Date de publication : 1 avril 2025

« On hasarde de perdre en voulant trop gagner ». En ce début d’année, D.Trump, tout comme la plupart des investisseurs, ne peuvent que constater la justesse de ce propos de Jean de La Fontaine. Le chaos provoqué par D.Trump suscite beaucoup d’interrogations et d’inquiétudes. Essayons, modestement, de proposer notre analyse quant aux 2 principaux sujets de préoccupation que sont les relations commerciales et la question de la Défense en Europe, et d’en déduire quelques conséquences pour les allocations d’actifs.

« La raison du plus fort est toujours la meilleure. » / Le Loup et l’Agneau.

Le retour de D.Trump à la Maison Blanche a créé diverses ruptures majeures, notamment en ce qui concerne le commerce international. Le Président souhaite en effet renforcer la souveraineté américaine, ce qui passe selon lui par la réindustrialisation des États-Unis, et présenterait l’avantage de contribuer à rééquilibrer la balance commerciale nationale. Pour ce faire, D.Trump a notamment décidé d’imposer des tarifs douaniers à l’encontre des produits étrangers entrant sur le territoire américain, de façon à réduire leur compétitivité et à encourager les entreprises étrangères à s’implanter aux États-Unis, stimulées en cela par la perspective d’une importante baisse à venir de l’impôt sur les sociétés. Bien entendu, l’application de ces taxes douanières peut provoquer des rétorsions en retour, avec un risque d’escalade tarifaire entre les pays, d’où l’actuelle déstabilisation du commerce mondial et l’inquiétude montante des investisseurs.

Faiseur de « deals », mais aussi afin d’arracher diverses concessions aux pays étrangers, D.Trump a décidé de tirer pleinement profit des rapports de force bilatéraux favorables aux États-Unis. De plus, afin d’amplifier la portée de ses annonces, il joue de l’effet de surprise en portant ses offensives là où il n’était pas attendu, l’effet anxiogène étant alors démultiplié. Cette attitude est très déstabilisatrice, les partenaires économiques privilégiés d’hier étant traités aujourd’hui comme des adversaires, au seul motif qu’ils dégagent des excédents commerciaux vis-à-vis des États-Unis ! Ainsi, le Mexique et le Canada ont été les premières cibles des relèvements tarifaires américains avec 25% de droits de douane. La Chine, concurrent des États-Unis pour le leadership mondial, s’est vu appliquer une première hausse de 10% de taxes dès février, puis 10% additionnels en mars. Pour ce qui est de l’Union européenne (U.E.), elle pourrait voir ses tarifs douaniers relevés de 25%, D.Trump superposant toutefois délibérément ce sujet avec le calendrier de l’éventuelle fin du conflit en Ukraine, de façon à disposer d’un rapport de force démultiplié.

Faut-il s’attendre alors à des tarifs douaniers de 10%, de 25%, ou bien plus élevés encore ? Ces tarifs douaniers s’appliqueront-ils à quelques secteurs spécifiques (automobile, pharmaceutique, semi-conducteurs, acier) ou bien à tous ? Des exemptions ou tarifs douaniers plus modérés seront-ils accordés à certains produits stratégiques (cf. pétrole canadien par exemple) ? La confusion est totale pour les partenaires commerciaux des États-Unis, mais tout autant pour les négociateurs américains, puisque les droits de douane et les calendriers de mise en application finalement retenus peuvent être très éloignés des annonces initiales ! Mener de front autant de négociations avec TOUT le reste du monde est un chantier titanesque pour l’Administration Trump, qui ne dispose évidemment ni des effectifs, ni des ressources suffisantes pour mener à bien un tel chantier : les pays ou les zones ayant les plus importants excédents commerciaux à l’égard des États-Unis deviennent donc des cibles prioritaires. Pour ce qui est de l’U.E., sera-t-elle traitée comme une seule entité, ou bien les États-Unis parviendront-ils à fracturer le bloc commun et à imposer des dialogues bilatéraux qui leur seraient plus favorables ? En attendant des avancées sur les diverses négociations en cours, l’hypothèse envisagée par les États-Unis consisterait à appliquer des « tarifs douaniers réciproques » : les Américains aligneraient systématiquement par le haut leurs droits de douane à l’égard de tout pays étranger appliquant une taxation aux frontières plus élevée que la leur. Cette méthode présenterait le double avantage d’être relativement simple à justifier et à mettre en œuvre, et assurerait les premières rentrées fiscales : la cohérence globale du plan économique de D.Trump dépend notamment des droits de douane prélevés, puisqu’étant voués à financer en partie les baisses à venir d’impôts sur les sociétés.

