Économistes, stratèges, investisseurs… De plus en plus de professionnels aboutissent à cette conclusion, certains pour dépeindre un état des lieux, d’autres par conviction quant aux perspectives : « Cette fois, c’est différent » ! L’industrie et le commerce mondial décrochent et pourtant les marchés d’actions accumulent des records : « Cette fois, c’est différent » ! La lévitation concomitante de toutes les classes d’actifs en bourse : « Cette fois, c’est différent » ! Difficile de ne pas être sceptique quant à l’hypothèse d’un « nouveau paradigme » transformant désormais tout investissement boursier en profit ! Que penser alors de l’actuel contexte économique et financier, et comment allouer son épargne en conséquence ?
« Cette fois, c’est différent » !
Le crépuscule de l’inflation ?
C’est à n’y rien comprendre ! Pendant des années, la préoccupation des banquiers centraux a été de contenir l’inflation pour éviter que le pouvoir d’achat des populations ne se détériore. Et pourtant, désormais, ce sont ces mêmes banques centrales qui se désolent de la faiblesse de l’inflation, et adoptent diverses mesures inédites (« quantitative easing » ,…) pour essayer de la raviver. Que peuvent-elles craindre désormais, et cette faible inflation est-elle durable ?
Ce n’est pas tant l’inflation que les anticipations d’inflation qui sont au cœur des préoccupations des banques centrales. Lorsque les agents économiques s’attendent à ce que les prix baissent dans l’avenir, ils reportent leurs achats afin de pouvoir profiter de ces aubaines financières futures. Mais ces choix, rationnels au niveau individuel, ont pour conséquence de déprimer l’activité globale, entraînant à son tour de nouvelles anticipations de baisses de prix. À l’inverse, lorsque l’on anticipe une hausse à venir des prix, il est rationnel de se presser d’acheter, ce qui a pour effet de stimuler l’activité économique.

Les cours des matières premières souffrent de l’exploitation de nouveaux sites de production, de l’emploi de nouvelles technologies et de l’actuel ralentissement économique mondial. À l’exception des emplois qualifiés, les salaires pâtissent de la concurrence internationale, de la moindre influence des syndicats et de l’individualisation des rémunérations, limitant de ce fait l’inflation due aux coûts salariaux. Les comparateurs de prix permettent d’accéder à des biens et à des services à des tarifs jusqu’alors inenvisageables, les réseaux de distribution par internet (Amazon,…) comprimant pour leur part les marges des transporteurs et des revendeurs. Paradoxalement, les politiques monétaires des banques centrales participent elles aussi à l’actuelle faiblesse de l’inflation, leurs politiques de taux d’intérêts très bas permettant à certaines entreprises “zombies” de survivre, entretenant des surcapacités de production déflationnistes.

C’est donc un contexte géopolitique extrêmement déstabilisant et de moins en moins coopératif que doivent s’approprier aujourd’hui les dirigeants d’entreprises, venant s’ajouter aux diverses préoccupations déjà existantes : des « business models » fréquemment remis en cause par des start-ups, une intense compétition internationale mettant sous pression les marges bénéficiaires, une versatilité croissante des consommateurs altérant la prévisibilité des chiffres d’affaires… ! Après dix années de croissance économique continue, faut-il encore investir ou est-il plutôt préférable d’attendre de retrouver plus de visibilité ?
Difficile en revanche de savoir si, sur la durée, le regain de protectionnisme dû aux tensions commerciales internationales aura un effet inflationniste (cf. augmentation des coûts de production) ou déflationniste (cf. confusion économique pesant sur la confiance, l’investissement et la croissance). De même, l’hypothèse d’une dépréciation prononcée de certaines devises, le Yuan notamment, pourrait être désinflationniste pour les pays développés mais pourrait, à l’inverse, relancer l’inflation en Chine (cf. coût respectif des produits importés).
Pour les investisseurs, l’inflation est nuisible puisque réduisant la valeur du capital épargné. Sauf éventuel à-coup lié à des initiatives politiques imprévues, la faible inflation que nos économies expérimentent depuis plusieurs années semble être vouée à perdurer. Ceci est une bonne nouvelle pour les épargnants, et c’est plutôt une incitation à investir en bourse.
