d’une politique ISR explicite. L’investissement éthique est aussi l’occasion d’élargir la gamme de supports d’investissements proposés à la clientèle. C’est donc une source de revenus complémentaires, bienvenue alors que depuis des années la gestion de convictions ne cesse de perdre des capitaux au profit de la gestion indicielle. Les sociétés de gestion étaient jusqu’alors jugées au travers du seul prisme de la performance financière de leurs fonds, mais l’extra- financier permet de nuancer certains verdicts, notamment parce que l’ISR nécessite de s’inscrire dans une perspective de plus long terme et avec une palette d’indicateurs plus raffinés, nécessitant d’ailleurs pour certains d’être encore développés ou affinés. Plus subtilement, changer d’indice de référence, le fonds devenant ISR, permet aussi de gommer des contre-performances passées. Enfin, l’ISR est l’occasion de justifier plus légitimement des frais de gestion prélevés, une valeur ajoutée extra- financière venant compléter les analyses financières déjà menées traditionnellement.

Si le développement des fonds éthiques s’est accéléré durant les dernières années, c’est notamment aussi grâce à certains développements technologies, tel le stockage de bases de données, le développement de puissances de calculs qui n’existaient pas auparavant, mais surtout, plus récemment, celui de l’intelligence artificielle. En effet, ce dernier développement permet d’automatiser des analyses pointues, de comparer les dires des entreprises à celles de leurs clients, de leurs fournisseurs, ou de leurs concurrents, et de disposer alors de grilles de comparaisons objectives entre les divers émetteurs, et ceci pour chacun des critères E, S, ou G.

L’ISR, synonyme de moindre performance pour l’épargnant ?

L’investisseur ISR se privant de certains supports d’investissements possibles (cf. exclusions des portefeuilles), cela ne réduit-il pas son espérance de performance sur la durée ? Les conclusions des études sur le sujet sont souvent contradictoires car cela dépend de l’horizon d’analyse retenu, mais orienter ses investissements au travers de filtres éthiques semble être plutôt désormais au contraire une source de surperformance.

Le financier et l’extra-financier convergent

La frontière entre les travaux des analystes financiers traditionnels et ceux étudiant les facteurs ESG s’estompe aujourd’hui, permettant de mieux mesurer la contribution de l’extra-financier à la performance. Une inondation, une tempête ont un coût que l’assurance évalue précisément. De même, les amendes qui seraient appliquées aux constructeurs automobiles en cas de non-respect des normes de CO2 sont concrètes. Posséder un puits de pétrole ou une mine qui ne vaut peut-être plus rien à terme du fait de la transition énergétique, et il faut alors déprécier comptablement la valeur de cet actif dans vos comptes ! Une entreprise dont la rotation des effectifs est trop importante voit sa trésorerie pénalisée par des surcoûts de recrutement et de formation, et perd en productivité au profit de certains concurrents qui savent attirer et fidéliser les bons éléments. Une trop forte concentration et un mauvais contrôle des pouvoirs confiés à certains dirigeants d’entreprises peuvent déstabiliser gravement des sociétés, comme l’a montré récemment le cas C.Ghosn chez Renault- Nissan. Tous ces exemples démontrent que, l’ISR permettant d’anticiper et donc d’éviter certaines contre-performances boursières spécifiques, sa contribution à la performance peut être considérée comme favorable sur la durée.

L’ISR donne lieu à des flux de capitaux nets positifs

Les investissements éthiques se généralisant, les entreprises les moins bien disantes en termes d’ESG sont progressivement écartées des portefeuilles au profit des bons élèves. Leurs poids dans les indices diminuent alors, jusqu’à être parfois même exclues des indices, faute de capitalisation boursière ou d’échanges quotidiens suffisants sur le titre. En cas de baisse des marchés, les gérants seront réticents à se dessaisir des entreprises ayant de solides notations extra-financières, alors qu’ils n’hésiteront pas à vendre les mauvais élèves et, lorsqu’il conviendra d’acheter à nouveau, là encore les bons élèves ISR seront les premiers à profiter des capitaux disponibles.

L’ISR favorise plutôt les grandes capitalisations boursières

Les grandes multinationales ayant des budgets d’intervention et de communication très conséquents, ce sont ces groupes qui profitent le plus des flux entrants de capitaux vers l’ISR, et ceci aux dépens notamment des petites entreprises. Ce phénomène est renforcé par le fait que les sociétés de gestion concentrent évidemment en priorité leurs moyens sur les entreprises les plus à même de répondre de façon pertinente et exhaustive à leurs requêtes financières et extra-financières, entretenant alors la prévalence des grandes sociétés sur les plus petites au sein des fonds ISR. Si les contraintes de reportings ESG venaient à être trop contraignantes, cela pourrait même contribuer à décourager la venue en bourse de petites sociétés, ou bien à inciter certaines à en sortir !

