Date de publication : 4 mai 2023

Le mois de mars avait été agité sur les actions du fait du choc bancaire transatlantique. L’injection massive de liquidités par les autorités a rassuré les investisseurs. Après un rapide et violent rebond, la plupart des indices boursiers ont stagné ou bien légèrement baissé en avril, dans l’attente des publications trimestrielles des entreprises. À ce stade, ces résultats sont satisfaisants, les entreprises parvenant généralement à préserver leurs marges bénéficiaires, en dépit d’une moindre dynamique de leurs chiffres d’affaires. Par ailleurs, bien que les discours de perspectives soient prudents, ce qui semble normal dans les circonstances actuelles, il n’y a pas pour autant de signal fort d’inquiétude pour la fin d’année ou pour 2024. Restant constructifs quant aux perspectives d’investissement des gouvernements et des entreprises, nous maintenons notre surpondération sur les actions.

Depuis le choc bancaire transatlantique de mars, les obligations ont retrouvé de l’intérêt aux yeux des investisseurs. En effet, le durcissement de crédit par les banques commerciales suite à cet événement se substituant à de possibles hausses de taux directeurs par les Banques centrales, la probabilité augmente d’un retour plus rapide à la neutralité monétaire. Dès lors, le risque d’une baisse du prix des obligations diminue d’autant, et les rendements obligataires encaissés sont plus sécurisés. En revanche, l’inflation restant élevée, le rendement réel des obligations peut demeurer négatif, ce qui joue au détriment des obligations souveraines. Les plans d’investissement futurs des États restant par ailleurs très importants, leurs levées de capitaux à venir pourraient peser sur le stock existant d’obligations des États, d’où notre maintien d’une allocation neutre sur cette classe d’actifs.

La plupart des entreprises cotées ayant refinancé leurs dettes lors de la COVID, quand les taux étaient historiquement bas, et ayant aussi allongé la maturité de leurs remboursements, les levées de fonds sont modestes à ce stade. En parallèle, les investisseurs institutionnels sont friands des dettes d’entreprises bien mieux rémunérées que par le passé. Ce déséquilibre entre offre et demande explique la bonne tenue des obligations d’entreprises en ce début d’année. Quand bien même l’économie ralentit encore, le risque de défauts de paiements semble bien couvert aujourd’hui par le niveau des coupons versés, et s’exposer aux obligations d’entreprises protège mieux contre l’inflation en cours que sur la dette des États. Le couple rendement-risque nous semble justifier de rester surpondérés sur les obligations d’entreprises, en privilégiant toutefois les entreprises solides.

La dynamique d’appréciation de l’Euro face au Dollar se poursuit en ce début d’année, malgré le fugitif regain d’intérêt pour le billet vert lors du choc bancaire de mars. La croissance économique européenne est en effet plus forte qu’attendu, notamment grâce au repli des prix des matières premières énergétiques, et elle devrait être supérieure à celle des Etats-Unis en 2023. Par ailleurs, la balance commerciale de la zone se restaure, quand celle des Etats-Unis reste profondément négative. Enfin, le décalage entre les politiques monétaires transatlantiques devrait favoriser lui aussi durant quelques mois encore l’Euro face au Dollar puisque le statu quo de la FED interviendra avant celui de la BCE. Pour les résultats des entreprises, comme pour les allocations d’actifs, il convient de rester vigilant quant aux impacts des devises, car cela affecte fortement les performances.

La réouverture sanitaire de la Chine avait laissé entrevoir un possible rebond du prix des matières premières (énergétiques et métaux industriels), le pays en étant de loin le principal consommateur. En réalité, la reprise chinoise est concentrée sur les services et non sur l’industrie, ce qui est moins consommateur en ressources naturelles. Par ailleurs, la croissance mondiale ralentit, et c’est elle qui importe et pas seulement celle de la Chine. Pour ce qui est du pétrole, l’OPEP+ a cherché à soutenir les prix en restreignant sa production, mais l’effet favorable a été très éphémère. Les métaux précieux sont de nouveau recherchés en 2023 du fait du reflux du Dollar, mais aussi par réflexe de précaution suite au choc bancaire transatlantique. Un cycle de long terme favorable aux matières premières nous paraissant être engagé, c’est pourquoi nous maintenons notre surpondération sur cet actif.

En ce début d’année 2023, la performance des actifs émergents reste encore en retrait par rapport à celle des pays développés. Si le Dollar recule un peu, allégeant le coût d’emprunt de nombreux pays ou entreprises émergents, le mouvement reste trop faible pour être une incitation à se repositionner sur ces actifs. En effet, le cycle économique mondial a tendance à ralentir actuellement, invitant à une certaine méfiance à l’égard de ces pays, et cela d’autant plus si le choc bancaire transatlantique devait avoir des effets de contagion ! Par ailleurs, la reprise économique chinoise est plutôt autocentrée puisque tirée principalement par la consommation domestique : l’effet d’entraînement aux autres pays émergents est modéré. Nous continuons de privilégier dans nos allocations d’actifs une exposition indirecte aux émergents, via leurs principaux partenaires occidentaux.

Vue des actifs – l’Eclaireur de mai 2023

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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