Date de publication : 4 mars 2024

2024 est une année atypique, la moitié de la population mondiale se voyant proposer de voter. Pour les marchés financiers, la présidentielle américaine du 5 novembre fera l’objet de toutes les attentions et de toutes les spéculations. La situation pourrait encore évoluer mais, à ce stade, l’actuel Président J.Biden et son prédécesseur D.Trump devraient une nouvelle fois s’affronter. Si une continuité politique et économique est logiquement présumée en cas de réélection de J.Biben, l’hypothèse d’un retour au pouvoir de D.Trump ouvrirait en revanche largement le champ des possibles. L’incertitude étant l’ennemi de l’investisseur, il convient alors de s’interroger de la façon la plus objective possible sur les éventuelles conséquences d’une élection de D.Trump.

Demandez le programme !

La présidence de D.Trump a révélé à quel point ce dernier pouvait être imprévisible et « hors normes », et il n’est pas certain qu’un second mandat serait une simple extension du premier. L’actuelle campagne présidentielle menée par D.Trump ne s’appuie sur aucun véritable programme, et n’est pas force de propositions : c’est principalement un positionnement d’opposition et de dénigrement systématique à l’encontre de tout ce que J.Biden a cherché à construire durant son mandat.

L’immigration

Le sujet est un classique du débat entre Démocrates et Républicains. Avec la COVID, et donc sous le mandat de D.Trump, les flux migratoires avaient été stoppés pour des motifs sanitaires. Toutefois, avant même cet événement exceptionnel, D.Trump avait déjà adopté diverses mesures restrictives : entamer la construction d’un « mur » à la frontière mexicaine, appliquer un filtrage étroit des étudiants étrangers (chinois notamment)… L’Administration Biden a pour sa part rouvert les flux migratoires, effet logique de la fin de la COVID. L’attaque de D.Trump sur le thème d’une immigration incontrôlée que, lui, serait en revanche à même de maîtriser est cohérente avec les vues conservatrices de l’électorat Républicain. Un strict frein migratoire poserait toutefois des problèmes aux entreprises américaines, de très nombreux secteurs souffrant déjà d’importantes pénuries de main-d’œuvre qualifiée, pénalisant d’autant la croissance économique potentielle du pays. La seconde conséquence est que l’inflation, au travers des coûts salariaux, pourrait perdurer et peser alors sur les marges bénéficiaires des entreprises ne disposant pas du « pricing power » suffisant pour répercuter ces coûts au client final. Par ailleurs, une éventuelle résurgence de l’inflation par les salaires et un plein emploi persistant pourraient tous deux compromettre l’hypothèse aujourd’hui consensuelle d’une politique monétaire accommodante par la Banque centrale américaine (FED). Le principal bénéfice d’une politique migratoire restrictive serait de conforter le revenu des ménages américains au travers de la dynamique salariale, ce qui devrait se traduire favorablement dans leur consommation, soutenant d’autant la croissance économique du pays : les ⅔ du PIB américain reposent sur la consommation des ménages.