L’ISR accroît les dispersions de performance sectorielles

Certains secteurs font l’objet de spectaculaires désaffections en bourse, notamment du fait de préoccupations ESG. Ainsi, l’automobile, le secteur pétrolier et le secteur minier ne cessent d’accumuler du retard de performance par rapport aux grands indices boursiers. À l’inverse, le secteur des services collectifs énergétiques retrouve, lui, soudainement les faveurs des investisseurs car portant les thématiques du solaire, de l’éolien et, plus généralement, de la transition énergétique ! L’ISR a donc d’importants effets redistributifs !

L’ISR devrait tendanciellement plutôt favoriser les pays développés aux dépens des émergents

Bien que ce ne soit évidemment pas l’effet recherché, l’approche ESG pourrait conforter l’avance des zones développées vis-à-vis des émergents. En effet, la hiérarchie des capitalisations boursières, les positionnements sectoriels respectifs, le degré d’intégration des règles sanitaires et environnementales, le respect des normes internationales du travail sont autant d’éléments militant plutôt en faveur des émetteurs des pays développés par rapport à ceux des émergents, ces derniers étant souvent contraints de s’occuper d’activités controversées. L’ESG pourrait à terme se voir reprocher d’imposer des critères définis par les pays occidentaux, et d’être une forme d’impérialisme financier déguisé.

Faut-il craindre une bulle financière autour des actifs cotés dans l’ISR ?

Une possible bulle dans l’ISR ? À ce stade, il semble plutôt que des primes boursières soient progressivement accordées aux mieux-disant en termes d’ESG, et que des décotes soient appliquées aux mauvais élèves ! À l’échelle des secteurs ou des indices, il semble très prématuré de considérer qu’il puisse déjà y avoir des situations de bulles financières. En revanche, sur certains titres spécifiques, ce n’est pas nécessairement exclu ! À terme, une certaine volatilité pourrait éventuellement gagner certains titres, voire certains secteurs, si des critères qualifiants ou non d’éthique les émetteurs venaient à changer dans le temps !

L’ISR, est-il l’apanage de la gestion « active » ?

La gestion de « convictions » (aussi appelée gestion « active »), par opposition à la gestion « indicielle » (aussi appelée gestion « passive »), revendique être la seule à vraiment pouvoir faire de l’ISR. Est-ce justifié ?

Les gérants « actifs » développent des processus de gestion et d’analyse ESG qui leur sont spécifiques, ils sont régulièrement en contact direct avec les émetteurs, et ils sont en mesure de construire des portefeuilles « sur-mesure ». Mais, en fin de compte, les gérants « actifs » sont tenus d’afficher un indice de référence ESG auquel ils pourront être comparés sur la durée. Les gérants « passifs » répliquent des indices boursiers qui sont, dans le cas présent, construits à partir de méthodologies ESG (exclusion, best in class…). Il n’y a pas particulièrement de complexité à répliquer un indice de référence éthique plutôt que le CAC40, le secteur du luxe dans le monde, le style de gestion « croissance » ! Le débat peut alors être ramené à la question traditionnelle : en dépit de frais bien plus élevés que la gestion « passive », la gestion de « convictions » sera-t-elle à même de surperformer son indice de référence ?

Mais l’ISR implique aussi d’avoir une importante dose d’activisme, la « mesure d’impact » étant essentielle sur le long terme. Les gérants « actifs » soulignent qu’ils échangent régulièrement avec les émetteurs, ce qui leur permet de faire passer des messages influençant en fin de compte les comportements éthiques de leurs interlocuteurs. Si les pratiques éthiques des émetteurs changent, il sera toutefois difficile de pouvoir revendiquer la paternité de ces changements et de les chiffrer précisément ! Par ailleurs, les gérants « passifs » votent lors des assemblées générales, ils sont donc eux aussi à même de contester les comptes, de débattre des rémunérations des dirigeants, de proposer des résolutions…

C’est pourquoi il est réducteur de considérer qu’ils n’ont pas d’influence sur les pratiques éthiques des émetteurs. En revanche, il est important de s’assurer que l’ETF adopte une réplication « physique » (possédant donc les actions de l’indice) de son indice de référence, et non pas une réplication « synthétique » (absence de possession des sociétés composant l’indice) car il faut être actionnaire pour pouvoir voter lors des assemblées générales, et ne pas avoir prêté les titres en question. Blackrock, le plus grand investisseur institutionnel au monde, connu notamment pour ses développements dans les ETF, vient de s’engager à avoir une politique de vote ISR activiste et d’exclure certaines sociétés ou secteurs de ses portefeuilles. Une telle démarche aura nécessairement de très importantes répercussions, un tel message ne pouvant être ignoré par ses concurrents !