Les banquiers centraux, des anges gardiens ou des apprentis sorciers ?
La bonne disposition des épargnants à l’égard des placements boursiers rencontre toutefois un obstacle majeur : l’absence criante de rendement des produits obligataires ! Avec humour, certains professionnels de la finance parlent même désormais non plus de « High Yield », mais de « Aïe Yield » ! En effet, selon les calculs effectués par Bloomberg, ce sont désormais pas moins de 29.9% de l’ensemble des obligations émises dans le monde qui seraient désormais en situation de rendements NÉGATIFS. Autrement dit, les créanciers prêtant de l’argent à ces émetteurs d’obligations ne récupèrent même plus l’intégralité du capital avancé. À titre d’exemple, lorsque l’Allemagne emprunte de l’argent sur les marchés, elle rembourse moins que les montants levés, et cela quelle que soit la durée de son emprunt. La France, qui n’est pas exactement un modèle de vertu budgétaire, emprunte pour sa part à taux négatifs sur toute échéance jusqu’à 15 ans ! Et les obligations souveraines ne sont pas les seules à bénéficier d’un tel traitement de faveur, beaucoup d’entreprises solides empruntant désormais elles aussi à taux négatifs.

Cette « aberration » s’explique par les agissements de plus en plus exceptionnels, certains diront désespérés, des banques centrales. Ces dernières ont jusqu’à quatre mandats co-existant, officiels ou officieux : assurer la stabilité financière et le financement fluide de l’économie, aboutir à un « juste équilibre » d’inflation (autour de 2% dans les pays développés), favoriser la croissance économique et l’emploi, et enfin empêcher l’éventuelle trop forte versatilité de la devise nationale. Mais ces mandats étant parfois contradictoires, elles doivent donc hiérarchiser leurs priorités selon les circonstances.
L’inflation étant actuellement très faible, il faut éviter qu’elle ne diminue trop (i.e. contenir le risque de déflation) et se concentrer sur les trois autres missions.
L’une des conséquences du sauvetage en urgence engagé à la suite de la crise des “subprimes” est que l’endettement des ménages, des entreprises et des États a très fortement enflé partout dans le monde. Cela constitue est désormais une source de stress majeure pour les banquiers centraux, craignant que toute tentative de normalisation des taux directeurs ne se traduise par des faillites en série et par un nouveau désastre financier incontrôlable. Leur priorité est donc désormais de soutenir autant que possible la croissance afin que les agents économiques restent solvables. La faiblesse de l’inflation est alors un bon « prétexte » officiel pour justifier d’entretenir des politiques monétaires « de crise » : ⅓ des grandes banques centrales mondiales ont baissé leurs taux directeurs durant l’été !
Toutefois, malgré leurs discours accommodants et des injections monétaires phénoménales (cf. évolution des Bilans des banques centrales par rapport aux PIB respectifs), la croissance est restée bien en deçà des espérances et des « normes » passées. Si ces politiques monétaires atténuent indiscutablement les chocs économiques et financiers, elles sont néanmoins aujourd’hui contestées en raison du fort prix à payer (des rendements obligataires négatifs, le modèle économique des banques fragilisé,…) et de leur discutable efficacité : la « crédibilité » des banques centrales est mise en doute.
Toutefois, malgré leurs discours accommodants et des injections monétaires phénoménales (cf. évolution des Bilans des banques centrales par rapport aux PIB respectifs), la croissance est restée bien en deçà des espérances et des “normes” passées. Si ces politiques monétaires atténuent indiscutablement les chocs économiques et financiers, elles sont néanmoins aujourd’hui contestées en raison du fort prix à payer (des rendements obligataires négatifs, le modèle économique des banques fragilisé,…) et de leur discutable efficacité : la “crédibilité” des banques centrales est mise en doutes.