La réindustrialisation nationale

L’Administration Biden peut revendiquer un important succès : avoir contribué à renforcer la souveraineté nationale sur plusieurs axes stratégiques. Un vaste programme de crédits d’impôts a ainsi incité de nombreuses entreprises américaines, mais aussi étrangères, à entreprendre d’importants investissements industriels sur le territoire américain : l’ « Inflation Reduction Act » (IRA, dédié à la transition énergétique), le « Chips and Science Act » (« Chips Act », focalisé sur les semi-conducteurs),… L’attaque de D.Trump contre son adversaire s’articule dans le cas présent autour de 2 axes : l’utilité et le coût. Que ce soit pour s’attirer les votes des électeurs climato-sceptiques ou bien afin que sa campagne électorale soit appuyée financièrement par les lobbies pétroliers, D.Trump promet, s’il est élu, de stopper les dépenses de transition énergétique qu’il juge inutiles et extrêmement coûteuses (370 Mds $ sur 10 ans pour l’IRA). Cette prise de position pourrait être toutefois difficile à mettre en œuvre car ⅔ des États profitant de cette mesure sont tenus par des gouverneurs Républicains, et ces derniers bénéficient pleinement de ce renouveau industriel au travers des créations d’emploi et des rentrées fiscales (sur les ménages et sur les entreprises) les accompagnant. Pour ce qui est du coût de l’IRA pour le Trésor américain, il convient de l’apprécier à sa juste valeur : le montant total correspond à 1,5% du PIB américain et, étant théoriquement étalé sur 10 ans, cela ne représente plus que 0,15% du PIB chaque année. De plus, ces mesures sont utiles au pays puisqu’elles contribueront à redresser graduellement sa balance commerciale, les importations se voyant en partie substituées par une production locale, d’où un assainissement financier sur la durée du pays … ce que recherchait justement D.Trump lors de son propre mandat présidentiel ! Ainsi, quand il s’agit de réindustrialiser le pays, la principale différence entre les 2 candidats est surtout méthodologique : J.Biden assume un dérapage de la dette nationale pour s’assurer que les investissements « vitaux » soient effectués en les fléchant via des crédits d’impôts ou des dépenses budgétaires, quand D.Trump baisse la fiscalité (ce qui accroît également le déficit budgétaire et la dette nationale !) en espérant que cela suffise à motiver les entreprises à investir. Alors même que D.Trump se veut « pro-business », les entreprises ayant déjà investi dans la transition énergétique devraient-elles passer par pertes et profits ces investissements, et faudrait-il renoncer à tout l’écosystème économique et aux innovations que cela engendre ? L’attaque de D.Trump pourrait même s’avérer être contre-productive pour son élection puisque certaines entreprises pourraient être tentées d’accélérer leurs investissements avant l’élection pour être certaines de pouvoir bénéficier de ces crédits d’impôts et, ce faisant, elles doperaient la croissance économique nationale, embellissant d’autant le bilan économique de J.Biden.

Le commerce extérieur

D.Trump promet, s’il est élu, de mettre en place une taxe de 10% sur TOUTES les importations entrant sur le territoire américain, et même de 60% sur les produits chinois ! Rappelons tout d’abord que l’Administration Biden n’a pas remis en cause les diverses taxes que D.Trump avait imposées aux partenaires extérieurs lors de son mandat : la stratégie de repli sur soi est en réalité un trait commun entre les 2 candidats. Par ailleurs, il y a clairement un consensus national pour faire obstacle à la montée en puissance de la Chine, notamment en réduisant autant que possible les importations en provenance du pays. Taxer de 10% tous les produits venant de l’extérieur a évidemment pour but de dégrader leur compétitivité, et de donner plus de chances aux biens et services américains de s’imposer sur le territoire national. Toutefois, dans de nombreux cas, en l’absence de production américaine comparable ou substituable, une telle mesure pénaliserait inutilement le pouvoir d’achat et la consommation des ménages américains. De plus, les entreprises américaines ayant besoin de nombreux composants venant de l’extérieur pour produire elles-mêmes, cette mesure risquerait donc de faire s’envoler leurs coûts de production et, si ces coûts étaient répercutés sur le prix final afin de préserver les marges bénéficiaires, les gains de compétitivité attendus seraient érodés d’autant ! Il serait par ailleurs illusoire d’imaginer que le reste du monde demeure passif face à de telles initiatives : des mesures de rétorsion devraient logiquement être attendues, pénalisant d’autant l’accès aux marchés extérieurs pour les entreprises américaines. Le bilan d’un tel programme serait probablement très mitigé : peu ou pas de gains de parts de marché, plus d’inflation (ce qui serait un signal négatif pour la politique monétaire de la FED !), et un pouvoir d’achat des ménages se dégradant. Le seul intérêt de cette mesure serait d’assurer quelques rentrées fiscales de court terme, mais l’effet fiscal à moyen terme serait probablement négatif.

