Les marchés financiers sont à l’économie ce que la Ligue des Champions est au football : un terrain où les meilleurs s’affrontent, certains pays dominant le classement, d’autres luttant pour éviter l’élimination. Entre « remontadas » boursières et fautes économiques, tout peut faire basculer le match. Attention alors au hors-jeu, car un mauvais calcul pourrait coûter cher ! Le début de cette saison 2025 étant pour le moins « sportif » pour l’épargnant, faut-il encore prendre des risques pour tenter de marquer des points ou bien est-il désormais plus raisonnable de se replier en défense ?
Les États-Unis marquent … contre leur camp ?
D.Trump peut revendiquer le titre de joueur le plus omniprésent en ce début d’année. Toutefois, si la bourse américaine devait être une juste mesure de la qualité de ses choix stratégiques, le Président a plutôt marqué contre son camp. Les actions américaines sont en baisse depuis le début d’année, et elles affichent une contre-performance relative exceptionnellement forte par rapport aux principales zones étrangères, surtout dans un délai aussi bref. De plus, le recul du Dollar n’a fait qu’accroître cette sous-performance pour les investisseurs internationaux ayant choisi d’investir des capitaux aux États-Unis.

Il convient toutefois de nuancer ce jugement :
- Les actions américaines étaient très surpondérées dans les allocations d’actifs jusqu’en fin d’année 2024 … le principe de diversification incitait à quelques prises de bénéfices, notamment en début d’année, lorsqu’il est tentant pour les gérants d’oser de nouveaux paris.
- La surperformance des actions américaines avait été particulièrement forte en 2023 et en 2024 … il s’agit donc en partie d’un rééquilibrage de performance entre zones.
- Les leaders de la technologie américaine, surnommés les « 7 Magnifiques » (Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla), et qui avaient particulièrement contribué à la hausse des indices américains, font l’objet de prises de bénéfices appuyées en ce début d’année, et leur fort poids indiciel (31% du S&P500, ou 19,5% du MSCI All World à elles seules) joue en défaveur des grands indices où ces sociétés sont très représentées.
- Le focus des investisseurs et des médias se fait souvent sur les actions, mais c’est trop vite oublier que l’immobilier et les obligations constituent une forte part du patrimoine des ménages américains, et ces deux actifs bénéficient en revanche de hausses de leurs prix en ce début d’année ! Il ne faut donc pas surestimer l’effet de richesse négatif que le recul des actions pourrait avoir sur le moral et sur la consommation des ménages américains.



Pour autant, D.Trump inquiète, et ses premières décisions provoquent déjà d’importants ajustements négatifs sur la croissance ou l’inflation américaine et mondiale.
- En premier lieu, le Président a adopté une démarche bien plus radicale que lors de son premier mandat, car son entourage est désormais composé de personnes dévouées à sa cause. Ceci explique pourquoi les relèvements de tarifs douaniers annoncés début avril ont été aussi spectaculaires, prenant de court le monde entier : 10% de tarifs douaniers universels, et des « tarifs réciproques » s’appuyant sur des modes de calculs flous, voire discrétionnaires. Même si cela reste un instrument de négociation pour faire des « deals », son obsession à appliquer systématiquement des droits de douane ne doit pas être sous-estimée. D.Trump est en effet convaincu que le commerce international est un jeu à somme nulle et que le déficit commercial chronique des États-Unis est dû à des pays étrangers « profiteurs ». Ceci explique pourquoi il veut rééquilibrer le commerce mondial au travers des tarifs douaniers, et pourquoi il veut « verrouiller » certains axes commerciaux stratégiques (cf. canal de Panama, passage du grand Nord avec le Canada et le Groenland, détroit d’Ormuz, etc…). Le sujet des tarifs douaniers est d’autant plus important que D.Trump compte sur ces recettes fiscales pour boucler son budget et financer ainsi une partie des baisses d’impôts en faveur des ménages et des entreprises.
- L’hyper-activisme de cette nouvelle Administration, venant souvent des milieux d’affaires ou de la finance et n’ayant pas l’expérience de la gestion des relations internationales, inquiète. Les critiques sont notamment très fortes à l’encontre d’E.Musk et des pratiques expéditives du DOGE (Department Of Government Efficiency), ou bien encore du fait de la remise en cause de financements internationaux majeurs (cf. conflit en Ukraine) ou de grandes institutions internationales (cf. OMC, OMS, etc…).