Le diable se cache toutefois dans les détails : quelles statistiques utiliser pour appliquer les tarifs douaniers ? Ainsi, les données transatlantiques de calcul des déficits ou des excédents commerciaux ne sont pas harmonisées, ouvrant la voie à d’interminables discussions entre les négociateurs. La TVA doit-elle être incluse dans les calculs de taxation, comme le souhaitent les États-Unis ? Les biens seront-ils les seuls à être concernés, ou bien les services le seront-ils également, et qu’en sera-t-il de la « taxe GAFA » qui agace D.Trump et son entourage, ou bien encore de la taxe carbone aux frontières ? Le sujet des services est particulièrement sensible car, si les États-Unis sont structurellement en déficit commercial pour les biens industriels, le pays dégage en revanche d’importants excédents commerciaux sur les activités de services, notamment grâce aux secteurs de la technologie et de la finance, ce qui compense en grande partie leurs déficits sur les biens. À titre d’illustration, selon des données du Parlement européen, en 2023 l’U.E. avait un excédent sur les biens à l’égard des États-Unis de 156,6 Mds €, mais simultanément un déficit sur les services de -104 Mds €, soit un excédent global de « seulement » 52,6 Mds €, ou bien encore 3,4% du total des échanges entre les deux zones. Par ailleurs, les barrières douanières ne sont pas nécessairement exclusivement tarifaires, puisqu’elles peuvent aussi être sanitaires, environnementales, ou bien réglementaires, ce qui est d’ailleurs la spécialité de l’U.E. … quelles taxes douanières convient-il d’appliquer dans un tel cas ? Enfin, les fluctuations entre les devises peuvent contrecarrer les effets négatifs des tarifs douaniers sur la compétitivité d’un pays. Il ne serait alors pas étonnant que l’Administration Trump en vienne à reprocher à certains pays de « manipuler leurs devises », justifiant d’imposer des tarifs douaniers discrétionnaires.

Pour les entreprises, les ménages, et les investisseurs en bourse, c’est bien plus l’incertitude tarifaire que les tarifs douaniers eux-mêmes qui pose problème. Lorsque les paramètres fiscaux sont prévisibles, il est possible de prendre des décisions d’investissement selon des critères objectifs, alors que le flou actuellement entretenu par l’Administration américaine incite à tout suspendre en attendant de retrouver plus de visibilité. Ainsi, les dirigeants d’entreprises doivent-ils reconsidérer leurs sources d’approvisionnement si leurs fournisseurs devenaient subitement bien plus chers du fait de ces tarifs douaniers, ou bien parce qu’ils font l’objet de décisions politiques d’interdiction de poursuivre leurs échanges avec tel ou tel pays ? Est-il nécessaire de chercher dans l’urgence de nouveaux clients pour les produits et les services que l’on propose si certains marchés se ferment subitement (par exemple, risque de « submersion » des marchés européens par les produits chinois) ? La question se pose aussi pour les entreprises de répercuter ou non sur leurs prix finaux les hausses tarifaires subies, sachant que cette décision dépend de l’intensité concurrentielle du secteur d’activité dans lequel elles évoluent, et que ce facteur pourrait changer significativement à la suite de l’application des nouveaux droits de douane. Pour ce qui est des ménages, leurs décisions de consommation ou d’épargne peuvent être plus ou moins sensibles aux hausses de prix des produits qui ne manqueront pas d’intervenir, et exerceront-ils en retour des pressions sur leurs employeurs pour que des hausses de salaires permettent de préserver leur pouvoir d’achat ? Tous ces questionnements pénalisent les entreprises du monde entier, y compris les entreprises américaines : c’est pourquoi, même s’il peut y avoir un risque d’inflation additionnelle à court terme, c’est principalement un risque de tassement de la croissance économique qu’il faut craindre. Dès lors, après une hausse prévisible de certains prix, c’est peut-être paradoxalement plutôt de la désinflation qui pourrait survenir si le tassement de la croissance économique devait être prononcé. Si tel devait être le cas, les décisions des Banques centrales seraient délicates : elles devraient arbitrer entre une inflation de court terme justifiant de relever éventuellement les taux directeurs, et un tassement de croissance économique qui s’en suivrait encourageant à l’inverse à une baisse des taux directeurs ! Pour les investisseurs en bourse, la perte de visibilité est donc totale : quels chiffres d’affaires attendre, quelles marges bénéficiaires espérer, quelles politiques monétaires et donc quels coûts d’emprunts pour les agents économiques sont envisageables, quelles parités de changes sur les devises, etc… ? La volatilité des marchés financiers en ce début d’année est donc justifiée, mais elle repose sur des HYPOTHÈSES de droits de douanes et d’effets dominos qui s’ensuivent, et pas sur des certitudes, d’où des prises de bénéfices et des rotations de thèmes, de secteurs, ou de zones, mais sans désinvestissements massifs.