La diplomatie

Pour comprendre l’attitude de D.Trump vis-à-vis de l’étranger, il faut se remémorer le fil conducteur de l’ouvrage qu’il avait co-rédigé en 1987 : The Art of the Deal, que l’on peut traduire en français par l’Art de la négociation. D.Trump, au travers de cette autobiographie évidemment élogieuse, soulignait que les relations extérieures ne sont rien d’autre que du « business » et que tout « deal » repose finalement sur l’état du rapport de force entre les interlocuteurs. En redevenant Président de la 1ère puissance mondiale, D.Trump ne manquerait pas de mettre à nouveau en pratique ce précepte, sous réserve des pouvoirs du Congrès ! Le sujet est consensuel aux États-Unis, et la Chine étant affaiblie actuellement, celle-ci devrait être sa première cible. Quelle que soit la forme que l’attaque à l’encontre de la Chine puisse finalement prendre, D.Trump devrait toutefois rester vigilant à ne pas mésestimer le rapport de force, car plusieurs réactions pourraient en découler : une annexion accélérée de Taïwan par la Chine (donc la question de l’accès aux semi-conducteurs qui y sont produits), un accès aux métaux rares interrompu (donc la remise en cause de la production de tout semi-conducteur dans le monde !), un créancier majeur cessant d’acheter la dette américaine et pouvant même devenir vendeur agressif du stock de dette qu’elle détient (un krach obligataire potentiel), une vente brutale des Dollars détenus… D.Trump étant pro-business et en fin de compte pragmatique, il veillerait certainement à ne pas aller trop loin dans ses attaques. Pour ce qui est de l’Europe, D.Trump ciblerait a priori 2 sujets en priorité. Tout d’abord, il souhaite que la contribution financière européenne à la guerre en Ukraine soit bien plus importante ou bien qu’elle profite bien plus aux sociétés d’armement américaines (et, à terme, à celles facilitant la reconstruction du pays !), et que la contribution financière de la zone au budget de l’OTAN monte fortement, sous peine de conclure un accord avec V.Poutine qui, au final, laisserait ce dernier s’emparer de l’Ukraine. Le second « casus belli » à l’égard de l’Europe est la taxe carbone aux frontières que cette dernière souhaite mettre en place à partir de 2026 et qu’il considère comme étant du protectionnisme déguisé, se justifiant d’autant moins que c’est pour des motifs « climatiques ». L’Union européenne devra plus que jamais veiller à tenir un front politique commun, sous peine d’être la perdante des « deals » à venir de D.Trump !

« La peur ne peut se passer de l’espoir, et l’espoir de la peur. » (B.Spinoza)

L’hypothèse d’un retour au pouvoir de D.Trump fait souvent peur, mais le contexte a changé et de nombreux obstacles et contre-pouvoirs existent. Sans prétendre être exhaustif, essayons de faire un point sur ce sujet.

L’obstacle judiciaire

D.Trump est poursuivi en justice pour pas moins de 91 chefs d’accusation, dont 4 relevant du pénal (incitation à l’insurrection, et diverses manœuvres afin de suspendre la validation de l’élection de J.Biden en 2020). Bien entendu, ces procédures judiciaires coûtent cher au candidat, à la fois financièrement (il utilise une partie significative des fonds de sa campagne électorale en frais d’avocats !) et en termes d’image. Pour autant, bien que cela soit connu de tous, il n’en demeure pas moins le candidat préféré des électeurs Républicains. S’il était condamné avant l’élection, il faudrait craindre potentiellement un climat insurrectionnel (diverses mesures pour faire obstacle au bon déroulement de l’élection ?), tant ses partisans lui sont fidèles. Par ailleurs, il ne manquerait pas de se retourner contre les Démocrates, accusés alors de manipuler la justice. Pour contrer cette menace, D.Trump pourrait bénéficier de l’appui décisif de la Cour Suprême des États-Unis : il a nommé 3 des 9 membres durant son propre mandat présidentiel, et cette Cour est actuellement composée de 6 conservateurs contre 3 progressistes. Pour rappel, un candidat à la présidence américaine peut maintenir sa candidature, bien qu’étant emprisonné : il y a eu un précédent en 1920 avec E.Debs ! 

Le collège électoral

L’élection présidentielle américaine se joue à chaque fois sur un nombre restreint d’États que sont les « Swing States ». L’élection présidentielle se déroule en effet au suffrage indirect, et l’important n’est pas de savoir combien d’électeurs votent pour tel ou tel candidat, mais de savoir s’il remporte le vote des grands électeurs des divers États. Dès qu’une majorité se dégage dans un État, ce sont tous les grands électeurs de cet État qui sont captés par le parti politique gagnant. De nombreux États étant par avance acquis aux Démocrates ou aux Républicains, ce sont alors une poignée d’États plus indécis qui font basculer la présidentielle vers un candidat ou vers l’autre. À en croire les spécialistes, 8 États constitueraient cette année les « Swing States » : l’Arizona, la Caroline du Nord, la Géorgie, le Michigan, le Minnesota, le Nevada, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Prenons l’hypothèse qu’il suffit de disposer de 5% d’écart de voix dans chacun de ces États (approximativement la marge d’erreur des sondages) pour l’emporter. Les  « Swing States » représentent 19% des grands électeurs dont il faut s’emparer et, en appliquant ce différentiel de 5% de suffrages, on en déduit que 1% du total de la population américaine basculant vers l’un ou l’autre des 2 candidats suffit à modifier le résultat final de l’élection ! Les sondages nationaux pour la présidentielle ont donc en réalité très peu de valeur prédictive tant l’élection se joue à la marge. La destinée judiciaire de D.Trump pourrait évidemment influencer le vote des électeurs encore indécis dans les « Swing States », alors que pour J.Biden, ce sont ses trous de mémoire répétés qui sont évidemment le principal sujet d’inquiétude pour les électeurs américains.

