Bitcoin, Ethereum, Tether, Cardano, Binance coin, XRP, Dogecoin… Les Baby-boomers (nés entre 1946-1965) et la génération X (nés entre 1965-1980) ne veulent généralement pas entendre parler des « cryptos », mais ne passent-ils pas à côté d’une formidable révolution, par simple méconnaissance du sujet ? À l’inverse, les générations Y (nés entre 1980-2000) et Z (nés à partir de 2000), en sont souvent de fervents défenseurs, mais ne tombent-elles pas naïvement dans le piège d’une incroyable bulle financière ? À défaut de trancher entre ces positions radicalement opposées, nous allons essayer de contribuer humblement à instruire plusieurs aspects de ce débat.
Cryptos, blockchain, jetons… de quoi parle-t-on ?
Le terme de « crypto » est la contraction de « crypto-monnaie », de « crypto-devise », ou bien encore de « crypto-actif », le choix du terme dépendant de l’étendue des attributs monétaires que l’on veut bien leur reconnaître. Les cryptos sont des monnaies virtuelles (il n’y a en effet ni billets, ni pièces, en circulation), s’échangeant au travers d’un réseau informatique sécurisé (i.e. la « blockchain ») entre des individus ou des entreprises acceptant ces monnaies comme instrument de paiement. La très grande majorité des cryptos échappant au contrôle des États et des banques centrales, la gouvernance est donc assurée par les membres du réseau adoptant ces cryptos, et les éventuelles pertes financières doivent être assumées par chacun des participants, sans filet de sécurité étatique.
Une blockchain est un protocole informatique s’apparentant à un immense registre comptable informatique (« ledger » en anglais), dans lequel chaque transaction (appelée « block ») est enregistrée avec précision, permettant une parfaite traçabilité des dates, des flux et des intervenants. L’atout de la technologie de blockchain est qu’un système de cryptographie évolué et collaboratif, le « minage », permet de sécuriser ces flux, leur stockage, et leur mise à disposition permanente entre membres du réseau. Par conception, une blockchain empêche la modification frauduleuse des données y circulant, ces dernières étant gérées et stockées par un réseau d’ordinateurs adhérant collectivement à ce protocole commun. Pour pirater une blockchain, il faut parvenir à prendre le contrôle de la majorité des ordinateurs du réseau pour pouvoir falsifier ensuite les informations contenues dans le registre comptable. Autrement dit, plus une blockchain comprend de membres, plus elle est sécurisée. Cette technologie a été employée dès 2008, et elle est intimement liée au désormais célèbre Bitcoin. Dans l’écosystème des cryptos, une blockchain fait office de tiers de confiance, autrement dit plus besoin d’avoir recours à un intermédiaire bancaire pour que la transaction soit validée !

Un jeton (« token » en anglais) est un instrument financier numérique utilisé par les entreprises pour lever des capitaux dans le cadre d’un ICO (« Initial Coin Offering »), autrement dit lors d’une mise aux enchères de jetons. Les investisseurs intéressés à participer au financement des projets de la société achètent ces jetons contre un paiement réalisé en crypto-monnaie, le plus fréquemment en Ethereum ou en Bitcoin. Autrement dit, c’est une forme de cagnotte collaborative numérique, où le jeton atteste du don effectué : c’est donc une alternative ou un complément au « capital-risque », que s’approprie désormais le grand public. Selon les caractéristiques précises du jeton acquis, l’investisseur obtiendra soit une forme de propriété (proche d’une action), soit une partie des dividendes générés par l’entreprise, parfois un bien ou un service produit par l’entreprise, ou même le contrôle d’un système en construction. Il convient donc de bien comprendre ce que l’on achète pour ne pas être ensuite déçu. Certains jetons sont uniques, reflétant le titre de propriété d’un objet spécifique, comme par exemple un objet d’art informatique (cf. tableau, constitué d’un patchwork de photos numériques, récemment vendu pour 69 millions de dollars) : on parle alors d’un jeton non fongible (NFT, ou « non-fungible token » en anglais). Les jetons achetés sont stockés dans un portefeuille électronique, le « wallet », dont l’accès n’est autorisé qu’avec une clé électronique anonyme et sécurisée. Une fois émis, le ou les jetons sont ensuite échangeables sur des plateformes numériques spécialisées.

Les cryptos sont-elles des monnaies ?