« En toute chose, il faut considérer la fin. » / Le Renard et le Bouc.

Le réveil est brutal : les Américains ne devraient plus garantir la sécurité des Européens. L’Administration Trump a en effet décidé de laisser aux Européens le soin de défendre leur propre territoire, de façon à se concentrer sur le front paraissant prioritaire : la Chine. L’Europe a manqué de vigilance, convaincue que les États-Unis resteraient un protecteur indéfectible, notamment du fait des engagements réciproques pris au travers de l’OTAN. La partition mondiale en cours fait que la souveraineté militaire devient une priorité absolue. Ironie de l’histoire, le projet européen, né d’une promesse de paix, se consolide à nouveau sur une menace de guerre.

Le budget européen de Défense est passé de 317 Mds $ en 2021 à 453 Mds $ en 2024, soit une hausse de 43%. Désormais, 21 des 28 pays de l’U.E. consacrent plus de 2% du PIB à la Défense. Pour autant, durant des décennies, les budgets consacrés à la Défense étaient limités à la portion congrue en Europe et, parce que n’étant pas prioritaires, aucune industrie de Défense structurée n’avait été planifiée au niveau de l’Union. Chaque État disposait librement de son maigre budget consacré à la Défense, tentant de soutenir les quelques entreprises nationales opérant dans ce secteur d’activité, ou bien avaient recours aux sociétés de la Défense américaine, entretenant ainsi une dépendance de long terme à leur égard (cf. équipements militaires, formation à l’utilisation de ces équipements, pièces détachées, munitions, etc…). Pour autant, le retard accumulé depuis des décennies est considérable et sera très difficile à combler, de même que l’écart transatlantique. La Chine n’est pas en reste puisque, bien que ses dépenses consacrées à la Défense soient officiellement inférieures à celles de l’U.E., ses coûts industriels sont bien plus faibles qu’en Europe ou qu’aux États-Unis, obtenant ainsi une capacité militaire bien supérieure pour chaque Dollar dépensé. De plus, contrairement à l’Europe, la Chine n’a pas eu recours aux États-Unis pour sa Défense, c’est donc bien son industrie domestique qui en a directement tiré profit.