- Les relèvements de tarifs douaniers ont contraint de nombreuses entreprises, notamment américaines (cf. FedEx, Nike, etc…), à alerter quant à leurs perspectives de chiffres d’affaires ou de bénéfices à venir. À noter que les « 7 Magnifiques » sont particulièrement exposées au commerce extérieur, et qu’en cas de rétorsions commerciales elles pourraient être spécifiquement ciblées. Par ailleurs, les réductions d’activité ou fermetures d’agences fédérales par le DOGE pénalisent les perspectives d’activité des entreprises dépendant des commandes publiques (cf. alertes lancées par Accenture, Sodexo, etc…).
- Le plus inquiétant pour les États-Unis est la perte de confiance de nombreux ménages ou dirigeants d’entreprises dans leurs perspectives, car les incertitudes incitent à suspendre beaucoup de décisions de consommation, d’investissement, d’embauche, etc… en attendant de retrouver plus de visibilité : le manque de clarté est, à lui seul, un processus récessif auto-réalisateur pour le pays et, par contagion, pour l’étranger.




D.Trump peut toutefois revendiquer quelques succès depuis sa prise de fonction :
- Le coût de l’emprunt a baissé aux États-Unis : les obligations à 10 ans américaines ont vu leur taux passer de 4,58% fin 2024 à 4,17% désormais. État, entreprises et ménages peuvent donc s’endetter ou proroger leurs crédits à moindre coût. Pour le gouvernement américain, ce sujet est MAJEUR car 8 600 Mds $ d’obligations arrivent à maturité cette année (soit 30,5% du total du stock d’obligations de l’État, ou bien encore l’équivalent de 30% du PIB américain) et que la charge de la dette du pays (estimée à 1 000 Mds $ pour 2025) équivaut au budget de la Défense ! Plus les taux d’intérêts seront bas, meilleure sera la situation pour le pays : pour rappel, le coût d’emprunt moyen de la dette fédérale américaine est de 3,3%.
- Le Dollar s’est replié de -8,9% en ce début d’année face aux 6 principales devises au monde, améliorant la compétitivité relative des entreprises américaines, tant sur le territoire national qu’à l’étranger.
- Le pétrole a décroché de -16,4%, ce qui est une très bonne nouvelle pour le pouvoir d’achat des ménages … rappelons que 70% du PIB américain repose sur leur consommation ! Par ailleurs, les entreprises énergivores sont moins pénalisées par ce facteur de production essentiel. De plus, D.Trump cherchant à réindustrialiser le pays, des prix bas du pétrole peuvent être mis en avant pour séduire les entreprises hésitant encore à s’implanter ou à investir dans le pays.

Qu’attendre éventuellement pour la suite ?
- D.Trump souhaite à l’évidence opérer un vaste « reset » de l’économie américaine en réduisant drastiquement le poids des administrations publiques, atténuant ainsi le déficit budgétaire du pays, et ceci au profit du secteur privé, ce dernier étant motivé à investir par deux facteurs majeurs à venir : une vaste dérégulation et une fiscalité incitative.
- En mettant sous pression l’économie américaine, D.Trump espère obtenir plus facilement des élus Républicains qu’ils lui accordent les baisses de fiscalité tant souhaitées, de façon à satisfaire les électeurs avant les élections de mi-mandat de novembre 2026. L’inflation ayant contribué à faire perdre la présidentielle aux Démocrates, et les anticipations d’inflation accélérant fortement, D.Trump ne peut qu’en tenir compte dans ses décisions à venir. La question du tempo est donc primordiale dans l’ordonnancement des mesures prises par l’Administration américaine.
- Au vu des révisions de scénario économique effectuées par la FED, cette dernière semble considérer que le risque « récessif » est plus pressant qu’une résurgence de l’inflation, ce qui converge avec l’analyse de la plupart des économistes. En conséquence, les marchés anticipent que la FED pourrait baisser par quatre fois ses taux directeurs cette année, quand une seule baisse était attendue en fin d’année 2024. Si tel était le cas, la FED allégerait le coût de l’emprunt pour le pays, ce qui serait évidemment une très bonne nouvelle pour l’Administration Trump et ses refinancements obligataires, mais aussi pour les dirigeants d’entreprises et les ménages, et enfin pour les investisseurs sur les actions ou sur les obligations en bourse !