Quel équilibre parlementaire ?

Pour que D.Trump puisse pleinement développer ses projets, il lui faudrait l’appui du Congrès américain (i.e. la Chambre des Représentants et le Sénat), et il n’est pas certain que les Républicains obtiennent nécessairement la majorité dans les 2 chambres. Bien que pouvant agir partiellement par décrets présidentiels (« executive orders »), D.Trump aurait impérativement besoin, sur la durée, de la légitimité et de l’aval financier du Congrès pour mettre en œuvre sa politique. Pour rappel, le Président sélectionne les divers candidats aux postes gouvernementaux, mais leur nomination nécessite l’aval du Sénat !

Une marge de manœuvre financière limitée

Les États-Unis ne cessent d’accumuler des déficits budgétaires, et la dette du pays s’établit désormais à 34 000 Mds $, soit un ratio de dette/PIB de 123%. Plus grave encore, la charge de la dette s’est envolée (plus de 1 000 Mds $ d’intérêts annuels dorénavant, soit 3,5% du PIB !) du fait notamment de la forte hausse des taux d’intérêts, à tel point que même le président de la FED, J.Powell, s’en est inquiété publiquement ! Les taux auxquels le pays emprunte aujourd’hui sont en effet 2 fois plus élevés que lors du mandat présidentiel de D.Trump : l’obligation à 10 ans américaine offre un rendement de 4,24% contre une moyenne de 2,04% à l’époque ! La marge de manœuvre budgétaire de D.Trump serait aujourd’hui TRÈS inférieure à celle dont il disposait lors de son 1er  mandat. S’il était élu, D.Trump a déjà prévu de démettre J.Powell de ses fonctions, afin de disposer d’un président de la FED très favorable à une politique monétaire accommodante. Pour autant, il n’est pas certain que les autres membres votants de la FED seraient nécessairement alignés sur les vues de ce nouveau président … la FED est indépendante ! Par ailleurs, si le programme économique de D.Trump se révélait être bien trop dépensier, et son « retour sur investissement » jugé insuffisant par les marchés financiers, ces derniers ne manqueraient pas d’en faire le rappel à D.Trump au travers d’une nouvelle hausse du coût de l’emprunt ou bien encore d’un décrochage prononcé du Dollar ! D.Trump considérant que la bourse est un bon baromètre de la qualité de sa politique économique, il en tiendrait certainement compte : il en va en fin de compte de la richesse des Américains !

Quelques réflexions boursières…

Les présidentielles américaines sont généralement de bons crus boursiers

Le passé n’est évidemment pas un gage de prédiction fiable, mais les statistiques militent en théorie pour une tenue satisfaisante de la bourse en 2024. En remontant jusqu’en 1928, soit 24 années électorales, seules 4 années ont été baissières, et la progression moyenne, y compris les années de baisse, est de +11,6%. S’il faut trouver une éventuelle justification fondamentale à cette statistique : lors de la dernière année du mandat, l’Administration en place est souvent « laxiste » sur le plan budgétaire, ceci afin de soutenir la croissance économique et de donner plus de chances à son parti politique d’être reconduit pour un nouveau mandat. 

D.Trump a laissé un bon souvenir boursier

Durant son mandat (à partir du 20 janvier 2017, lorsqu’il a prêté serment), D.Trump a vu les marchés financiers très bien se tenir : à l’échelle mondiale, les actions ont progressé de +71% et les obligations de près de +23%. Ses détracteurs souligneront que la COVID a certainement faussé ces résultats puisque les Banques centrales ont été contraintes de devenir historiquement accommodantes et que les budgets des États ont été aussi sollicités que pour une guerre. Si on arrête les performances à fin 2019, soit juste avant l’apparition de la COVID, les actions progressaient déjà de près de +42% et les obligations de +13%. S’il faut éventuellement nuancer un peu ce tableau favorable : le Dollar a chuté de près de -12% contre Euro durant son mandat.