Seules certaines cryptos cherchent à devenir des monnaies, ce sont les tokens de paiement. Les autres sont créées à d’autres fins : des tokens d’utilisation et des tokens d’actifs. Les principales crypto-monnaies sont : Bitcoin, Ethereum, Ripple, Litecoin, Monero… Facebook envisage toujours de lancer sa propre crypto-monnaie (peut-être en 2021 ?), le Diem (anciennement nommé Libra), ce qui inquiète les autorités car la multinationale peut potentiellement accéder à plus d’⅓ des individus dans le monde au travers des divers réseaux sociaux qu’elle possède.
D’un point de vue légal, les crypto-monnaies n’étant pas émises par les États, comme c’est le cas pour l’Euro ou le Dollar, ce ne sont alors que de simples monnaies privées. Sauf interdiction spécifique dans certains pays, il est possible de convertir les cryptos en devises officielles et vice-versa. La plupart des États ont le projet de lancer leurs propres cryptos, ayant alors un cours légal : ce sont les « cryptos-fiat ». La Chine teste déjà depuis avril 2020 un Yuan numérique sur une partie de son territoire.
Pour qu’une monnaie soit acceptée comme un moyen de paiement, il faut qu’elle remplisse trois fonctions : intermédiaire des échanges, unité de compte, et réserve de valeur. Même si des échanges sont possibles avec des cryptos privées, personne n’est toutefois obligé de les accepter comme moyen de paiement. La très forte instabilité de valeur de la plupart des cryptos en fait par ailleurs de mauvaises unités de compte puisqu’en quelques heures seulement, le prix d’une baguette de pain pourrait par exemple valoir 10%-15%-20% de plus ou de moins. De même, cette extrême volatilité rend incertaine la capacité à assurer la fonction de réserve de valeur sur la durée, si par exemple son cours venait à s’effondrer du fait de l’apparition d’une nouvelle crypto plus séduisante. Des « stablecoins » (Tether par exemple), autrement dit des jetons dont la valeur est parfaitement indexée sur celle d’une devise légale ou d’un panier de devises légales, cherchent à remédier à cette problématique de volatilité des cryptos. Les cryptos actuellement en circulation ne remplissent finalement que partiellement les trois fonctions monétaires, c’est pourquoi les autorités préfèrent l’emploi du terme de « crypto-actifs » pour les désigner.
Quelles sont les principales cryptos et quelle est leur valorisation actuelle ?
Si on s’en tient à leur capitalisation, les 10 principales cryptos au monde sont par ordre décroissant : Bitcoin, Ethereum, Tether, Cardano, Binance coin, XRP, Dogecoin, USD Coin, Polkadot, Uniswap. Le site spécialisé https://coinmarketcap.com/ en répertorie déjà 10 165 dans le monde à la fin mai 2021. Le Bitcoin est la principale crypto, et toutes les cryptos alternatives au Bitcoin sont regroupées sous l’appellation d’ « alt-coins ».

Après avoir culminé à 2561 Mds $ le 12 mai 2021, la valeur cumulée de l’ensemble des cryptos répertoriées est tombée à 1371 Mds $ le 23 mai 2021, et est désormais de 1567 Mds $, montant à comparer par exemple au PIB de la France de 2700 Mds $ en 2019. Les 10 premières cryptos pèsent à elles seules 1260 Mds $, soit 80% de l’ensemble des cryptos. Le Bitcoin est valorisé à lui seul 671 Mds $, soit 42,9% du total, mais son poids relatif s’est effondré depuis la fin 2020 où il représentait alors 70,7% du total. Le Bitcoin ayant progressé de +119% en 2021 avant de retomber à +23% actuellement, c’est donc l’envol relatif des prix de ses proches concurrents et la venue de nouvelles cryptos qui expliquent cet impressionnant recul de part de marché (on parle alors du recul de sa « dominance ») en un si bref délai.


Comment expliquer la valorisation d’une crypto, mais aussi leur flambée et le krach récent ?