- Les « 7 Magnifiques » ont vu leurs valorisations redevenir bien plus abordables, et leurs atouts structurels restent de puissants facteurs pour séduire les investisseurs : des situations de monopole ou de quasi-monopole, une forte croissance persistante, dégageant de solides bénéfices, disposant de trésoreries pléthoriques pour les nécessaires investissements d’avenir (cf. intelligence artificielle, robotique, ordinateurs quantiques, etc…) ou pour acquérir d’autres entreprises afin d’étoffer leur offre, procédant à de réguliers et massifs versements de dividendes et rachats de leurs propres actions. Par ailleurs, l’Administration Trump veut impérativement conforter l’avance technologique du pays : ces sociétés seront soutenues dans leurs développements … et ce n’est pas un hasard si leurs dirigeants étaient présents lors de l’investiture de D.Trump.
- Au-delà d’une valorisation plus attractive, la bourse américaine devrait bénéficier d’une protection à la baisse par divers facteurs : les baisses de fiscalité à venir, la dérégulation, des ménages dont la consommation déclinerait trop fortement, forçant D.Trump à infléchir son programme économique sous la pression des élus Républicains, et enfin un soutien monétaire plus proactif de la FED. Pour la bourse américaine, le match est donc loin d’être perdu !




Une feuille de match européenne plus favorable ?
La principale surprise boursière de ce début d’année est la bonne performance relative des actions européennes. Plusieurs facteurs contribuent à expliquer cette « remontada » :
- Les efforts déployés par D.Trump pour parvenir à un cessez-le-feu, voire à la paix en Ukraine, profitent aux actions européennes : la décote qui leur était appliquée a peut-être moins de raison d’être. De plus, les prix de l’énergie pourraient redevenir structurellement plus modérés, restaurant une compétitivité industrielle particulièrement mise à mal depuis février 2022, et cela pourrait soutenir le pouvoir d’achat des ménages et leur consommation.
- L’Administration Trump ayant décidé de ne plus assurer son soutien militaire comme auparavant, il est devenu nécessaire pour l’Union européenne (U.E.) de débloquer en urgence un budget de 800 Mds € pour sa Défense. Notons que le Royaume-Uni sera associé à ces développements militaires européens, restaurant opportunément des liens distendus par le Brexit. Si les investisseurs saluent ces évolutions, c’est parce que la zone gagnera en autonomie et en souveraineté, mais plus encore parce que sa croissance sera confortée par ces budgets militaires récurrents durant les prochaines années.
- La principale surprise en ce début d’année est venue de la nouvelle coalition gouvernementale allemande, cette dernière ayant décidé de lever le plafond budgétaire légalement autorisé. Un budget de 500 Mds € sur 12 ans sera alloué au développement des infrastructures du pays, soit environ 1% du PIB allemand ajouté chaque année ! L’orthodoxie budgétaire du pays a donc ENFIN cédé le pas au pragmatisme : les restrictions budgétaires des dernières décennies avaient certes permis au pays de disposer d’une situation financière enviable, mais cela s’était fait aux dépens des développements économiques de long terme. En effet, l’Allemagne était devenue bien trop dépendante de ses fournisseurs (cf. énergie russe), mais aussi de ses clients extérieurs (cf. débouchés chinois et américains qui se contractent). Ce soutien budgétaire allemand aux infrastructures devrait donc s’ajouter à celui sur la Défense européenne, et il se diffusera au moins partiellement aux autres pays de la zone.
- La surperformance des actions européennes s’explique ainsi par une meilleure visibilité quant à la croissance économique à venir quand, dans le même temps, la croissance américaine devient moins assurée. S’ajoute à cela le fait que la valorisation des actions européennes était inférieure à sa moyenne de long terme, et que la décote de valorisation vis-à-vis des actions américaines était historiquement forte. C’est pourquoi, alors que les actions européennes étaient très délaissées dans les allocations d’actifs, elles retrouvent de l’intérêt aux yeux des investisseurs internationaux et, parce que les vendeurs font défaut dans une telle situation, les flux acheteurs provoquent un décalage favorable des cours de bourse.


