Date de publication : 4 avril 2023

Des swings impressionnants, un tempo imprévisible, des dissonances fréquentes… il est décidément bien difficile de trouver une quelconque harmonie entre l’état de l’économie et le comportement des marchés financiers, et cela depuis déjà plusieurs années. C’est pourquoi l’exercice d’allocation d’actifs est particulièrement « Rock’n Roll », et que l’investisseur faisant le point sur ses performances en ressort souvent avec le Blues. Au travers de l’évocation de certaines chansons phare de la Pop britannique, menons une réflexion quant à la partition économique et financière en cours, et comment orchestrer éventuellement son épargne.

Walking on The Moon (The Police – 1979)

Comme en apesanteur, le CAC40 a atteint un nouveau record HISTORIQUE en séance : 7401,15 le 6 mars. C’est avec méfiance et scepticisme que beaucoup d’investisseurs accueillent cette situation inédite : des marchés européens baissant très peu ou rebondissant très vite et, qui plus est, supplantant nettement leurs homologues internationaux. Comment expliquer ce phénomène malgré le stress bancaire actuel et, plus généralement, pourquoi les actions tiennent-elles bien ?

La croissance économique mondiale surprend favorablement.

La réouverture sanitaire chinoise relance enfin la consommation domestique, et rétablit un fonctionnement normal de l’ « usine du monde » et des flux de marchandises internationaux. En parallèle, l’hiver clément en Europe a permis d’éviter que la zone ne soit paralysée par des pénuries d’énergie. Mieux encore, la baisse des prix énergétiques (-7% pour le pétrole, mais surtout -50,5% pour le gaz en seulement 3 mois !) et un chômage généralement au plus bas préservent tous deux la consommation des ménages. Les marchés d’actions préemptent probablement cette dynamique favorable.

L’inflation n’est pas nécessairement néfaste.

Contrairement aux micro-entreprises, les multinationales cotées en bourse ont généralement atteint une taille critique permettant d’imposer leurs conditions financières aux fournisseurs, aux employés et aux clients : ce « pricing power » permet de préserver sur la durée les chiffres d’affaires, les marges et les bénéfices. Ainsi, profitant du contexte d’hyper-inflation actuel, bon nombre d’entreprises ont passé, sous prétexte d’anticiper des surcoûts à venir, des hausses de prix bien supérieures au renchérissement des coûts subis, hausses qu’il aurait été souvent impossible de réaliser en temps normal. À titre d’illustration, une étude de la Banque centrale européenne (BCE) montre que sur la période 2021-2022, la contribution à l’inflation par les profits des entreprises a été deux fois supérieure à celle provenant des salaires ! En dépit des augmentations qu’il convient d’accorder aux employés, les entreprises ressortent plutôt gagnantes de l’inflation en cours, c’est pourquoi s’exposer aux actions offre une certaine protection contre l’inflation. Tout comme en 2022, les publications de résultats trimestriels à venir pourraient surprendre favorablement, et on observe d’ailleurs actuellement plutôt des révisions en hausse des prévisions de bénéfices par les analystes financiers !

Un déficit d’offre ou un excès de demande ?

En dépit de la pression exercée par l’inflation sur leur pouvoir d’achat, les ménages ont généralement encore une épargne résiduelle significative constituée lors de la COVID (on parle par exemple de 1000 Mds $ pour les seuls ménages américains) : l’épargne, mais aussi des crédits d’appoint à la consommation, permettent de maintenir le train de vie quotidien. De leur côté, les entreprises ont des carnets de commande encore étoffés et, rencontrant souvent des difficultés pour produire et pour livrer notamment du fait de la pénurie chronique de main-d’œuvre qualifiée, elles cherchent plutôt à lisser dans le temps leur activité. Tant que cet équilibre offre-demande favorisera les entreprises, leurs chiffres d’affaires et leurs marges bénéficiaires devraient rester solides, ce qu’apprécie la bourse !

Les indices boursiers présentent des biais de représentation.