Une action procure un dividende, une obligation un coupon, un bien immobilier un loyer, mais la valeur d’une crypto est bien plus difficile à qualifier, d’où leur très forte versatilité. La valeur d’une crypto dépend de sa popularité, de l’usage que son acquéreur peut en avoir, et résulte en fin de compte surtout d’un rapport de force entre une offre et une demande. L’étendue du réseau social attaché à la crypto est donc déterminant, d’où la tentation pour des sociétés comme Facebook de développer leur propre crypto. Mais un jeton reflète aussi généralement un projet industriel et des droits attachés qu’il convient de bien comprendre pour évaluer sa valeur aujourd’hui et son potentiel demain. Beaucoup de nouvelles entreprises sont dites « digital natives », autrement dit elles intègrent dès l’origine les cryptos dans leur modèle de développement : certains jetons peuvent parfois laisser espérer une croissance future très forte, et donc une valorisation élevée.

Impossible de parler de la valeur des cryptos sans souligner leur caractère éminemment spéculatif. Beaucoup d’investisseurs agissent en meute, avec l’espoir de réaliser un profit rapide, sans même avoir analysé en amont les forces et les faiblesses des jetons achetés. Les situations de pénuries de jetons, souvent intentionnellement organisées par leurs émetteurs (21 millions de Bitcoins au maximum par exemple), peuvent provoquer des envols spectaculaires. La rareté contribue en effet à soutenir la valeur, mais le risque est que si trop peu de jetons sont émis ou ne circulent, ils ne restent confidentiels car trop peu disponibles pour une communauté large et ayant besoin d’échanges fréquents. La finalité de la crypto contribue généralement à sa valeur, mais pas toujours : le Dogecoin a été créé en toute transparence par ses fondateurs comme étant une simple blague technologique, et il est pourtant devenu aujourd’hui la 7ème crypto par la capitalisation (39 Mds $), sa valeur approchant celle d’une société comme Vivendi ! Précisons toutefois que le Dogecoin est une blockchain parfaitement opérationnelle, et que c’est un formidable outil de marketing pour des levées de capitaux. Par ailleurs, quelques influenceurs sur les réseaux sociaux peuvent aussi faire ou défaire le destin d’une crypto : les déclarations et agissements d’E.Musk sont par exemple suivis de très près par la communauté d’investisseurs sur les cryptos.
L’envol de la plupart des cryptos depuis un an s’explique notamment par la situation exceptionnelle due au coronavirus : des ménages ne pouvant dépenser normalement leurs revenus, d’où la constitution d’une épargne extraordinaire, des réseaux informatiques parfaitement opérationnels, et enfin des actifs financiers s’étant effondrés. Certains ont saisi cette opportunité pour investir en bourse, mais aussi pour tenter leur chance sur les cryptos. La flambée des cours que cela a entraîné a entretenu un sentiment de confiance, alimentant à son tour la spéculation et la venue de nouveaux investisseurs. La hausse des cours des cryptos a donc eu tendance à s’auto entretenir. Le Bitcoin étant un peu considéré comme la valeur refuge au sein des cryptos, l’appétit croissant pour le risque des investisseurs explique probablement en partie sa moindre performance relative depuis le début d’année face aux « alt-coins ». Il faut aussi souligner la présence croissante des professionnels de la finance dans l’univers des cryptos, car ces derniers, cherchant à mutualiser leurs investissements, exercent une pression acheteuse plus forte sur les petites cryptos que sur celles étant les plus chèrement valorisées. Par ailleurs, les Banques centrales ont dû créer énormément de monnaie pour aider les États à financer leurs soutiens budgétaires urgents, et l’emploi à outrance de la « planche à billets » inquiète de nombreux investisseurs, doutant de la valeur à terme des monnaies légales (cf. risque potentiel d’inflation), et préférant de ce fait chercher un éventuel refuge au travers des cryptos. Ceci amène d’ailleurs à s’interroger sur le possible repli des cryptos quand les Banques centrales durciront leurs politiques monétaires ou bien lorsque les investisseurs anticiperont une telle décision.