Face à l’adversité russe, l’époque des « passagers clandestins » de la Défense est désormais révolue : bien que la situation budgétaire des États européens ne s’y prête pas nécessairement, ou bien que de nombreuses autres dépenses soient elles aussi urgentes (cf. transition énergétique par exemple), la « mobilisation générale » est impérative. L’ambition affichée par les dirigeants de l’U.E. est d’y consacrer d’abord 3% du PIB, pour tendre ensuite vers les 5%, sachant que 1% du PIB européen équivaut environ à 170 Mds €. Les sommes en jeu étant très importantes, elles ne pourraient que susciter des frictions entre les pays membres, soit par réticence à débourser de tels montants, soit pour tenter de s’approprier ces flux de capitaux. L’écosystème de la Défense européen est en effet, hélas, particulièrement morcelé. Structurer un « Airbus de la Défense » européen sera un exercice très difficile puisque le principe du « juste retour », consistant à obtenir une charge industrielle équivalente à sa participation financière, participe au morcellement de l’offre. Il convient de souligner que, en dépit du Brexit, le Royaume-Uni s’est immédiatement associé aux pays de l’U.E. pour cette perspective de Défense européenne, et de rappeler qu’avec la France, ce sont les 2 seuls pays européens à disposer de l’arme nucléaire. 

800 Mds € est l’ambitieux plan dévoilé par U.Von der Leyen pour la Défense européenne et pour fournir une aide immédiate à l’Ukraine. Comme toujours, il est difficile de savoir si cette annonce ne dissimule pas d’importants « recyclages » de capitaux déjà annoncés préalablement (cf. réaffectation des « fonds structurels » européens), mais aussi de s’interroger quant à la l’échéancier de ce budget ? Ces questions sont très importantes car les modalités de financement en dépendent, et ce sujet soulève de nombreuses réflexions. Dans la mesure où les contraintes budgétaires des États européens sont déjà fortes, Bruxelles envisage de retirer à l’avenir le budget de la Défense des calculs de respect des règles de Maastricht en termes de déficit budgétaire et de dette. Même si cet artifice comptable permet à certains pays de ne plus faire l’objet de procédures pour déficits excessifs, cela ne résout toutefois pas la question de la levée des capitaux nécessaires, puisque ne modifiant pas le niveau de dette respectif de chaque pays. C’est pourquoi, à l’instar de ce qui a été fait durant la COVID, la piste des « Eurobonds » (obligations émises par l’ensemble de l’U.E., et non plus par chaque pays individuellement) est de nouveau considérée, car permettant de lever plus de capitaux, très vite, et avec un taux d’intérêt moyen plus bas. La problématique suivante consiste à trouver des contreparties disposées à acquérir ces obligations des États ou bien ces Eurobonds. La Banque Européenne d’Investissement pourrait ainsi être sollicitée, à condition d’ajuster ses statuts et missions. De même, parce qu’une guerre est inflationniste et que le mandat de la BCE consiste à maîtriser l’inflation, elle pourrait trouver là une justification pour, elle aussi, se porter acquéreur de ces obligations ou Eurobonds et participer ainsi au financement de la Défense européenne. S’il fallait recourir aux capitaux des investisseurs institutionnels, un assouplissement des règles de restrictions d’investissement sur la Défense pourrait être accordé aux fonds « socialement responsables » … mais un tel changement d’orientation pourrait déplaire à leurs clients ! Pour que les capitaux ainsi levés soient mieux rentabilisés, il conviendra d’imposer une « préférence européenne » pour développer nos entreprises, mais aussi que les achats européens dans la Défense soient enfin mutualisés, rendant cette Défense plus cohérente (cf. interopérabilité) et permettant de réaliser ainsi des économies sur les coûts d’achats … ce qui signifie toutefois d’accepter de renoncer à la souveraineté de chaque pays au profit de celle de l’U.E. !

« Aide-toi, le Ciel t’aidera. » / Le Chartier embourbé.

Le regain de volatilité sur les diverses classes d’actifs en bourse depuis le début d’année atteste que les investisseurs sont désemparés par les décisions de D.Trump et de son Administration. Essayons toutefois d’identifier quelques lignes directrices pour les allocations d’actifs.

Les budgets des États seront toujours très actifs.