Les indices boursiers ne reflètent jamais correctement l’économie réelle : beaucoup de secteurs d’activité en sont complètement exclus ou bien sont au contraire surreprésentés. Par surcroît, les groupes cotés ont atteint un stade de maturité et de rentabilité généralement bien supérieurs au reste de l’économie : ce sont de mauvais baromètres de l’état de santé économique et financier d’un pays, notamment du fait de l’intensité de leur activité à l’international. Le CAC40 bénéficie par exemple à plein de ses biais sectoriels : des poids très forts sur le luxe, la banque, l’énergie, la défense… que la conjoncture favorise. Plus généralement, les actions européennes sont réputées être « décotées » (style « Value »), mais aussi sensibles aux accélérations de l’économie chinoise, et versant d’importants dividendes, alors que leurs homologues américaines ont plutôt un biais « croissance » (style « Growth »), sont plutôt tournées vers l’activité domestique, et avec des dividendes bien plus modestes. En dépit d’une guerre à ses frontières, la très violente hausse des taux d’intérêts depuis un an a favorisé en relatif les actions européennes et a pénalisé plus spécifiquement les entreprises de « croissance » américaines. Alors qu’ils ont été longtemps un handicap, les biais sectoriels des actions européennes sont plutôt devenus des atouts relatifs depuis deux ans. 

Des phénomènes de flux d’allocation déterminants.

Les fondamentaux économiques n’expliquent pas tout, et il est essentiel d’analyser aussi les flux financiers. La plupart des investisseurs étaient pessimistes fin 2022, et ils ont été pris à revers par les bonnes nouvelles économiques successives de début d’année, d’où l’impératif d’ajuster par le haut leurs expositions aux actions. Faute de vendeurs marginaux suffisants sur les marchés, puisque le consensus était baissier, les cours de bourse se sont emballés. En début d’année, les couvertures financières sont devenues contre-productives, le cash s’est révélé être une source de sous-performance vis-à-vis d’indices de référence progressant fortement, et les expositions sectorielles ont dû être restructurées en urgence car les thématiques défensives ne payaient plus ! Il ne faut pas sous-estimer non plus l’impact majeur des fluctuations entre devises. Ainsi, un investisseur américain a pu bénéficier d’une décote additionnelle de -15% en septembre 2022 sur ses achats d’indices boursiers européens du fait du violent recul de l’Euro durant l’année face au Dollar : les actions européennes étaient alors doublement décotées ! La force du Dollar explique aussi pourquoi certaines entreprises américaines ont parfois déçu lors des dernières publications de résultat, alors qu’à l’inverse les bonnes surprises ont été nombreuses du côté des sociétés européennes dont l’activité et les bénéfices ont été dopés par le surcroît de compétitivité dû à la faiblesse de l’Euro. Les parités entre ces deux devises étant désormais normalisées, ce facteur jouera moins, voire agira dans l’autre sens cette année, du fait des bases de comparaison respectives ! Enfin, signe que les hausses de taux d’intérêt affectent finalement modérément les trésoreries disponibles, les annonces de versements de dividendes et de rachat de leurs propres actions par les entreprises sont très importantes en ce début d’année, assurant un soutien récurrent à cette classe d’actifs.

Under Pressure (Queen – 1981)

Les bonnes nouvelles pour les uns en sont de mauvaises pour les autres. Si les investisseurs sur les actions peuvent se réjouir que la croissance soit finalement plutôt soutenue en ce début d’année, c’est en revanche une pression persistante qui s’exerce sur les actifs obligataires, le recul de l’inflation pouvant être moindre qu’espéré ou bien différé.

Qu’en sera-t-il des prix des matières premières ?

La croissance économique chinoise va nécessairement accélérer fortement en 2023, ne serait-ce que parce que la base de comparaison avec 2022 est très favorable. Mais le pays est le plus gros consommateur de matières premières, faisant craindre un nouvel envol de leurs prix. Le premier constat que l’on peut faire est que les prix des matières premières sont mal orientés en ce début d’année, alors même que l’hypothèse d’une reprise économique chinoise est pourtant consensuelle. En réalité, la croissance mondiale sera faible cette année, et bien inférieure aux dynamiques d’avant COVID : c’est la croissance mondiale qui importe et pas celle de la seule Chine. Par ailleurs, la Chine a confirmé ne pas vouloir retomber dans ses travers passés en finançant à perte de vastes projets d’infrastructure ou d’immobilier : c’est une pression acheteuse en moins sur beaucoup de matières premières. Plus généralement, à travers le monde, les services tiennent et surprennent favorablement, mais l’activité industrielle freine pour sa part, et c’est elle qui est la plus consommatrice de matières premières : le tassement des prix à la production en est une évidente manifestation !

Les salaires restent sous tension du fait de la faiblesse du chômage.