Les limites aux développements de la gestion « passive » dans l’ISR sont doubles : disposer d’indices spécifiques à répliquer, et attirer suffisamment de clients vers les ETF afin que l’offre commerciale soit rentable. Il est intéressant de noter que plusieurs ETF ISR ont déjà connu d’importantes évolutions, permettant de mieux prendre en compte l’évolution des attentes de la clientèle en matière d’ISR. L’indice Low Carbon 100 d’Euronext vient par exemple d’exclure les valeurs parapétrolières de sa composition, ce qui signifie que les ETF qui le répliquent ont, eux aussi, adopté ce changement de méthodologie… Les méthodologies des ETF éthiques ne sont donc pas nécessairement statiques ! De même, les indices font régulièrement l’objet de recompositions, les mauvais élèves en termes d’ISR étant alors rejetés au profit de sociétés mieux disantes. Pour ce qui est des Labels, plusieurs ETF bénéficient déjà eux aussi de Labels, ce n’est donc pas nécessairement un trait différenciant. Au-delà de ces évolutions, la palette de produits éthiques via des ETF s’étoffe de plus en plus, permettant de s’approcher graduellement du « sur- mesure » revendiqué par les gestions actives. En fin de compte, il y a plutôt complémentarité entre gestion « active » et « passive », la première ayant besoin de la seconde pour appuyer ses efforts d’activiste !

Comment WeSave envisage-t-il de s’approprier la problématique de l’investissement éthique ?

WeSave est filiale d’Amundi, le leader de la gestion d’actifs en Europe, gérant notamment plus de 275 Mds € de capitaux éthiques au travers de 5000 émetteurs notés selon des critères ESG. WeSave a bien entendu l’ambition de tendre au plus vite vers les standards établis par sa maison mère.

Notre gestion sous mandat s’effectue au travers d’ETF. Le principe est de toujours offrir à la clientèle des portefeuilles très diversifiés en termes de classes d’actifs, de zones géographiques, de style de gestion, de maturités… Toutefois, à ce jour, la gamme d’ETF éligibles dans nos mandats ne comprend qu’une offre extrêmement restreinte d’ETF ISR, rendant impossible une allocation d’actifs simultanément satisfaisante en termes de rendement-risque et d’exigences éthiques. Nos échanges constructifs avec notre assureur Suravenir laissent espérer que prochainement l’univers d’investissement possible sera significativement enrichi pour ce qui est des ETF éthiques, nous permettant alors de substituer certaines allocations actuelles par d’excellents équivalents éthiques. Autant que possible, nous chercherons à mutualiser aussi les styles de gestion ISR (exclusion, best in class…) de façon à éviter les travers de certains biais sectoriels ou méthodologiques.

L’horizon de long terme des contrats d’assurance vie nous semble en faire un support d’investissement particulièrement adapté pour quiconque souhaite donner un sens à son épargne. De plus, dans un contexte politique, économique et financier complexe, l’ISR nous semble présenter, plus particulièrement maintenant, de nombreux atouts nous séduisant en gestion : privilégier les grandes sociétés occidentales, sous-pondérer les petites capitalisations et les marchés émergents qui sont moins liquides, identifier certains biais sectoriels ou de croissance permettant d’obtenir une appréciation très satisfaisante des portefeuilles sans pour autant s’exposer inconsidérément aux marchés… De plus, les flux de capitaux dont profitent actuellement les thématiques ISR nous semblent être de possibles amortisseurs en cas de baisse des marchés et pouvoir permettre de réaliser de bonnes performances dans les phases haussières. Tout comme l’énergie, WeSave est donc en phase de « transition » ! Nous intégrerons au plus vite, dès que ce sera possible, les ETF éthiques additionnels dans nos allocations d’actifs, de façon à accompagner au mieux notre clientèle dans son souhait de responsabilité partagée.

Investissements éthiques, peut-on rester passif ?

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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