Date de publication : 3 octobre 2023

Le recul des actions en septembre s’explique, paradoxalement, par une trop bonne tenue de la croissance économique aux États-Unis. En effet, la Banque centrale américaine doit trouver le juste équilibre entre emploi et inflation, mais l’emploi étant particulièrement résistant malgré les hausses de taux déjà effectuées, certains gouverneurs de la FED craignent une inflation persistante due aux salaires. Le discours de la FED prévoyant que ses taux directeurs resteront durablement élevés a de ce fait gagné en crédibilité auprès des investisseurs, d’où la forte tension des rendements obligataires pesant sur les valorisations des actions, et notamment sur les valeurs de croissance. Cet ajustement de perspective étant intégré, notre conviction demeure qu’un cycle de long terme d’investissement par les Etats et entreprises est engagé, justifiant notre surpondération persistante sur les actions.

Les obligations souveraines sont mal orientées depuis l’été. Plusieurs facteurs se combinent pour expliquer la hausse des rendements en cours. Tout d’abord, la forte croissance américaine et le violent rebond des prix du pétrole laissent craindre une résurgence de l’inflation, d’où des discours monétaires fermes des banquiers centraux. Mais ce mouvement est peut-être surtout dû au déséquilibre entre les nombreuses émissions obligataires (cf. rattrapage des États-Unis après le clash budgétaire entre Démocrates et Républicains) d’un côté, et de l’autre la moindre présence acheteuse de la FED (cf. « quantitative tightening ») et des investisseurs internationaux (chinois et japonais en retrait significatif). Parce qu’offrant de meilleurs rendements, les obligations d’entreprises nous semblent toujours devoir être privilégiées par rapport aux obligations des États.

Bien que logiquement corrélées au directionnel des obligations des États, les obligations des entreprises offrent cette année de meilleures performances, notamment les obligations des entreprises réputées fragiles (i.e. le « high yield »). Cette bonne tenue des obligations réputées risquées tient au fait que les investisseurs revoient favorablement les perspectives économiques, ce qui signifie que le risque de défaut de paiement recule d’autant. Les obligations d’entreprises versant des coupons plus élevés que les États, dès lors que le risque de défaut s’estompe, il est logique de les privilégier dans les allocations obligataires, ce qui était notre cas puisque nous avions une vision plus optimiste que le consensus. Nous maintenons à ce stade notre surpondération sur les obligations d’entreprises, en privilégiant néanmoins en priorité les entreprises les plus solvables. 

La synchronisation des politiques monétaires dans le monde étant très imparfaite cette année, et les erreurs d’anticipation quant aux croissances économiques respectives des diverses zones ayant été fortes, cela s’est traduit par d’importantes fluctuations entre les devises. Le statu quo monétaire de la Banque du Japon a fortement pénalisé le Yen, mais le probable plateau à venir sur les taux européens et américains durant les prochains trimestres devrait mettre fin à cette faiblesse relative. Le Dollar profite pour sa part à la fois de son statut de devise refuge et des importantes révisions en hausse de la croissance américaine : son recul de début d’année est désormais effacé. Pour les résultats des entreprises, comme pour les allocations d’actifs, il convient de rester vigilant quant aux impacts des devises, car cela affecte fortement les performances finales.

Le rebond des prix du pétrole amorcé durant l’été s’est poursuivi en septembre, et c’est une source de préoccupation pour les industriels comme pour les investisseurs. En effet, la hausse des coûts énergétiques se diffuse aux autres matières premières, et l’envol des prix des denrées alimentaires inquiète fortement : le risque d’agitation sociale ne peut plus être exclu dans certains pays émergents, d’autant que le recul de leurs devises accroît la facture à payer. Les métaux industriels voient leurs prix stagner du fait des déceptions économiques chinoises, mais aussi à cause des stocks que le pays avait constitué durant la COVID et qui sont désormais employés. Les métaux précieux refluent du fait de la hausse du Dollar. Un cycle de long terme favorable aux matières premières nous paraissant être engagé, c’est pourquoi nous maintenons notre surpondération sur cet actif.

En 2023, les actions et les obligations des pays émergents sous-performent une fois encore celles des pays développés, et elles ont même reperdu en septembre l’intégralité des gains réalisés en début d’année. Les déceptions économiques chinoises depuis la réouverture sanitaire du pays continuent de peser sur les indices émergents du fait du poids indiciel du pays dans l’ensemble. Par ailleurs, les devises de beaucoup de ces pays reculent cette année vis-à-vis de l’Euro ou bien du Dollar parce que leurs Banques centrales ont souvent engagé des assouplissements de politiques monétaires afin de préserver leurs croissances économiques, quand les pays développés achèvent tout juste leurs hausses de taux. Nous continuons de privilégier dans nos allocations une exposition indirecte aux pays émergents, via leurs principaux partenaires occidentaux.

Vue des actifs – l’Éclaireur d’octobre 2023

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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