Si les obligations restent sous pression en ce début d’année, c’est plutôt dû à l’impressionnante résistance de l’emploi. La pénurie généralisée de main-d’œuvre qualifiée exerce en effet une pression récurrente sur les salaires, et beaucoup d’entreprises utilisent ce phénomène pour augmenter leurs prix. La COVID a temporairement perturbé les flux migratoires entre pays, mais ce phénomène devrait s’atténuer. En revanche, le vieillissement de la population réduit mécaniquement les effectifs en âge de travailler : c’est pourquoi, malgré le tassement en cours de la croissance économique, les entreprises sont réticentes à se séparer d’employés qu’il serait difficile de réembaucher ensuite. Ce cycle est donc atypique, puisqu’étant caractérisé par un très faible taux de chômage. Les investisseurs obligataires scrutent donc avec appréhension chaque statistique d’emploi, et notamment les mentions relatives aux dynamiques salariales. Bien qu’étant encore forte, la progression des salaires semble se tasser progressivement, et les salaires réels (i.e. corrigés de l’inflation) restent négatifs, ce qui est une source de soulagement pour les investisseurs obligataires.  

Le stress persistant vient des flux financiers et des Banques centrales.

Les rendements des obligations ont retrouvé des niveaux inédits depuis une quinzaine d’années, ce dont beaucoup d’investisseurs institutionnels se réjouissent : il leur sera plus facile de financer les pensions des retraités, d’améliorer la performance des fonds en euros… Paradoxalement, malgré le retour de ces flux acheteurs, les rendements obligataires peinent à se détendre en ce début d’année. Ceci s’explique d’abord par le fait que les États ont besoin de lever énormément de capitaux afin de financer leurs déficits budgétaires : il y a un afflux d’émissions d’obligations en 2023, amplifié par les émissions ayant été reportées en 2022. Par ailleurs, les Banques centrales s’efforcent de réduire progressivement la taille de leurs Bilans, ce qui se traduit par moins d’achats mensuels d’obligations. Pour que les flux acheteurs d’obligations l’emportent de nouveau, il faudrait que le cycle économique se tasse plutôt qu’il n’accélère, incitant alors à alléger les actions au profit des obligations, et que les politiques monétaires redeviennent accommodantes plutôt que restrictives.

Should I Stay or Should I Go? (The Clash – 1981) 

Les Banques centrales mènent depuis 1 an des restrictions monétaires d’une intensité et d’une vitesse exceptionnelles, ceci afin d’apaiser l’inflation. Malgré ces efforts, cette dernière se maintient bien au-delà des cibles théoriques fixées, soit autour de 2%. Si certains banquiers centraux orthodoxes souhaitent prolonger les efforts de restriction en cours, plusieurs facteurs militent toutefois pour une pause monétaire.

Les restrictions monétaires ont des effets économiques retardés.

De nombreuses études académiques montrent que les politiques monétaires n’ont un plein effet sur l’économie que près d’un an plus tard. Les restrictions monétaires ayant généralement commencé début 2022, ce n’est donc que maintenant qu’elles commencent vraiment à brider l’activité. De plus, le rythme des hausses de taux ayant accéléré fin 2022, ce n’est que vers la fin de cette année qu’on percevra toute l’étendue de leur effet ralentisseur. Voilà pourquoi les banquiers centraux sont désormais plus divisés quant aux politiques monétaires qu’il convient d’adopter : ne faut-il pas marquer une pause d’observation ? La prudence se justifie d’autant plus que l’endettement des États, des entreprises et des ménages est bien plus élevé que par le passé, ce qui signifie que la sensibilité de nos économies aux hausses de coûts d’emprunts est bien plus forte.

Plusieurs craquements financiers déjà visibles !