Les banques centrales ne procédant pas elles-mêmes à des investissements dans l’économie réelle du fait du risque d’aléa moral (i.e. risque de « favoritisme »), c’est du côté des politiques budgétaires des États que les relais sont attendus, les créanciers acceptant désormais de financer « gratuitement » leurs emprunts. Mais si les capitaux ainsi levés sont alloués à des dépenses courantes et non pas à des investissements structurants, ils ne feraient que gonfler la dette sans contribuer pour autant à la croissance de long terme, détériorant alors le ratio dette/PIB ! Il est donc indispensable d’identifier le « bon » du « mauvais » investissement. Les projets d’infrastructures pour la transition énergétique semblent, par exemple, faire consensus mais, là encore, quelles technologies convient-il de privilégier ?
Enfin de compte, chaque pays, chaque zone, activera les soutiens monétaires ou budgétaires qui lui semblent pertinents. En zone Euro, par exemple, les marges de manœuvre monétaire de la BCE sont limitées, alors que le relais budgétaire pourrait en revanche être très conséquent, à condition que l’Allemagne édulcore sa viscérale orthodoxie financière. À l’inverse, aux États-Unis, le déficit budgétaire est déjà colossal, c’est donc plutôt la FED qui pourrait offrir des incitations additionnelles à l’investissement et à la croissance. Il n’est probablement pas fortuit que J.Powell (FED) et C.Lagarde (BCE) aient tous deux des profils bien plus « politiques » que leurs prédécesseurs qui étaient tous des « techniciens ». Sans pour autant renoncer à leur indépendance, la collaboration entre les banques centrales et les instances étatiques devrait être plus étroite.
« Cette fois, c’est différent » ?
La fin du cycle économique
Les interventions plus ou moins coordonnées entre les États et leurs banques centrales ont des visées contra-cycliques : l’actuel doit se prolonger autant que possible, et il faut de préférence éviter les à-coups !
Sans porter de jugement quant au bien-fondé des choix de politique extérieure de l’Administration Trump, leurs effets déstabilisants pour l’économie mondiale sont désormais manifestes ! Les chefs d’entreprise n’ayant plus suffisamment confiance ou plus assez de visibilité quant aux perspectives à venir, le cycle économique mondial ralentit faute d’investissements. Les circuits de production sont déstabilisés par les multiples tarifs douaniers et par les divers embargos (Iran, Venezuela,…) ou autres sanctions (Huawei,…) imposés par les Etats-Unis. Pour un dirigeant d’entreprise, comment choisir la localisation de ses investissements afin de contourner ces multiples obstacles ? D’un pays à l’autre, la qualité des infrastructures (énergie, transport, logistique,…) est très variable, tout comme la qualification de la main d’œuvre diffère beaucoup. Il est alors impossible d’espérer reproduire rapidement ailleurs, tant par la quantité que la qualité, ce qu’il a fallu des années à mettre en place ! Et le nouveau pays d’accueil des investissements ne sera-t-il pas à son tour la cible des foudres de l’Administration Trump ? Il est, hélas, finalement bien plus rationnel de retarder les décisions d’investissements, le cycle mondial ralentissant ! Enfin, pourquoi se presser puisque les banques centrales envoient le message que les taux d’intérêts pourraient encore baisser ?

L’effondrement depuis un an et demi des indicateurs d’activité industrielle (i.e. indices PMI manufacturiers) ne peut qu’inquiéter car, même si jusqu’à présent les services et la consommation des ménages ont tenu bon, cette situation pourrait ne pas durer. Faute de main d’œuvre qualifiée, les groupes industriels ont été réticents à réduire leurs effectifs, espérant une reprise économique qui finalement ne vient pas. Mais la dégradation de la situation devrait contraindre ces sociétés à procéder à des licenciements, affectant le moral et la consommation des ménages. Les entreprises de services adressant leurs offres aux groupes manufacturiers et/ou aux ménages, il est probable qu’à leur tour, par effet domino, ces dernières soient affectées par le ralentissement conjoncturel. Des annonces de licenciements économiques industriels d’ampleur, mais aussi des alertes sur résultats (« profit warnings ») des sociétés de services pourraient dès lors se multiplier durant les publications trimestrielles.