Il convient toutefois de nuancer l’état de grâce actuel des actions européennes :
- Il sera difficile de constituer une « Europe de la Défense » car le secteur est très fragmenté entre les divers pays européens, et qu’il est très compliqué de renoncer à sa souveraineté nationale sur un sujet aussi sensible. Dès lors, il sera complexe d’harmoniser les standards industriels et technologiques entre ces entreprises, de fusionner parfois certaines d’entre elles, de déterminer quels sont les lieux où les productions ou bien les centres de recherche et développement seront localisés, etc… Par ailleurs, les appels d’offres sont longs et complexes, le déblocage des capitaux ne produira ses effets sur la croissance européenne qu’à partir de 2026, ou plus tardivement encore. Il ne faut pas non plus sous-estimer le fait que, si ces capitaux publics s’orientent vers le militaire, c’est autant que les activités civiles n’auront pas : le risque d’éviction ne doit pas être négligé. Enfin, le « multiplicateur budgétaire » (impact d’une augmentation des dépenses publiques ou d’une baisse des impôts sur la croissance économique) est faible pour le secteur de la Défense (autour de 0,5%-0,6%) … ce n’est qu’environ la moitié des injections budgétaires envisagées qui se retrouveront sous forme de croissance du PIB. En attendant, pour parer au plus pressé, les entreprises américaines de la Défense resteront probablement les grandes bénéficiaires des budgets européens !
- Le budget allemand alloué aux infrastructures bénéficiera d’un « multiplicateur budgétaire » avoisinant les 0,8%-0,9% … mais c’est surtout l’Allemagne qui en profitera. Tout comme pour le secteur de la Défense, les appels d’offres pour les infrastructures sont longs, techniques, ils peuvent faire l’objet de recours juridiques, etc… ce qui signifie que la croissance économique allemande ou européenne de 2025 n’en profitera pas.
- En attendant que les soutiens budgétaires allemands et européens bénéficient à la zone, il faudra faire face à l’impact récessif des droits de douane américains sur nos exportations. Pire encore, il est probable que les autres pays dans le monde, eux aussi affectés par des droits de douane, cherchent à déverser en Europe leurs produits invendables aux États-Unis : la Chine pourrait par exemple devenir un concurrent très agressif. De plus, l’actuelle appréciation relative de l’Euro nuit à la compétitivité des entreprises de la zone. Les chiffres d’affaires et les marges bénéficiaires des entreprises européennes seront sous pression, ce qui n’est logiquement pas compatible avec une forte surperformance boursière des actions européennes ! Autrement dit, si on ne peut nier l’effet favorable des mesures budgétaires européennes, elles n’auront d’impact significatif qu’en 2026, voire en 2027 et, en attendant, il faudra subir le protectionnisme américain et l’intensification de la concurrence internationale.
- Les relances budgétaires européennes, notamment celle décidée par l’Allemagne, ont provoqué une brutale hausse du coût de l’emprunt de tous les pays de la zone : il faudra émettre plus d’obligations pour financer ces relances. En conséquence, TOUS les pays européens subissent un renchérissement de leur dette, sans pour autant bénéficier des avantages qui y sont associés en termes de croissance économique. Cette situation est particulièrement difficile à assumer pour les pays européens très endettés (cf. France ou Italie) et devant équilibrer leurs budgets pour limiter l’envol de la charge de leur dette. En conséquence, c’est à une divergence économique entre pays européens et non pas à une convergence que l’on pourrait finalement aboutir !

La bonne surprise en 2025 pourrait provenir de la Banque Centrale Européenne (BCE) :
- Le conseil des gouverneurs de la BCE reste divisé car les hausses de droits de douane sont réputées être inflationnistes, et le mandat de la BCE consiste à assurer la stabilité des prix. Toutefois, comme nous l’avons vu précédemment, il est probable que l’Europe devienne une zone captive pour les entreprises étrangères voulant se débarrasser de leurs invendus américains. La concurrence sera intense et, en conséquence, les entreprises européennes auront du mal à passer des hausses de prix et leurs employés à réclamer des augmentations de salaires : l’inflation devrait rester contenue. En revanche, la croissance économique de la zone devrait plutôt se tasser en 2025, tant que les relances budgétaires programmées n’auront pas produit leur effet. Accessoirement, l’appréciation relative actuelle de l’Euro protège aussi la zone d’un risque d’inflation importée. Les « colombes » de la BCE devraient pouvoir faire valoir ces arguments pour que les taux directeurs baissent encore significativement.