Le krach que viennent de subir les cryptos en mai est exceptionnel en tous points. Non pas que les chutes de prix soient rares sur les cryptos … au contraire même (cf. tableau des performances et pertes maximales sur le Bitcoin) ! Mais une chute d’une telle ampleur, et surtout en si peu de temps, est en revanche hors norme : près de 1200 Mds $ de capitalisation évaporés en seulement 11 jours. Plusieurs facteurs conjoints expliquent ce choc : une hausse trop forte des cryptos depuis un an, des investisseurs novices inconscients des risques pris, la présence récente d’institutions financières appliquant des règles strictes de gestion des risques, le revirement surprise et très symbolique de Tesla quant à l’acceptation du Bitcoin comme moyen de paiement, l’enquête des autorités américaines à l’encontre de la plateforme de cotation Binance… Mais c’est avant tout le message ferme des autorités chinoises, bannissant les cryptos privées comme instrument de paiement et interdisant le minage sur son territoire (65% du total mondial !), qui a fait chuter toutes les cryptos. Ce n’est pas la première fois que ce message est envoyé par les autorités chinoises, mais le probable lancement prochainement d’un crypto-Yuan officiel (en 2022 ?) rend plus crédible cette menace. Quelques conclusions peuvent être tirées de ce krach : certaines décisions réglementaires peuvent clairement affecter très fortement le prix des cryptos, la diversification entre cryptos n’offre pas de protection significative à la baisse (sauf les stable-coins évidemment !), il n’y a pas eu de contagion aux classes d’actifs traditionnelles, et les plateformes de cotation dédiées n’ont pas tenu techniquement face à l’afflux d’ordres, la plupart ayant dû interrompre temporairement toute opération. Par ailleurs, l’ampleur de l’écho que cet événement a eu dans les médias montre que les cryptos sont désormais devenues un sujet sociétal et non pas seulement monétaire.

Les entreprises et la finance vont-elles s’en emparer massivement ?
Sauf à ce que l’entreprise soit « digital native », elle paye ses fournisseurs, ses employés, ses impôts, ses charges sociales… dans la devise légale du pays et non pas en crypto. C’est pourquoi il n’est pas logique a priori de constituer une trésorerie en crypto. Lorsque Tesla a placé une partie significative de sa trésorerie (1,5 Mds $, soit 8% de son cash) sur le Bitcoin, il s’agissait à l’évidence d’une spéculation sur la hausse potentielle future de ce crypto-actif et d’un coup de publicité pour la société. Rien n’empêche toutefois une entreprise d’accepter une crypto en paiement pour rendre service à sa clientèle ou pour digitaliser son image, quitte à convertir tout de suite la crypto reçue en paiement par le client dans la monnaie légale du pays : les devises détenues en trésorerie doivent logiquement refléter la structure des dépenses futures de l’entreprise. Si la société a contracté un emprunt en crypto, cela a en revanche du sens de détenir en caisse cette crypto pour faire face aux remboursements futurs. Quelques entreprises mettent en avant pour justifier de la détention de cryptos dans leur trésorerie le manque de confiance qu’elles ont dans la réserve de valeur offerte par les monnaies légales… cet argument ne tient pas la route au vu de l’extrême volatilité des cryptos, ces dernières n’offrant aucune garantie d’avoir encore la moindre valeur à terme. L’avenir de l’entreprise, de ses salariés, de ses fournisseurs… peut-il raisonnablement dépendre d’un tel pari sur l’avenir ?
Les cryptos offrent aux entreprises certains avantages incontestables : transparence, sécurisation, vitesse de transferts, économie de coûts grâce à la désintermédiation, transferts internationaux sans impacts de conversions en devise locale, traçabilité complète du processus de fabrication et des lieux de production du produit à destination de la clientèle, certification de l’authenticité de la marque… Il semble difficile d’imaginer que ces atouts ne s’imposent pas sur la durée dans nos économies, mais est-ce que ce sera le fait de cryptos privées ou bien de cryptos d’États ? La fonction d’intermédiaire financier occupée par les banques va-t-elle disparaître au profit de comptes cryptos directement ouverts auprès de chaque Banque centrale ? Les activités de back-office, autrement dit l’administratif permettant d’attester de certains flux financiers, seront-elles encore nécessaires ? Quelles seront les conséquences sur l’emploi de la généralisation de telles technologies ? Il n’est pas étonnant que les autorités avancent à pas très mesurés sur ces sujets extrêmement sensibles et pouvant déstabiliser au pire moment le bon fonctionnement des économies !