Une guerre des devises
D’une guerre à l’autre ? On ne peut plus exclure aujourd’hui l’hypothèse que l’opposition frontale entre les États-Unis et la Chine ne franchisse un seuil supplémentaire : celui de trouver une extension au travers d’une guerre des devises !
Le commerce entre la Chine et les États-Unis est complètement déséquilibré : 540Mds $ d’importations américaines en provenance de Chine en 2018, contre 156Mds $ en sens inverse ! C’est pourquoi, en dépit de quelques offensives tarifaires ciblées (cf. agriculture, pétrole, en août …), la Chine a peu de moyens de dissuasion à faire valoir en rétorsion des surtaxations douanières américaines. Le récent franchissement du seuil symbolique des 7 pour la parité Dollar-Yuan a semble-t-il conforté l’Administration Trump dans sa conviction que la Chine pratique un taux de change intentionnellement faible, d’où l’accusation officielle de « manipulation de sa devise » par la Chine, fait inédit depuis les années 1990 ! Le Yuan recule en effet désormais de près de -15% depuis mars 2018, c’est-à-dire le début des hostilités commerciales américaines. Si une dévaluation compétitive du Yuan présente quelques nuisances bien identifiées (renchérissement du coût des produits importés et des dettes contractées en devises étrangères, moindre attractivité financière du pays pour les capitaux internationaux, etc ) la Chine dispose toutefois d’un gigantesque tissu industriel pour pleinement tirer parti du regain de performance à l’exportation apporté par une dévaluation de sa monnaie. Ce que le pays perd en valeur, il le gagne en volume, le surcroît d’activité permettant au demeurant d’apaiser certaines tensions sociales domestiques. Il peut donc être tentant de laisser filer le Yuan, mais en évitant toutefois les à-coups stressants pour les investisseurs internationaux, comme l’expérience d’août 2015 l’a montré.

D.Trump a beau appeler de ses vœux une baisse du Dollar, notamment par une pression continue sur la FED jugée trop « faucon », les États-Unis ayant une économie beaucoup plus tournée vers les services et leur exportation (logiciels par exemple), il n’est pas certain qu’un repli significatif du Dollar servirait autant qu’il l’espère ses ambitions électorales ! Toutefois, l’insistance de ses tweets quant à la nuisible surévaluation du Dollar pourrait finir par instiller le doute dans l’esprit de certains investisseurs et les inciter à réduire leur exposition au billet vert, car bien des menaces qu’il avait professées se sont finalement concrétisées par la suite !
La BCE disposant aujourd’hui d’instruments monétaires bien moins étendus que la FED, et les excédents courants dégagés par la zone justifiant d’une certaine « prime financière », l’Euro risque plutôt de s’apprécier en relatif en cas de « guerre des devises » ! Il est ainsi intéressant de noter qu’en dépit de la proximité du Brexit, de l’instabilité politique italienne, ou d’inquiétants signes de ralentissement économique en Allemagne, l’Euro se soit finalement assez bien tenu durant l’été. Ce paradoxe s’explique par le fait que les investisseurs internationaux ont depuis longtemps privilégié le Dollar face à l’Euro. Du strict point de vue des flux financiers potentiels, l’hypothèse d’un rebond de l’Euro gagne en crédibilité, ce qui prendrait à revers la plupart des investisseurs et raviverait la volatilité sur le couple Euro-Dollar. Naturellement, une telle situation nuirait à la compétitivité de la zone, mais cela pourrait être un argument supplémentaire pour justifier de politiques budgétaires plus volontaristes.

Une guerre des devises ne consiste pas forcément en des dévaluations brutales, c’est bien plus souvent un affaiblissement graduel et intentionnel de la monnaie, un « concours de laideur » s’appuyant notamment sur les baisses de taux des banques centrales. La plupart des banques centrales étant aujourd’hui accommodantes, celles disposant encore de taux d’intérêts élevés sont celles ayant le plus de « munitions » potentielles pour agir, c’est pourquoi la BCE nous semble assez démunie et que l’Euro est plutôt voué à s’apprécier en relatif. Pour les gérants, toute évolution significative des devises nécessiterait d’ajuster les allocations d’actifs en conséquence, car c’est une très importante source de performance ou de contre-performance, mais aussi un paramètre essentiel de maîtrise de la volatilité des portefeuilles !