D’un point de vue CONJONCTUREL, la plupart des États chercheront à soutenir leur croissance économique, à défendre l’activité de leurs entreprises, à protéger le pouvoir d’achat des citoyens, etc… pour contrer les effets négatifs à court terme des tensions commerciales. La Chine souhaitant pour sa part défendre son modèle économique et social face à celui que les États-Unis tentent d’imposer, d’importants soutiens budgétaires seront là aussi engagés cette année, ce qui aura des retombées favorables pour ses très nombreux partenaires. De façon plus STRUCTURELLE, les enveloppes budgétaires allouées à la Défense par l’Europe soutiendront la croissance économique de la zone durant de nombreuses années, et les avancées technologiques du secteur de la Défense auront des retombées favorables pour certains secteurs civils. De même, la TRÈS IMPORTANTE relance budgétaire allemande (500 Mds € alloués aux infrastructures, soit 11% du PIB du pays !) sera un incrément récurrent à la croissance économique du pays durant de nombreuses années, mais aussi pour ses voisins. On peut toutefois regretter que cette relance se fasse au niveau du pays et non pas au niveau de l’U.E. (cf. recommandations du plan Draghi) ! En dépit des nombreuses incertitudes persistantes, les craintes de tassement de la croissance économique ne doivent donc pas être surestimées, et les baisses d’impôts et les dérégulations à venir aux États-Unis pourraient à leur tour enclencher une dynamique favorable, le reste du monde pouvant difficilement ne pas s’aligner, au moins partiellement, sur cet exemple. Dans un contexte où la croissance économique est a priori persistante, et cela durablement, les actions devraient rester bien orientées et justifient de rester surpondérées dans les allocations d’actifs.

Le coût d’emprunt des États transatlantiques diverge et prend radicalement à revers les investisseurs.

Les soutiens budgétaires en urgence engagés par les États européens impliquent de devoir émettre beaucoup plus d’obligations que ce qui était jusqu’alors envisagé et, pour attirer les investisseurs, il faudra leur proposer des rendements plus élevés qu’auparavant. Par ailleurs, si la croissance économique de la zone est soutenue par ces dépenses budgétaires, la BCE aura alors moins d’incitation à baisser ses taux directeurs. Les taux des obligations européennes se sont donc logiquement tendus. En revanche, aux États-Unis, les violents efforts de réduction des dépenses fédérales par E.Musk et son « Department of Government Efficiency » (DOGE) atténuent les besoins de financement de l’État américain et donc le volume d’obligations à émettre. Par ailleurs, tant que les baisses d’impôts envisagées ne sont pas actées, le pays subit plutôt les effets récessifs des premières annonces de D.Trump sans bénéficier encore des aspects favorables à la croissance économique, ce qui pourrait restaurer quelques marges de manœuvre à la FED pour baisser ses taux directeurs. Les taux des obligations américaines se sont donc logiquement détendus. En fin d’année 2024, les investisseurs avaient des anticipations exactement inverses à ces 2 développements, d’où des allocations très consensuelles, complètement prises à revers : les ajustements de portefeuilles ont été dès lors violents, et sans possibilité de trouver des contreparties significatives sur les marchés. Désormais, un nouvel équilibre semble restauré sur les obligations transatlantiques, comme en atteste la stabilisation du différentiel de rendement entre les États-Unis et l’Allemagne. Dans la mesure où la croissance économique devrait rester bien orientée, le risque de défaut de paiements des entreprises reste très contenu, d’où notre préférence persistante pour ces obligations plutôt que celles des États qui, eux, devront émettre beaucoup de nouvelles obligations.

Les Banques centrales à nouveau sollicitées ?