À ce stade, les institutions financières développent de plus en plus de services à destination des entreprises ou des particuliers dans le domaine des cryptos. Impossible en effet de faire l’impasse sur ce qui semble être voué à s’imposer à l’avenir, c’est pourquoi les annonces autour de ces nouveaux services se multiplient chaque jour. Difficile de savoir quelles cryptos, quels protocoles informatiques, s’imposeront en fin de compte à terme, mais il est indispensable de se familiariser très vite avec leur usage et d’adapter les établissements à ces nouvelles exigences, évitant ainsi de disparaître pour n’avoir exercé la veille technologique nécessaire. Les cryptos pourraient ainsi, en quelques années seulement, changer radicalement les rapports de force respectifs prévalant aujourd’hui entre les établissements financiers : une révolution opérationnelle est à l’évidence en marche pour la finance, et il convient de s’y préparer !
Les politiques monétaires et budgétaires sont-elles remises en cause, et faut-il alors réguler les cryptos ?
La monnaie est l’un des plus forts symboles de la souveraineté d’un pays ou d’une zone économique. Pour les Banques centrales, la montée en puissance de concurrents potentiels que sont certaines cryptos de paiements est donc nécessairement un sujet très sensible, car c’est une forme de contestation du pouvoir régalien, d’où la tentation de les discréditer et de les considérer comme de simples crypto-actifs, comme des instruments privilégiés pour la fraude, pour l’évasion fiscale, pour le financement du terrorisme… Bien sûr, de nombreux crimes et malversations sont avérés, et l’anonymat des blockchains peut faciliter ces actes (selon Europol, en 2019, 1,1% des transactions sur le Bitcoin étaient liées à des activités criminelles), mais les monnaies légales ne protègent pas non plus de ce type de pratiques ! Pour quelques rançons payées en Bitcoins, combien d’opérations parfaitement légales se négocient chaque jour grâce à ce protocole informatique ? Par ailleurs, il est essentiel de bien comprendre que les crypto-monnaies ne sont pas de simples versions numériques des monnaies traditionnelles, leur spécificité étant d’être programmables à volonté, autorisant ainsi des fonctionnalités que les monnaies traditionnelles ne permettent pas. Dans l’hypothèse où des cryptos d’États auraient déjà été mises en place, il aurait par exemple été possible durant la crise du coronavirus de programmer des jetons dont l’usage aurait été conditionné par une date limite de validité, permettant d’affiner ainsi les soutiens financiers à destination de la population et des entreprises. Les comptes cryptos étant logés à la Banque centrale, il aurait pu également être facile d’identifier les personnes tombant dans la précarité ou les entreprises risquant la faillite, et de leur affecter spécifiquement des soutiens financiers en urgence, évitant les fréquents atermoiements des banquiers inquiets d’ajouter des créances douteuses à leurs portefeuilles de clients. De la même manière, il serait possible ainsi de mieux flécher certains investissements privés, vers la protection de l’environnement par exemple. La liste est infinie des nouvelles applications proposées par ces jetons programmables, c’est pourquoi leur adoption par les Banques centrales n’est qu’une question de temps et de préparation en amont. Mais pour ces institutions, la révolution sera majeure car quelle sera alors la frontière entre politique monétaire et budgétaire, et qu’en sera-t-il de l’indépendance des Banques centrales ? La vitesse de circulation de la monnaie, et donc implicitement l’inflation, sera-t-elle modifiée par l’adoption des cryptos ? Le cash, et l’espace de liberté et de confidentialité qui y est attaché, va-t-il disparaître avec le lancement des cryptos d’États ? Que deviendront les banques commerciales dans un tel schéma, et quelles fonctions leurs seraient encore dévolues ?


Pour les États, l’enjeu est peut-être plus important encore ! La traçabilité des flux de capitaux conditionne le prélèvement des divers impôts dus, et donc le financement des politiques budgétaires envisagées. De même, alors que les États sont très endettés, quelles peuvent être les conséquences de la généralisation de l’usage des cryptos sur le coût de l’emprunt si l’emprise des gouvernements sur les flux de capitaux décroît ? C’est donc tout simplement une question de survie financière pour les gouvernements que de s’assurer que les cryptos privées ne prennent pas le dessus sur les monnaies légales. Sécuriser les recettes de l’État est une chose, mais l’intérêt est aussi de pouvoir affiner l’affectation des dépenses et d’en avoir une traçabilité absolue. Imposer une crypto-fiat permettrait de s’assurer que les sommes soient plus efficacement allouées, profitant par exemple plus directement aux entreprises du pays plutôt qu’à entretenir inutilement certains déficits commerciaux. L’écosystème des cryptos détruira bien entendu beaucoup d’emplois et de revenus (quid du travail au noir par exemple ?), mais il offre aussi un potentiel de création d’emplois très important, c’est donc un enjeu sociétal majeur qu’il faut saisir plutôt que subir. Imaginons qu’un Yuan numérique chinois s’impose et vienne à surpasser l’Euro numérique sur le territoire européen, qu’adviendrait-il alors du financement de nos entreprises, de notre protection sociale, de la protection de nos données, de notre sécurité nationale…, et quid de la suprématie historique du Dollar ? La question de la souveraineté monétaire numérique est donc une urgence absolue.