- La BCE pourrait aussi agir non pas par des baisses de taux directeurs, si elle n’est pas à l’aise avec l’inflation en cours, mais en reprenant son « quantitative easing » : les obligations émises par les États européens pourraient être achetées et stockées dans son Bilan par la BCE. Une BCE accommodante contribuerait à deux avancées fortes : elle faciliterait la convergence entre des pays aux rythmes de croissance économique et niveaux d’endettement très variés, et elle participerait à la construction à long terme de l’U.E. En d’autres termes, ce serait sa contribution à « l’effort de guerre » de la zone.
- Un soutien monétaire de la BCE serait évidemment aussi le bienvenu pour les actifs financiers de la zone : l’immobilier pourrait enfin respirer, et les actions et obligations apprécieraient ce geste. Précisions que, si les États européens devront émettre beaucoup de dettes pour financer leurs relances économiques, ce qui pèsera sur la dynamique des obligations souveraines, la situation est en revanche favorable pour les obligations des entreprises de la zone européenne puisque la croissance économique sera confortée à long terme, réduisant d’autant le risque de défaut de paiement ! La BCE sera donc probablement le joueur décisif pour les actifs boursiers de la zone en 2025.


Chine … l’outsider refait parler de lui !
On croyait la Chine reléguée depuis longtemps en 2nde division des actions internationales, et l’intensité de la confrontation avec les États-Unis rendait peu probable une bonne performance boursière en 2025. Pourtant, le pays pourrait être LA surprise favorable de l’année. Comment expliquer un tel contre-pied ?
- Les actions de la technologie chinoises ont été redécouvertes après que DeepSeek a affiché, dans l’intelligence artificielle générative, des performances supérieures à celles du leader américain ChatGPT. Même s’il est probable que les autorités chinoises aient appuyé en sous-main son développement, et que des doutes persistent quant aux semi-conducteurs dont DeepSeek a réellement disposé pour afficher ses performances spectaculaires, il n’en demeure pas moins que l’avance américaine dans le domaine semble désormais disputée. Alors que les investisseurs internationaux doutaient de la valorisation des « 7 Magnifiques », les dirigeants chinois ont su remettre opportunément en avant les atouts de leurs leaders de la technologie : Alibaba, Baidu, Tencent, Xiaomi, etc…
- Au-delà des sociétés de technologie, c’est la qualité haut de gamme de l’offre industrielle chinoise qu’il est désormais impossible de nier : l’automobile, l’éolien, le solaire, etc… sont autant de secteurs où la Chine est très en pointe, avec un rapport qualité-prix particulièrement séduisant. Le pays a par ailleurs su identifier très en amont certaines activités stratégiques, se rendant incontournable pour le monde entier. Ainsi, il sera par exemple impossible pour l’Administration Trump de se passer durablement des métaux rares chinois, INDISPENSABLES au bon fonctionnement des secteurs de la technologie (électronique, énergies renouvelables), de l’automobile (catalyseurs, batteries), de l’aérospatiale et de la défense (alliages spéciaux, systèmes de guidage), de la chimie (catalyseurs, colorants et agents de polissage), etc… De plus, il sera très difficile, et cela prendra de nombreuses années, aux divers pays pour élaborer une production nationale performante en substitution des produits chinois, puisque le pays représente 32% de toute la puissance industrielle mondiale !
- Lorsqu’il s’agit des devises, les observateurs surveillent les parités vis-à-vis du Dollar, c’est pourquoi un facteur important passe sous les radars : la Chine a procédé discrètement à une forte dévaluation de sa devise par rapport aux autres grandes monnaies étrangères. Le pays a ainsi reconstitué, très opportunément, une compétitivité qui devrait lui permettre de déverser plus facilement ses produits devenus invendables aux États-Unis. De plus, par opposition au rival américain, les dirigeants chinois se positionnent habilement en défenseurs du libre-échange et (ré)activent des partenariats internationaux pour profiter à plein de la réorientation des flux commerciaux mondiaux.