La mission des banquiers centraux est de s’assurer que l’inflation soit sous contrôle, mais un objectif est plus prioritaire encore : la stabilité financière ! Depuis la fin d’année 2022, plusieurs chocs financiers d’ampleur incitent les banquiers centraux à plus de vigilance et de retenue quant à leur politique monétaire. Le Royaume-Uni, et le gouvernement de L.Truss, ont été les premiers à en faire les frais : en septembre, le marché obligataire britannique s’est complètement asséché, et la Banque d’Angleterre (BoE) a été contrainte de faire un revirement à 360° de sa politique monétaire en se déclarant subitement acheteur de toutes les obligations de l’Etat anglais, alors même qu’elle souhaitait au contraire en vendre dans le cadre de la gestion de son Bilan ! Sans cette intervention, le 5ème pays au monde se serait retrouvé dans l’impossibilité de se financer ! Autre manifestation de l’impact qu’ont les politiques monétaires actuelles : en décembre, le fonds d’investissement américain Blackstone a dû provisoirement interdire tout retrait de capitaux de son fonds immobilier grand public, car n’étant plus en mesure d’en assurer la liquidité quotidienne. En mars, 3 banques américaines ont fait faillite durant la même semaine, dont l’emblématique banque communautaire de la technologie américaine, la Silicon Valley Bank (SVB). En seulement 44 heures, notamment du fait de l’effet boule de neige des réseaux sociaux et des technologies de paiement facilitant les retraits de capitaux, la 16ème banque du pays (209 Mds $ d’actifs) s’est retrouvée à court de liquidités disponibles et a été fermée ! Afin d’éviter une éventuelle contagion à l’ensemble du système bancaire, et pour protéger ce segment ultra-sensible de l’économie nationale, les autorités américaines et la FED ont pris des mesures inédites : offrir désormais une garantie illimitée des dépôts aux clients, et accepter de prendre en garantie les obligations présentées par les banques à leur valeur comptable et non pas à leur valeur de marché ! En Europe, après des années de déboires successifs et d’errements stratégiques (le titre n’ayant par exemple pas profité de la bonne tenue générale du secteur bancaire l’an dernier !), le Crédit Suisse s’est retrouvé emporté par cette vague de défiance bancaire, et son rachat par UBS a finalement été acté ! Ces alertes majeures ne peuvent laisser les banquiers centraux indifférents et, sans être oubliée, l’inflation passera à l’évidence au second plan des priorités !

Que peuvent faire les Banques centrales dans ce contexte ?

La continuité du système économique et financier reposant sur la CONFIANCE, il est indispensable que les autorités agissent vite et fort. Leur priorité est alors d’éviter que, faute de liquidités, les établissements ne deviennent insolvables, qu’ils fassent alors faillite, et que la méfiance ne s’installe à l’égard de tous les établissements financiers. Comme on peut le constater au travers de l’évolution de la taille des Bilans des Banques centrales, ce sont des centaines de milliards de Dollars qui ont été soudainement mis à disposition des établissements bancaires ! Les hausses de taux directeurs pré-annoncées pour lutter contre l’inflation ont tout de même été actées (cf. BCE et FED), mais les investisseurs ont bien compris que le statu quo serait désormais appliqué, quitte à reprendre ces durcissements monétaires lorsque ce stress financier sera apaisé. Au-delà de ces interventions financières, la communication est un levier majeur pour restaurer la confiance, mais son calibrage est complexe : en faire trop peut inquiéter et faire paniquer, alors que de ne pas en faire assez peut entretenir les doutes et le stress ! La question de l’affichage de la collaboration et de la coordination internationale est cruciale dans ces circonstances, notamment le sujet très sensible de la mise à disposition de Dollars, la majorité des transactions financières se faisant dans cette devise ! Au vu de l’ampleur et de la vitesse des moyens déjà engagés, il est clair que les leçons des dernières crises financières ont été bien intégrées par les autorités. Au-delà de prévisibles régulations bancaires additionnelles à venir (ce qui pèsera sur l’attrait boursier du secteur), les réductions de taille de bilan des Banques centrales semblent désormais compromises, et la question du maintien dogmatique d’une cible d’inflation de long terme à 2% devrait se poser avec plus d’intensité, d’autant plus que ce choc financier pèsera sur la croissance économique et sur l’inflation. Le calendrier de fin de hausse des taux directeurs semble s’être raccourci, et le tant attendu « pivot monétaire » des Banques centrales pourrait être en vue !

You Can’t Always Get What You Want (The Rolling Stones – 1969)

Crise de la COVID puis guerre en Ukraine oblige, les États ont été contraints de solliciter à des niveaux records leurs budgets et de faire s’envoler leur niveau d’endettement. Cette situation peut-elle continuer ?

Des dépenses incontournables !

Alors que la solidité du système financier est questionnée, il n’est évidemment pas possible pour les gouvernements de réduire maintenant leurs dépenses, au risque d’entretenir les pressions inflationnistes en cours (au grand dam des banquiers centraux !). L’inflation, tant qu’elle reste modérée, est même pour eux plutôt une source de satisfaction : la base taxable augmente à due proportion de la hausse des prix, et le coût réel de la dette (donc retraité de l’inflation) se maintient généralement en territoire négatif. De nombreuses dépenses majeures sont, quoi qu’il en soit, urgentes et indispensables : accélérer la transition énergétique, renforcer la défense nationale, sécuriser le système de santé, relocaliser vers le territoire national certaines industries stratégiques, améliorer la formation pour éviter les pénuries de main-d’œuvre qualifiée, appuyer le développement de nouvelles technologies et la numérisation du pays,… Parce qu’il est impossible de réaliser tous ces projets sans l’appui du secteur privé et, bien évidemment, sans celui du système financier (banques, marchés financiers…), le « quoi qu’il en coûte » semble avoir encore de beaux jours devant lui !