Quelques éventuels arbitrages spéculatifs

Les investisseurs spéculent souvent en faveur ou en défaveur de certains secteurs d’activité, selon leurs anticipations quant au futur gagnant à la présidentielle. L’expérience montre que ces paris sont souvent bien plus pertinents avant l’élection que durant les 1ers mois du mandat présidentiel et, D.Trump étant particulièrement imprévisible, cela pourrait être d’autant plus vrai ! Certains secteurs pourraient a priori bénéficier d’une victoire de D.Trump : les énergies fossiles et, plus largement, l’exploitation minière, mais aussi la Défense ou encore la construction… A l’inverse, certains secteurs pourraient être pénalisés : les énergies renouvelables ou les sociétés associées à ce thème, la santé (cf. Medicare et Medicaid), l’enseignement, les crypto actifs (même si la technologie de la blockchain lui semble a priori prometteuse)… L’objectif de D.Trump étant de relancer l’investissement sur le sol américain, quitte à faire l’objet de quelques rétorsions à l’international, les petites sociétés domestiques américaines pourraient en profiter en relatif par rapport aux très grandes multinationales, d’autant que le différentiel de valorisation entre les deux a rarement été aussi important ! Une baisse de la fiscalité sur les entreprises devrait profiter au moins dans un premier temps à la fois aux actions américaines (les bénéfices additionnels induits permettent d’investir, de verser des dividendes, de procéder à des rachats d’actions, d’acquérir certains concurrents…), mais aussi à leurs obligations (la trésorerie des entreprises étant moins sollicitée par la fiscalité, le risque de défaut de paiement diminue d’autant). D.Trump ou J.Biden ayant tous les deux une politique tolérant les dérapages budgétaires et l’endettement national, les obligations de l’État ne devraient pas forcément avoir de comportement différencié selon celui des deux candidats qui serait élu… sauf si les tensions politiques dérapaient avec l’élection de D.Trump et qu’intentionnellement certains pays ou investisseurs étrangers vendaient alors leurs obligations américaines. Ce raisonnement vaut aussi pour le Dollar ! Plus généralement, les actifs américains pourraient souffrir d’éventuels retraits structurels par les investisseurs internationaux « socialement responsables », ces derniers pouvant avoir des doutes quant à la « gouvernance » du pays, et lui appliquer alors une décote dans leurs allocations d’actifs.

Les actifs étrangers pénalisés ?

D.Trump élu, de nombreux bras de fer internationaux risqueraient d’apparaître. Pour autant, cela jouerait-il nécessairement en défaveur (en relatif, en tout cas) des actifs non américains ? Il convient d’abord de se souvenir que beaucoup de multinationales ont des implantations physiques aux États-Unis : elles tireraient alors elles aussi avantage des diverses mesures protectionnistes et des baisses d’impôts engagées sur le territoire américain. D.Trump ne pouvant par ailleurs pas s’aliéner tout le reste du monde, il y aurait donc évidemment une gradation dans les rapports de force qu’il établirait, et certains pays ou zones pourraient même avoir finalement ses faveurs, si le « deal » lui semblait favorable ! La Chine serait sa cible évidente et, même si la plupart des investisseurs sont déjà sceptiques à son égard et y sont donc modérément exposés, le pays a encore un poids significatif dans les indices émergents… ce segment pourrait donc en souffrir. L’Europe, bien que restant une zone majeure, n’est plus un concurrent direct pour le leadership américain : elle devrait rester une source de diversification naturelle pour la plupart des investisseurs. Du point de vue économique, l’Europe représente aujourd’hui 15% des importations américaines, et ce sont surtout les biens d’équipements et le secteur pharmaceutique qui contribuent à ces exportations. Une des grandes inconnues pour les actifs internationaux avec le retour de D.Trump serait l’évolution du Dollar : quel impact cela aurait-il sur l’inflation importée, cela renchérirait-t-il le coût de l’endettement (notamment pour les pays émergents), quel impact sur les actifs souvent liés aux fluctuations du Dollar, telles que les matières premières par exemple… ? 

Conclusion : 

Avec un retour au pouvoir de D.Trump, le risque semble être finalement bien plus politique, qu’économique. Un nouveau mandat présidentiel serait certainement une importante source d’incertitudes, et donc de VOLATILITÉ pour les marchés (pour rappel, la volatilité est actuellement très faible !), mais ne serait pas forcément à l’origine d’une baisse prononcée des marchés financiers ! Aux électeurs américains qui se rendront aux urnes dans quelques mois, rappelons ce message attribué à J.Chirac : « Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent » !

La présidentielle américaine : risque ou opportunité ?

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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