- La Chine s’est par ailleurs préparée en amont au retour de D.Trump et à ses agressions : la fermeté de sa réponse aux tarifs douaniers imposés par l’Administration Trump le démontre ! Les dirigeants du pays sont donc prêts à déployer d’importants soutiens budgétaires et monétaires afin de compenser l’effet négatif du protectionnisme américain. La relance budgétaire chinoise devrait être orientée vers sa consommation domestique, pour se désensibiliser du commerce international et des États-Unis, mais aussi afin de dissiper les reproches qui lui sont faits d’asphyxier l’étranger avec ses exportations.
- Les actions chinoises disposent d’un atout additionnel : le risque de décollecte est faible puisque les investisseurs internationaux avaient sous-pondéré, voire avaient fait l’impasse sur le pays dans leurs allocations d’actifs. Les flux sont désormais à nouveau favorables, bien qu’il s’agisse avant tout d’achats effectués par les institutions financières chinoises, sous l’ « incitation » du pouvoir central.



Les atouts conjoncturels que la Chine peut faire valoir ne doivent pas faire oublier plusieurs faiblesses structurelles :
- La dynamique de l’immobilier chinois semble moins préoccupante qu’auparavant, mais les difficultés n’ont pas disparu pour autant. Le pays a bien trop construit (cf. villes fantômes), et sa démographie est catastrophique (vers une division par 2 de sa population d’ici la fin du siècle ?) : les prix de l’immobilier resteront structurellement mal orientés du fait de l’excédent de biens disponibles. Les ménages chinois qui comptaient sur l’appréciation de l’immobilier pour leur retraite sont donc confrontés à une impasse patrimoniale affectant leur confiance et leur consommation, d’où les échecs répétés de soutien à la consommation par les autorités. Par ailleurs, les banques, bien qu’ayant été recapitalisées, devront poursuivre les dépréciations de valeur de l’immobilier détenu : les fragilités du système financier national persistent.
- La dépendance CHRONIQUE de la Chine à l’égard de son commerce extérieur s’explique très simplement : le pays représente 32% de la production industrielle mondiale contre 12% de la consommation mondiale ! Le mercantilisme chinois est dès lors « prédateur », d’autant que n’offrant pas aux entreprises étrangères une ouverture de son marché domestique équivalente à celle dont il bénéficie. Par ailleurs, lorsque les autorités chinoises identifient des secteurs d’activité comme étant prioritaires, ces derniers font l’objet de subventions et de soutiens de tous ordres, d’où un capitalisme déséquilibré à l’égard des concurrents étrangers. Attention alors à ne pas tomber dans les bras de la Chine par simple dépit quant à l’actuelle attitude de l’Administration Trump, et de croire naïvement que l’économie du pays basculera de l’offre vers la demande !
- Les questionnements quant à la « gouvernance » chinoise peuvent resurgir à tout moment, le dirigisme restant la règle : le pays n’offre pas forcément toutes les garanties souhaitables pour les investisseurs internationaux. Il n’est par ailleurs pas impossible que la Chine veuille profiter des errements de l’Administration Trump pour s’emparer par la force de Taïwan et de ses semi-conducteurs !
Conclusion :
Difficile de déterminer qui remportera le trophée dans ce contexte incertain, volatil, non coopératif, et fait de rapports de force. Pour l’épargnant, il convient de se souvenir que les marchés financiers sont un très mauvais reflet de la réalité économique, et de ne surtout pas se mettre hors-jeu en cédant à la panique ! En toutes circonstances, les entreprises cotées sont habituées à adapter leur jeu, à anticiper les mouvements de leurs concurrents, et à saisir les opportunités s’offrant à elles, d’où leur résilience et leur capacité d’innovation permettant de se démarquer. Après la phase de repli en défense observée durant le premier trimestre, les contre-attaques haussières des marchés pourraient une fois encore prendre à contre-pied les investisseurs ayant préféré jouer la montre avec des allocations prudentes.