Les impasses politiques se multiplient !
Pour compliquer encore la mission d’allocation d’actifs des gérants, les incertitudes politiques sont particulièrement nombreuses en cette fin d’année 2019, et leurs conséquences pourraient être majeures !
La prise de fonctions de B.Johnson au Royaume – Uni donne beaucoup plus de corps aux hypothèses d’un « Hard » Brexit ou à une sortie sans accord de l’Union Européenne (U.E.). La population est lasse des tergiversations parlementaires, et les sondages récents confortent plutôt le vote exprimé lors du référendum en 2016. Le choc de politique interne pourrait être considérable, l’Écosse et l’Irlande du Nord manifestant par avance l’intention de rejoindre alors l’U.E., le Royaume-Uni devenant dans ce cas le Royaume-désuni ! La Reine devra-t-elle sortir de sa neutralité constitutionnelle pour éviter une telle situation ? Des élections générales anticipées ou bien un nouveau référendum seront-ils provoqués ? Le pays honorera-t-il sa dette de 55Mds € à l’égard de l’U.E. ? Pour compenser le violent choc économique en perspective, la Livre Sterling sera-t-elle dévaluée, ou bien encore le Royaume-Uni va-t-il se transformer en « paradis fiscal » aux portes de l’U.E. ? Une nouvelle extension du calendrier est bien entendu possible, mais pour négocier quoi, tant les vues entre les deux protagonistes divergent ? Le pragmatisme pourrait permettre de nuancer certaines de ces interrogations, mais les impacts du Brexit n’en seront pas moins majeurs, avant tout pour le pays lui-même, mais bien entendu aussi pour l’U.E. et pour leurs partenaires respectifs à travers le monde entier.


En Italie, la longévité de la coalition politique contre nature entre la Ligue et le Mouvement 5 Étoiles a surpris bien des observateurs, mais les ambitions de M.Salvini l’ont finalement poussé, à tort, à chercher un pouvoir sans partage. L’alliance surprise entre le Mouvement 5 Étoiles et le Parti Démocrate a fait échouer cette manœuvre, mais l’instabilité politique coutumière du pays devrait perdurer, tant les relations historiques entre ces deux camps sont tendues. La crédibilité du Budget qui sera défendu cet automne auprès de Bruxelles est donc par avance sujette à caution, les hypothèses de recettes, de dépenses, et de croissance dépendant d’un équilibre parlementaire et gouvernemental très incertain ! L’ampleur de la dette italienne (2 260Mds €, soit un ratio de dette/PIB de 132%) et sa croissance attendue famélique (+0.1% pour 2019 et un probablement ambitieux +0.5% pour 2020, selon le consensus Bloomberg) en font le maillon faible de la zone Euro, d’où le fait que le pays soit courtisé (manipulé ?) par la Chine et par les États-Unis ! Cet agenda est d’autant plus malheureux, qu’il se télescope avec celui du Brexit et du départ de M.Draghi de la présidence de la BCE ! L’Italie sera donc, une fois encore, l’un des centres d’attention des investisseurs internationaux en cette fin d’année.

Bien d’autres « points chauds » internationaux pourraient, eux aussi, provoquer des accès de volatilité sur les marchés financiers. Étant donné l’ampleur de l’enjeu stratégique et économique que représente Hong Kong (1er aéroport de fret au monde, du fait de l’ampleur des flux entrants et sortants de Chine !), les « contestations » répétées et désordres de toutes sortes que cela engendre ne peuvent que stresser le pouvoir central chinois, l’année même de la célébration des 70 ans du Parti Communiste ! Si la stratégie du “pourrissement” ne parvient pas à asphyxier ce mouvement populaire, un excès de fermeté pourrait hélas en être l’épilogue. L’Histoire montre par ailleurs que les grandes puissances mondiales s’opposent souvent par pays tiers interposés : la Corée du Nord, l’Iran, la Turquie entre autres seront-ils les souffre-douleurs du conflit entre la Chine et les États-Unis ?