La question de l’éventuel surcroît d’inflation de court terme incite les Banques centrales à plutôt suspendre temporairement les baisses de taux envisagées. Toutefois, de l’aveu même des banquiers centraux, leurs politiques monétaires restent plutôt restrictives et, même si le calendrier reste difficilement prévisible, leur prochain mouvement devrait être une baisse des taux. Par ailleurs, les États, nécessitant des taux d’emprunt les plus bas possibles pour financer leurs investissements ou maintenir la soutenabilité de leurs finances, exerceront une pression significative sur les Banques centrales afin qu’elles adoptent des politiques monétaires accommodantes. Au-delà des taux directeurs, c’est peut-être plus encore la question des achats d’obligations par les Banques centrales (i.e. les « Quantitative Easing ») qui pourrait faire l’objet d’âpres débats, car la « monétisation des dettes » soulève l’hostilité des banquiers centraux attachés à l’orthodoxie monétaire. Au final, les éventuelles divergences de politiques monétaires, ou bien encore des tempos décalés entre les Banques centrales, pourraient avoir des conséquences importantes sur les devises, comme le montrent déjà les fluctuations en ce début d’année. Ce facteur, source d’incertitude pour les dirigeants d’entreprises et pour les investisseurs, devra être scruté de très près car les performances finales peuvent être radicalement différentes selon que l’anticipation des fluctuations de devise a été juste ou non.

Quelques secteurs d’activité « chauds » en bourse.

Le secteur de la Défense séduit logiquement les investisseurs dans la mesure où ses carnets de commandes seront très fournis, et cela durant de nombreuses années. Il convient toutefois de ne pas oublier que ces sociétés vont devoir investir MASSIVEMENT pour monter en cadence, ce qui va détériorer leur trésorerie : les versements de dividendes et les rachats d’actions ne seront plus une priorité à leurs yeux. Par ailleurs, l’envol des cours de bourse a conduit à une très forte revalorisation des ratios boursiers du secteur : ce dernier est désormais plus cher que le luxe par exemple ! Le secteur pourrait toutefois bénéficier d’un attrait spéculatif qui semblait impossible jusque-là : des fusions transfrontalières pourraient intervenir, en dépit des enjeux de souveraineté nationale que cela induit. En parallèle beaucoup de sociétés de logiciels informatiques, de capteurs, etc… pourraient être redécouvertes grâce au réveil de ce secteur : la technologie a encore de beaux jours devant elle en bourse !

La construction et la reconstruction seront logiquement des secteurs favorablement entourés en bourse, dans la mesure où l’Allemagne va y consacrer un énorme budget, et que l’Ukraine sera aussi le centre d’intérêt de nombreuses industries. Au-delà des sociétés de BTP ou de matériaux de construction, ce sont aussi les transports, les infrastructures électriques, les télécoms, les services collectifs, etc… qui peuvent trouver là des relais d’activités inattendus, et durant plusieurs années.

Les « métaux rares » sont aussi un enjeu fort que les divers propos de D.Trump ont révélé. Les métaux rares sont des métaux ayant des propriétés physiques très spécifiques, et qui sont essentiels au bon fonctionnement des semi-conducteurs, pour la Défense, etc… Si ces métaux sont en réalité disponibles dans de nombreux endroits de la planète, la difficulté consiste généralement à ne pas disposer de teneurs en métal très riches, d’où un coût d’extraction très élevé. Par ailleurs, les règles environnementales imposées aux sociétés minières renchérissent ou même empêchent l’exploitation de nombreux sites. Si les États-Unis s’en préoccupent autant, c’est que l’avance technologique du pays est fragile : ils ne disposent que de 5 à 6 mois de réserves stratégiques de ces métaux rares. Par surcroît, la Chine est en situation de quasi monopole mondial dans le domaine du raffinage des métaux rares (80-90% des capacités de raffinage sont localisées dans le pays) : ce moyen de chantage est MAJEUR ! Ceci explique l’intérêt de D.Trump pour le Groenland, pour l’Ukraine, pour le Canada, etc… 

Conclusion : « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. » / Le Lion et le Rat.

Les investisseurs détestent les incertitudes et les ruptures, mais ces dernières peuvent aussi être le point de départ de nouvelles histoires qu’il conviendra d’accompagner. Comme toujours, les crises majeures accélèrent la construction européenne, et le brutal réveil des actifs financiers de la zone (actions, obligations, Euro) atteste de l’intérêt que les investisseurs y portent. Pour autant, l’exécution devra être à la hauteur des ambitions, et ce sera là le véritable test pour la zone : espérons alors que la Défense ne soit que la première pierre d’un bien plus vaste édifice !

La Fontaine

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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