Date de publication : 7 juillet 2017

Les sociétés technologiques… un cycle s’achève ?

En juin 2017, le Nasdaq100, c’est-à-dire l’indice resserré des grandes sociétés de technologies américaines, a brutalement décroché de -4.5% en seulement deux jours. Les investisseurs doivent-ils craindre un nouveau krach boursier majeur des valeurs technologiques, comme celui déjà éprouvé par ces sociétés entre 2000 et 2003 ? S’agit-il d’un signe précurseur de baisse à venir des actions, est-ce une simple manifestation de fébrilité temporaire des investisseurs, ou bien plutôt une opportunité fugitivement offerte à certains épargnants pour s’exposer à ce segment de la cote ?

Quel a été le déclencheur de ce soudain repli boursier ?

Une première explication serait la publication d’une étude du courtier Goldman Sachs considérant que les investisseurs sous-estimeraient la sensibilité au cycle économique de ces sociétés, justifiant donc des prises de bénéfices. Il semble toutefois peu probable que l’ensemble de la communauté financière, composée notamment de nombreux spécialistes aguerris sur les sociétés technologiques, se soit ainsi fourvoyée. La seconde explication est une rumeur selon laquelle Apple envisagerait de brider intentionnellement la performance de son futur iPhone8, afin de diversifier ses fournisseurs de composants électroniques. S’il est cohérent qu’Apple et ses sous-traitants aient été sanctionnés en bourse suite à une telle rumeur, il aurait toutefois dû y avoir un report d’intérêt en faveur de certains concurrents pouvant y gagner des parts de marché. Par ailleurs, la plupart des acquéreurs de produits Apple ne recherchent pas tant une performance technologique exceptionnelle que l’attrait de l’«environnement Apple», la sanction semblant alors disproportionnée. Un troisième argument pourrait-être alors une valorisation trop élevée de cette thématique.

Un repli des sociétés technologiques dû à des valorisations trop élevées ?

La très forte performance boursière du Nasdaq100 en 2017, et plus encore celle de certaines de ses sociétés emblématiques, pouvait légitimement préoccuper les investisseurs. Mais, à y regarder de plus près, cet argument laisse plutôt sceptique. Alors qu’aujourd’hui le S&P500 se paie en moyenne 17 fois les résultats attendus en 2018, le Nasdaq100 se paie 19 fois, surcote qui semble justifiée au vu du différentiel de croissance espéré. Des titres comme Apple sont valorisés à 14 fois leurs résultats 2018, Facebook 25 fois et Google 24 fois mais, à titre indicatif, L’Oréal se paie 25 fois, Air Liquide 19 fois ou Pernod Ricard 20 fois. Parce que ces niveaux de valorisations sont exigeants, il serait légitime de sanctionner ces titres si leur croissance venait à décevoir. Ceci n’a toutefois pas été le cas lors des publications du premier trimestre et, jusqu’à présent, ces sociétés n’ont pas non plus alerté les investisseurs quant à des attentes qui seraient excessives. Par ailleurs, beaucoup de sociétés technologiques disposent désormais d’une réserve de trésorerie colossale (cf. 257Mds$ pour Apple, 126Mds$ pour Microsoft, 92Mds$ pour Google,…) permettant d’envisager tout à la fois le financement de leur recherche et développement, mais aussi de procéder à des acquisitions, d’intensifier les programmes de rachats de leurs propres actions, voire de verser des dividendes ! Contrairement à la bulle de 2000, la plupart de ces sociétés ont fortement gagné en maturité, et elles ont déjà souvent été confrontées à des chocs cycliques majeurs … le risque qui leur est associé est donc nettement moindre qu’auparavant ! En fin de compte, les arguments généralement avancés pour justifier ces baisses étant peu satisfaisants, comment expliquer alors ce décrochage boursier ?
Performance du Nasdaq100 et de quelques sociétés technologiques en 2017 (base 100 = 30/12/16 au 30/06/17)

Sources : Bloomberg, WeSave

Les technologiques, un thème d’investissement trop consensuel ?

Dans un monde où la dynamique de croissance économique mondiale est médiocre, les investisseurs privilégient logiquement les sociétés de croissance. Intelligence artificielle, robotique, impression 3D, objets connectés, biotechnologies, énergies nouvelles,… Au-delà du fort potentiel de croissance, investir dans ces sociétés offre de nombreuses opportunités de diversifications thématiques, permettant donc de bénéficier de fondamentaux et de cycles industriels aux maturités très variées, d’où un risque finalement dilué pour l’épargnant. En fin de compte, le Nasdaq100 a régulièrement engendré une performance bien supérieure à celle du S&P500, même en réintégrant les dividendes versés par les sociétés (cf. graphe ci-joint). Au vu de tous ces atouts, il n’est pas surprenant que ce type de placement boursier ait à la fois les faveurs des investisseurs de long terme, mais aussi celui des hedge funds. Lorsque tous les profils d’investisseurs sont acheteurs d’un même actif financier, le prix de cet actif monte logiquement mais, au moindre doute, tout le monde cherche simultanément à sécuriser une partie des bénéfices latents … c’est probablement là qu’il faut chercher l’explication au décrochage du Nasdaq100 en juin ! Pour l’épargnant, la contrepartie des très nombreux atouts des technologiques est alors d’accepter une plus forte volatilité ponctuelle de cet actif.
Performance du Nasdaq100 et du S&P5000 dividendes réinvestis (base 100 = 02/01/08 au 30/06/17)
Sources : Bloomberg, WeSave

Quelles conséquences pour les portefeuilles des épargnants ?

Les sociétés technologiques représentent désormais 23% de l’indice S&P500 contre 15% en 2008, alors qu’au plus fort de la bulle technologique, c’est- à-dire en 2000, elles pesaient même jusqu’à 34% de cet indice. Leur incidence est donc significative sur la performance globale des marchés d’actions. C’est pourquoi, aux yeux des investisseurs, ces entreprises sont un important baromètre de la confiance à accorder aux marchés financiers. Tant que l’économie mondiale ne donnera pas de signes forts d’accélération, toute rotation massive des valeurs de croissance vers les titres cycliques sera probablement prématurée. Ainsi, il est actuellement toujours justifié de conserver une exposition structurelle significative sur les valeurs technologiques. En revanche, pour ce qui est des allocations tactiques, les prochaines publications trimestrielles (juillet) permettront de juger de la solidité des modèles économiques et des dynamiques intrinsèques de ces sociétés.

L’éclairage du gérant – Les sociétés technologiques… un cycle s’achève ?

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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