Malgré les réticences des inconditionnels des cryptos, une importante régulation accompagnera ces développements, et certaines libertés offertes aujourd’hui seront limitées ou supprimées demain. Il convient d’éviter le blanchiment d’argent, de protéger les investisseurs des arnaques, de limiter les conséquences des piratages de jetons… L’organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, la SEC, a déjà indiqué travailler activement sur ces sujets, et les autres pays suivront. Toutefois, la complexité de cet univers numérique compliquera la tâche des autorités et, comme souvent, il est probable qu’elles soient souvent en retard par rapport aux possibilités offertes par ces technologies transformantes. Le risque est qu’un éventuel excès de régulation puisse être un frein très important à la démocratisation des cryptos, et que cela n’affecte en fin de compte la compétitivité relative du pays sur la durée. La meilleure des régulations resterait en fin de compte de parvenir à faire adopter par tous la crypto-fiat nationale, et que les cryptos privées concurrentes s’effacent progressivement.
Pour gagner un peu de temps, les autorités pourraient mettre en avant l’ampleur de l’impact écologique des cryptos, incitant les investisseurs à faire face à leurs contradictions environnementales, alors que l’investissement socialement responsable ne cesse de monter en puissance. La consommation énergétique et l’empreinte carbone sont en effet des sujets importants aujourd’hui pour les cryptos, mais les progrès technologiques réduiront les impacts sur l’environnement dans les prochaines années, et certaines sociétés financées grâce à ces jetons numériques seront demain les fers de lance de ces progrès énergétiques. La consommation énergétique due au seul Bitcoin est certes plus importante aujourd’hui que celle de la Norvège, mais l’impact pour la planète reste moindre que de laisser en veille les appareils électriques aux États-Unis plutôt que de les éteindre ! Enfin, les « mineurs » de cryptos, pour améliorer la rentabilité de leur activité, cherchent à exploiter surtout les surplus inutiles d’énergie, surplus que l’on trouve généralement auprès d’énergies renouvelables (barrages hydroélectriques…). L’obstacle environnemental, sans être éludé, ne doit donc pas être surestimé.

Comment investir sur les cryptos, quelles précautions faut-il prendre, et quelle fiscalité s’applique ?
De très nombreuses plateformes spécialisées sont dédiées aux échanges de jetons et/ou aux ICO : Coinbase, Binance, Kraken… La cotation se fait 7 jours sur 7, et en continu toute la journée … pas de répit le week-end ! Il convient d’être vigilant car les fraudes et les piratages de comptes peuvent intervenir. L’AMF tient à la disposition du public des listes de plateformes ou de supports d’investissement qu’il faut absolument éviter (en savoir plus). Pour rappel, les compétences des autorités sont aujourd’hui très limitées dans ce domaine, c’est pourquoi les sommes détournées seront généralement définitivement perdues ! En effet, il n’y a pas de chambre de compensation ou de garanties bancaires, d’où un risque potentiellement bien plus important que sur les actifs régulés. Avant d’investir, il faut être éventuellement prêt à perdre l’intégralité des sommes engagées, même si cette situation extrême est toutefois rare. Autrement dit, mesurez bien par rapport à l’ensemble de votre patrimoine le sacrifice que cela pourrait potentiellement représenter dans la pire des hypothèses. Attention à ne pas perdre les codes confidentiels de votre portefeuille virtuel, car nombreux sont ceux ayant définitivement perdu leur mise simplement à cause de cette négligence, et les sommes se comptent parfois en millions d’Euros !