L’incertitude politique en Argentine va-t-elle pour sa part provoquer un nouveau désastre financier ? Si une contagion au travers de l’économie « réelle » semble peu probable, cet évènement pourrait en revanche faire prendre conscience aux investisseurs qu’ils sous-estiment les menaces pesant sur certains pays ou entreprises, la rémunération des obligations de ces émetteurs ne couvrant plus forcément les risques de défauts associés. Cette liste n’est, hélas, évidemment pas exhaustive puisque les tensions entre l’Inde et le Pakistan, le Japon et la Corée du Sud, la Syrie etc sont autant de sources de stress additionnel possibles !
Allocations d’actifs : TINA (There Is No Alternative) !
Pour les gérants, sans même retenir l’hypothèse d’une récession économique « imminente », le contexte milite pour l’application du « principe de précaution », d’autant que les performances annuelles sont satisfaisantes sur la plupart des actifs financiers. Les stratégies d’allocations s’imposent alors de plus en plus, c’est ce que les Anglo-Saxons synthétisent sous l’accroche « TINA » : There Is No Alternative, autrement dit beaucoup de choix se font plutôt par défaut que par conviction ! À noter que, plus les expositions à certains actifs deviennent consensuelles, plus elles impliquent des risques de volatilité sur les marchés financiers en cas de retournement de tendance car tout le monde voudra agir de la même manière enmême temps, sans trouver de contrepartie sur les marchés … C’est la principale limite à la plupart des allocations financières aujourd’hui, et il convient d’y attacher beaucoup d’attention !
Obligations :
Dans le monde, 17 000Mds $ d’obligations traitent désormais avec un taux d’intérêt négatif, dont plus de 1 100Mds $ ayant été émises par des entreprises. Il n’y a par ailleurs plus que 3% des obligations mondiales offrant des rendements supérieurs à 5% ! Dans le contexte actuel, la recherche du “rendement” est une évidence et la « protection » offerte par les banques centrales améliore d’autant la probabilité de succès de ce type de stratégie. Mais le risque de défauts monte puisque le cycle économique se dégrade. Lorsqu’il n’y a plus de rendement, la question des gains ou pertes potentielles en capital devient primordiale ! Il convient donc d’être de plus en plus sélectifs quant aux obligations détenues. La solvabilité devenant un critère discriminant, nous sommes donc plus circonspects quant aux rendements-risques offerts par certaines obligations émergentes ou obligations d’entreprises « High Yield ». Nous privilégions donc l’exposition aux obligations d’États ou d’entreprises offrant une très bonne visibilité de remboursement, même si cela se fait aux dépens du rendement.

Actions :
Le cycle économique se tassant et la visibilité des perspectives se dégradant, les actions sont de plus en plus un investissement “par défaut”, pour essayer de capturer un rendement que les obligations n’offrent plus : le dividende des actions devient le substitut au coupon des obligations. Mais, comme pour les obligations, la solvabilité de l’entreprise est essentielle car sécurisant le dividende et permettant d’envisager des programmes de rachat d’actions. Il faut par ailleurs continuer d’éviter les actions illiquides (émergents, petites capitalisations boursières, …) et privilégier en revanche celles offrant d’importantes perspectives de croissance (technologiques par exemple) alors que la dynamique mondiale se tasse. Parce que la croissance du pays reste finalement forte et que sa dépendance au commerce extérieur est « modérée », les États-Unis restent la zone que nous privilégions dans nos allocations.
Matières premières :
Même si les tensions géopolitiques peuvent soutenir ponctuellement le pétrole ou encore certains métaux industriels ou les prix de quelques denrées alimentaires, nous sous-pondérons cette classe d’actifs. La seule exception reste l’or, en tant qu’actif de diversification, pour la perception de « protection » que bien des investisseurs lui accordent, et pour le potentiel de gains en capital qu’il nous semble encore offrir.
En fin de compte, pour nos allocations d’actifs, « Cette fois, ce n’est PAS différent » ! L’évolution du contexte politique et économique mondial nous conforte plutôt dans nos convictions et dans nos choix d’expositions financières déterminés depuis plusieurs mois déjà.