Quel financement ?

La crise bancaire actuelle a, au moins à court terme, l’avantage de provoquer des réflexes d’achats d’actifs réputés sûrs, à commencer par les obligations des États. À titre d’illustration, les obligations à 2 ans américaines ont vu leurs rendements s’effondrer de 5,07% à 3,77% en seulement 10 jours, d’où l’envol de leurs prix ! Les marges de manœuvre budgétaires des États s’améliorent donc, si on s’en tient à ce seul critère. Toutefois, lorsque les circonstances économiques et financières seront normalisées, il faudra envisager une augmentation de la pression fiscale, mais se posera alors la question de savoir sur qui elle doit échoir ? L’inflation pesant encore beaucoup sur le pouvoir d’achat des ménages, il semble difficile de leur ajouter cette charge budgétaire, d’autant que ces derniers sont aussi des électeurs ! Taxer les entreprises serait probablement tout aussi difficile, car cela réduirait d’autant leur capacité à contribuer financièrement aux investissements dans les divers projets urgents des États. La monétisation des dettes des États par les Banques centrales (achats persistants des dettes émises, stockées ensuite dans leurs Bilans) semble devoir continuer durant de nombreuses années, probablement jusqu’à ce que la croissance soit suffisamment pérenne pour permettre, en parallèle, une gestion plus rigoureuse des finances publiques.

Show Me The Way (Peter Frampton – 1975)

Comment allouer son épargne ?

Obligations.

La crise bancaire incite à rechercher des actifs de protection, d’où l’appréciation récente des obligations. Ces dernières sont, de plus aujourd’hui, une source de diversification constructive dans un portefeuille puisque la protection offerte par le rendement est de nouveau importante. Toutefois, les États auront besoin d’émettre à l’avenir beaucoup de nouvelles obligations pour financer leurs déficits budgétaires et leurs investissements futurs. C’est pourquoi les obligations d’entreprises solides (i.e. « investment grade ») semblent plus attrayantes : elles permettent d’obtenir un rendement supérieur à celui des États, la menace de défaut de paiement est très limitée, et le risque de flux d’émissions nouvelles est modéré.

Actions.

Pour l’épargnant pouvant faire abstraction des inquiétudes bancaires de court terme, la perspective d’un cycle d’investissement soutenu durant de nombreuses années et d’une consommation des ménages solide encourage la surpondération stratégique des actions. Au vu des incertitudes actuelles, mieux vaut toutefois privilégier les grandes multinationales plutôt que d’investir sur les petites entreprises, et favoriser les pays développés aux dépens des pays émergents. Dans l’hypothèse d’un statu quo imminent des politiques monétaires, les valeurs de croissance (les sociétés de technologies par exemple) devraient le plus profiter de l’impact favorable d’un reflux des taux d’intérêts sur les valorisations. Le secteur bancaire pouvant en revanche faire l’objet de nouvelles régulations portant atteinte à sa rentabilité future, tout comme les autorités pouvant suspendre les autorisations de rachat d’actions et de versement de dividendes par ces groupes, mieux vaut probablement allouer les capitaux disponibles vers d’autres secteurs. La faible exposition de la plupart des gestions aux actions atténue a priori le risque d’une baisse prononcée des actions, et laisse même augurer des flux acheteurs à venir.

Matières premières.

La reprise économique devant plutôt intervenir en fin d’année ou bien même l’an prochain, ce n’est qu’en seconde partie de 2023 qu’une repondération des matières premières devrait a priori vraiment se justifier, sauf à atteindre des niveaux de baisse aberrants avant cela. En attendant, l’or a retrouvé son pouvoir d’actif refuge et de diversification, motifs justifiant d’en détenir structurellement au moins un peu.

À long terme, les phases de doutes des marchés se révèlent être des opportunités qu’un plan d’investissement rigoureux, comme par exemple le versement régulier de capitaux, et des allocations bien diversifiées, permettent d’optimiser. Alors … With or Without You (U2 – 1987) ?

Hommage à la pop anglaise

Vincent Lequertier
Vincent Lequertier

Vincent Lequertier a 25 ans d’expérience en gestion d’actifs. Après une carrière à la banque d’Orsay, il est successivement directeur adjoint actions puis directeur actions. Spécialiste de la gestion allocataire, il devient en Août 2015, le responsable de la gestion allocataire chez WeSave.fr.

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