Pour investir sur les cryptos, il faut bien comprendre quels sont les avantages et les inconvénients des jetons que l’on envisage d’acquérir, autrement dit de bien analyser en amont ce qu’est exactement la crypto ciblée. Les achats et les ventes se font comme pour des actions (ordres au marché, ou bien avec des limites, ou bien encore avec des stops), mais attention car l’extrême volatilité de ces actifs donne parfois une image trompeuse de leur possible exécution. En effet leur liquidité est souvent déficiente, notamment pour les cryptos les plus confidentielles, d’où de très mauvaises surprises dans certains cas ! Cette faible liquidité est parfois un atout, quand elle provoque la hausse du jeton, mais elle peut aussi être catastrophique à la baisse. Ainsi, durant durant le krach des cryptos en mai, les principales plateformes spécialisées n’ont tout simplement pas pu effectuer normalement les cotations des cryptos, empêchant certains investisseurs de limiter leurs pertes, ou d’autres de profiter de ces cours soudainement bas. L’extrême volatilité de la plupart des cryptos nécessite une vigilance particulière de l’investisseur, et il convient d’éviter les effets de leviers, surtout quand on n’en comprend pas bien les implications, comme le fait qu’on puisse perdre parfois plus que la mise initiale ! Par ailleurs, en l’absence de régulation, les prix cotés sur chaque plateforme dédiée aux cryptos peuvent parfois différer sensiblement, d’où une attention à porter également quant au choix de la plateforme finalement retenue. Comme toujours, il convient de diversifier ses actifs plutôt que de tout miser sur une seule crypto, et penser à régulièrement prendre des bénéfices et à les sécuriser (sur des stable-coins par exemple, si on veut rester dans l’univers des cryptos). L’ancienneté et la robustesse de certaines cryptos, sans être des gages de valeur future, peuvent être toutefois l’assurance d’une certaine résilience, utile pour bâtir le risque global de son portefeuille de cryptos. Les gains, parfois rapides, détournent souvent l’attention des frais prélevés, mais ne vous y trompez pas, si autant de plateformes se développent, c’est que c’est très rentable pour elles de vous faire régulièrement investir et arbitrer les diverses cryptos : surveillez donc de près vos coûts, d’autant que la transparence sur le sujet n’est pas toujours de mise ! Certaines sociétés liées à l’univers des cryptos commencent à se faire coter en bourse (Coinbase récemment par exemple), elles seront donc progressivement intégrées aux indices boursiers, et donc dans les ETF qui les répliquent. Une passerelle s’installe donc progressivement entre les cryptos, les marchés régulés, et l’univers d’investissement de WeSave.

Les cryptos ont beau être virtuelles, leur fiscalité est en revanche bien réelle ! La fiscalité sur les cryptos relève de la Loi de finances 2019. Les gains sont désormais soumis à la Flat Tax de 30%, ou bien encore au barème de l’imposition sur les revenus plus prélèvements sociaux si ce second choix devait être plus avantageux. La fiscalité s’applique sur la plus-value globale générée durant l’année. Tant que les cryptos ne sont pas converties en monnaie légale, aucune plus-value n’est enregistrée, et il n’y a donc alors pas de fiscalité. Il est obligatoire de déclarer les comptes de cryptos détenus dans des établissements situés à l’étranger. En cas d’insuffisance de déclaration, les rappels d’impôts font l’objet d’une majoration allant de 40 % (manquement délibéré ou mauvaise foi) à 80% (manœuvres jugées frauduleuses).
WeSave va-t-il investir sur les cryptos ?
Suravenir, notre assureur partenaire, a les pleins pouvoirs pour autoriser ou interdire les ETF que nous pouvons utiliser au sein de nos contrats d’assurance-vie. À ce jour, aucun ETF de crypto n’est disponible parmi les supports d’investissements admis, la question ne se pose donc pas ! L’extrême volatilité actuelle de la plupart des cryptos est incompatible avec notre philosophie de gestion consistant à chercher le juste équilibre entre rendement et risque. Si la volatilité des cryptos devait très fortement baisser, nous pourrions alors y trouver une éventuelle source de diversification additionnelle à nos allocations d’actifs, mais encore faudrait-il que la décorrélation avec les autres actifs en portefeuille soit significative, sinon cela n’apporterait qu’une exposition voisine, mais avec simplement bien plus d’effet de levier. Nous ne manquerons pas de vous tenir au courant des éventuelles évolutions dans le domaine, et nous nous tenons à votre disposition pour vous accompagner dans vos divers investissements.